mardi 28 février 2012

Retour de Bayonne

Bayonne...
Il a bien fallu que je leur annonce la nouvelle :
- Bon, les gars, le week end prochain, c'est Bayonne...
Stupeur dans le vestiaire.
- Déjà ? Mais on les a déjà joués l'année dernière...
C'était Jean-Marcellin : il existe une part de candeur dans son talent. Je me demande même si sa candeur n'est pas son talent.
- Et oui les gars, c'est le principe des matches allers - retours...
Elvis reprenait son rôle de grand frère. On sentait bien le poids sur ses épaules pourtant larges. Combien de temps résisterait-il encore avant de s'effondrer définitivement ? Le déambulateur l'aidait beaucoup, mais tout de même, j'en demandais trop à un homme de son âge.
- Si on faisait deux poules de huit sans retours, ça n'arriverait pas des choses pareilles... Voir ça en 2012...
David Skrela lisait mon blog. Je le remerciais du regard pour cet hommage déguisé, mais révélateur de notre impuissance. Il allait falloir aller jouer à Bayonne.
- Et il faut que cela tombe pendant les doublons... C'est toujours les mêmes qui ramassent...
D'habitude, j'aurais ordonné à Alexandre Audebert d'aller faire trois tours de terrain, mais à cet instant, je ne pouvais pas vraiment le blâmer de cet aveu de découragement temporaire...
- On ne pourrait pas prétexter un terrain gelé ? une alerte à la bombe ? la perte du triple A de l'Auvergne ?
Le Tube tentait le tout pour le tout.
- Non Alex, c'est mort. D'un autre côté, si on les bat, ils seront en Pro D2 l'année prochaine, et on en sera débarrassé pour un bout de temps...
- Vous croyez que ce qui s'est passé à Bourgoin arrivera à Bayonne, coach ?
C'était Benoit Cabello qui nous rappelait sa vieille parenté berjallienne. Lui qui avait également talonné à Brive savait ce que c'était que de jouer le maintien dès la troisième journée...
- Je ne sais pas Benoit... Je ne sais pas... Les Basques sont puissants... et durs au mal... Mais l'Union Soviétique s'est bien effondrée du jour au lendemain après avoir vaincu la plus puissante armée du monde...
Ils méditèrent tous cette vérité en hochant la tête et regardant leurs crampons.
Pourquoi cette phrase avait-elle fait sens pour mes joueurs ? Parce que j'avais tenu à ce qu'ils assistent à un séminaire intitulé "Luttes de pouvoir(s) et succession révolutionnaire, une nouvelle optique de la dialectique marxiste - une vision du XXème congrès du PCUS par le prisme de l'Aviron Bayonnais", organisé par la faculté de Rugby de Clermont-Ferrand et sponsorisé par Optic 2000. Les plus grands spécialistes de l'URSS, Jacques Sapir, Marc Ferro, Emmanuel Todd, Hélène Carrère d'Encausse, Alexandre Adler... s'étaient réunis pour tenter un début de commencement d'explication sur ce qu'il se passait à Bayonne. Le CNRS était sur le coup, mais les meilleurs Think Tanks américains avaient abandonné, quant à Julian Assange, il se déclarait incompétent : tous, en tout cas, en étaient frappés et s'accordaient sur l'immense complexité de la question. Il faudrait attendre la déclassification, dans une cinquantaine de saisons, de certaines archives (et encore...) pour amorcer des hypothèses étayées. D'ici là, on ne pouvait que se perdre en conjectures.
Mais je voulais que les joueurs sachent et comprennent. Je leur avais fait lire le Retour de l'URSS de Gide. Ils devaient par tous les moyens se rendre compte de la situation, de l'autre côté du mur, et réaliser ce qui pouvait conduire une grande idée servie par des gens talentueux à la catastrophe...
Certes, il y avait déjà eu Bourgoin. Mais, la chute du CSBJ était l'histoire trop souvent racontée de la lente décadence annoncée d'un État qui se néglige et qui vit sur sa gloire révolue, une forme rugbystique de l'Homme Malade Ottoman... Et l'opacité des coutumes basques, le secret de leurs usages, les incertitudes quant à leur base idéologique, la difficulté à repérer et discriminer les grands courants qui s'opposaient et se combinaient, sans parler de la rivalité séculaire qui les confrontait à un puissant voisin, rendaient une analyse de la situation bayonnaise aussi aléatoire qu'une relance de Sione Lauaki sur un départ au ras de la mêlée dans ses 22 mètres...
Tiens, ce pauvre Sione... Il était, pour ainsi dire, passé à l'Ouest... Les nouvelles qui nous parvenaient de lui n'étaient pas bonnes... Outre un niveau de jeu pathétique, l'hygiène de vie discutable de sa nouvelle patrie semblait avoir des répercussions sur sa santé... La satisfaction d'avoir recruté Gerhard, puis Damien Chouly, ne pouvait me consoler de cet immense gâchis...
Alexandre Adler avait bien tenté de nous décrire ce qu'il appelait les "faisceaux" (certainement par analogie avec l'optique) et avait évoqué celui qu'il avait surnommé le petit père du peuple de Jean Dauger, ancien optométriste de nuit à Genève, qui, après avoir écarté l'ensemble de l'opposition régionaliste, régne brutalement et sans partage, n'hésitant pas à conduire des purges au sein des élites et des cadres du club. La dernière en date, l'éviction du crypto-trotskiste Ellissalde, qui avait sauvé l'Aviron il y a quelques années en réorganisant l'armée bleue et blanche, témoignait de la pression qui pesait sur les planificateurs bayonnais, dont les résultats n'étaient pas à la hauteur des prévisions, ou plutôt des ukases, du Gosplan...

Quoi qu'il en fut, il fallait aller jouer à Bayonne. Et si je savais que nous ne gagnerions certainement pas sur le front de l'Ouest, j'avais au moins pris mes responsabilités politiques.

Lorsque nous arrivâmes, je dis à Siti d'aller saluer son pote Joe Rockoçoko. Siti me répondit :
- Joe ? Mais ce n'est pas lui !
Il ne l'avait pas reconnu. Il faut dire qu'il trainait son mal être à l'aile, comme l'âme en peine d'un Rugby-Champagne éventé. Ce n'était pas Joe Rokoçoko, c'était le fantôme de Joe Rokoçoko. Il semblait mâché comme après un plaquage samoan, comme s'il avait passé une saison dans l'enfer d'un goulag d'Ovalie du Nord. Je le vis sortir du stade, après le match, anonyme comme un Fidjien en exil. Il ressemblait à Delasau pendant sa période montalbanaise. Temps de jeu, que de crimes on commet en ton nom... Il portait une toque en fourrure et des chaussures à fermetures éclair. Grises. Il cherchait à se protéger du froid. Le système avait broyé le talent, la grâce, l'éclat. Siti n'avait pas souhaité lui rendre visite. Par superstition, certainement. Par délicatesse, aussi...

Au final, cela ne se passa pas si mal... Ce match, on le joue dix fois, on le gagne neuf fois. Mais je crois que les joueurs ont eu pitié. Ils ont respecté par-dessus tout cette équipe qui se bat avec les armes qu'on lui a données, pour une patrie confisquée, pour un peuple affligé qui fête les matches nuls comme les plus grandes victoires...

mardi 14 février 2012

Groundhog Day : Somnum Guy Novis

De temps en temps, avec Maître Guy, on s'appelle. Dimanche matin, très tôt, mon portable a vibré très fort sur ma table de nuit. Dans mon demi-sommeil, l'espace d'un mouvement rapide de l’œil, j'ai cru que c'était la NZRU qui m'appelait, à la suite du décès de Steve Hansen dans une baignoire d'un hôtel d'Auckland...

C'était Maître Guy, le Recordman de France cadet du 1200 mètres, Celui qui empêcha Villepreux de devenir Berbizier, l'Homme qui a dit Non (au poste de sélectionneur). Je ne m'attendais pas à lui parler à cette heure de la journée, alors que je l'imaginais dormir du sommeil du Juste après avoir déjoué, vendredi dernier, le complot basquo-arbitral.

Guy était très agité. J'entendais sa voix essoufflée alors que je me redressais en essayant de ne pas réveiller ma femme.
- Vern, c'est toi ?
- Oui, Guy, c'est moi. Il est un peu tôt, tu ne trouves pas ?
- J'ai fait un cauchemar affreux...
- Tu as rêvé que tu avais recruté le jardinier du Stade de France ?
- Pire !
- Ah quand même... Tu me racontes ?
Je me levais et j'allais me préparer un café dans la cuisine.

- Alors voila : je me suis réveillé un matin dans une chambre d'hôtel d'un petite ville de province, Bordeaux... ou Lyon, à moins que ce ne soit Biarritz, je ne sais plus... Peu importe... J'avais programmé la télévision pour être réveillé en musique : c'était le clip de "Il est vraiment phénoménal" par Patrick Sébastien.
- Ouch !.. Drôle de réveil...
- Ouais, un truc improbable, un peu comme si Bernard Laporte donnait des leçons de déontologie...
- Euh... Il l'a fait je crois...
- Ah !.. Ben mon vieux... Bref ! Je me lève, j'éteins la télé et je mets à la place le Stabat Mater de Poulenc pour me donner du cœur pour la conférence de presse. Parce que, je ne te l'ai pas dit, mais c'est un week end de doublons. Je descends dans le hall de l’hôtel, et là, je tombe sur le MIDOL du vendredi et je lis, entre un scandale sur l'arbitrage et un limogeage d'entraîneur, que le top 16 est recréé pour la saison suivante. Je prends déjà un gros coup sur la tête... La journée passe, jusqu'au match. On perd, ma première ligne, composée de jokers médicaux, se blesse, ainsi que ma charnière. On prend l'avion pour rentrer rapidement à Toulouse, et je perds trois joueurs supplémentaires à la suite d'une mauvaise manipulation de porte en plein vol. Arrivé à la maison, je me mets devant le match du XV de France pour critiquer ce pauvre nul de sélectionneur à qui j'ai daigné céder la place. C'est bien la peine de sélectionner 13 joueurs du Stade pour gagner sur un contre et deux interceptions... Mais, comme il fait trop froid, la rencontre est annulée deux minutes avant les hymnes et est reportée lors de la journée de championnat où le premier rencontre son dauphin...
- Ah ouais... Dure journée...
- Attends, c'est pas terminé ! Je prends deux prozac et un lexomil pour parvenir à m'endormir. Le lendemain, je me réveille dans une chambre d’hôtel d'une ville de province, avec "Il est vraiment phénoménal" de Patrick Sébastien à la télévision... Quel soulagement lorsque je me suis réveillé...

Je contemplais le lever du soleil à travers les fenêtres de la cuisine. Le froid rendait l'air de la montagne cristallin. Le paysage me rappelait la Nouvelle Zélande. Une bouffée de nostalgie m'envahit.

- Guy ?
- Oui ?
- Guy, tu ne rêves pas. Ton cauchemar, c'est la réalité. Ça s'appelle le rugby français...

samedi 11 février 2012

The Sitiveni Sivivatu Facts

The Sitiveni Sivivatu Facts :

- Sitiveni Sivivatu ne joue pas au rugby : Sivivatu danse avec le ballon.
- On ne regarde pas jouer Sitiveni Sivivatu : on admire la Classe et la Grâce rendre hommage à William Webb Ellis.
- Sitiveni Sivivatu ne fait pas de courses en travers : Sitiveni Sivivatu cherche un lieu où démarrer une action d'exception.
- Sitiveni Sivivatu ne prend pas d'intervalle : les disciples s'écartent et laissent passer le Maître.
- C'est en voyant Brock James faire une passe à Sitiveni Sivivatu que Michel Ange a trouvé l'inspiration de la voûte de la chapelle Sixtine.
- Sitiveni Sivivatu ne fait pas de passe : Sitiveni Sivivatu fait une offrande.
- Si Sitiveni Sivivatu fait des chisteras après contact, c'est parce que sinon, ce serait trop facile...
- Sitiveni Sivivatu n'est pas lent : Sitiveni Sivivatu permet qu'on s'émerveille en détaillant sa gestuelle.
- Sitiveni Sivivatu ne fait pas partie de l'équipe : Sitiveni Sivivatu permet à ses partenaires de s'exprimer sur le terrain.
- Sitiveni Sivivatu a remplacé Napolioni Nalaga.
- Sitiveni Sivivatu ne vient pas des Antipodes : Sitiveni Sivivatu vient d'une autre planète.

The Sitiveni Sivivatu Facts.

jeudi 9 février 2012

Mon top 10 des phrases à la con du rugby

1. "Les (choisir une équipe) ont été réalistes/ont fait preuve de réalisme"
Le réalisme est un mouvement artistique qui "cherche à dépeindre la réalité telle qu'elle est, sans artifice et sans idéalisation" (Wikipedia). Le Littré nous indique quant à lui que le réalisme est une "doctrine qui suppose que nous connaissons le monde extérieur comme une réalité objective". Je sais que le sport, et le rugby en particulier, possèdent de grands artistes et quelques intellectuels, mais je doute que ceux qui emploient ce vocable à de nombreuses reprises chaque week end, pour qualifier une équipe étant parvenue à marquer dans un nombre restreint de temps forts et à l'emporter alors qu'elle était dominée, le fassent en connaissance de cause. Alors, par pitié, par égard et par amour pour la langue française, Messieurs les joueurs, les entraîneurs et les commentateurs, cessez d'employer le terme "réalisme" à tort et à travers : laissez Champfleury tranquille et parlez-nous plutôt d’efficacité, de lucidité, de performance, de rendement, voire, d'efficience...

Addendum : le réalisme et l'objectivité m'obligent à conférer ce que vous venez de lire au commentaire très pertinent de Martin Quelsot (voir plus bas dans "Commentaires").

2. "Mêlée intéressante"
C"est la version rugby du "corner intéressant", malheureusement popularisé par Christian Jeanpierre au football. Ce dernier l'emploie régulièrement dans ses commentaires, mais il est loin d'être le seul, au grand regret de l'analyste rationnel... Cet adjectif particulièrement recherché est en général utilisé pour qualifier une phase de jeu qui se déroule non loin de la ligne d'en-but, mais pas que. Je suis toujours à la recherche d'un technicien qui m'expliquerait à partir de quel endroit du terrain un ballon ou un lancement de jeu serait plus "intéressant" qu'un autre, en terme d'efficacité ou de danger pour l'adversaire.

3. Les valeurs du rugby
Souvent opposées à celles du football, le sport roi et concurrent (peut être parce qu'il est le seul où l'utilisation du pied est autorisée et où le gardien fait systématiquement des arrêts de volée et des en-avants volontaires ?), les valeurs du rugby sont invoquées à tout bout de champ pour exalter la camaraderie, la solidarité, le dépassement de soi, le fair play, etc... En fait, les valeurs du rugby sont les valeurs du sport en général, et ce n'est pas parce qu'elles transparaissent moins (ou sont moins mises en valeur...) dans d'autres activités, qu'elles ne peuvent pas être incarnées avec autant de pertinence. Ou alors, si l'on souhaite les réserver au rugby, il faut les assumer dans leur ensemble. Donc, ne pas oublier que font partie des valeurs du rugby : se faire tabasser, en tant que joueur de fédérale, sur le bord du terrain par des supporters, distribuer des marrons en douce de l'autre côté du ruck ou de la mêlée (et ce, chez les amateurs comme chez les professionnels...), boire plus que de raison et se bastonner, sans raison, justement, avec des inconnus à la sortie d'un bistrot, dans la foulée, s'endormir dans sa voiture, moteur allumé pour le chauffage avec le protège-dents encore en bouche, utiliser son image pour faire du business, conchier les arbitres pendant et après chaque journée de championnat, et, pour les happy few, profiter à fond des réceptions d'après matches organisées par la FFR...

4. Le French Flair
Moi, le French Flair, depuis que je joue et entraîne en France, je ne l'ai jamais aperçu, même de profil (ou alors c'était le French Blair)... Le jeu qui s'en rapproche le plus, c'est peut être celui de Toulouse, mais on l'appelle justement "jeu à la toulousaine", parce que c'est construit et structuré sur des fondations en béton armé (conquête + technique individuelle). Non, on pourrait à la rigueur parler de Fidjian Flair : relancer n'importe comment en faisant n'importe quoi, juste pour le plaisir. Effectivement, ça me plaît bien, enfin, quand je le regarde à la télé, parce que le premier qui fait ça à l'ASM, il est pas près de rejouer (sauf Sivivatu, Anthony Floch et JM Buttin). Bref, tout ça pour dire qu'après Berbizier et Laporte, et malgré la parenthèse Skrela - Villepreux, la France a revendu les droits du French Flair pour se payer Marcoussis, où on apprend apparemment du bon rugby bien formaté. De toute façon, le French Flair, ça n'intéresse plus les jeunes...

5. "A un moment donné" (variante : "A m'en donner")
C'est le "A partir de là" du rugby. Expression qui nous vient du lointain sud-ouest, avec des petits relents de cassoulet qui nous rappellent que le rugby était encore un sport de bouseux il y a peu, avant les calendriers, les pom pom girls et les barbus... Seuls ceux qui ont conservé l'accent de Gaillac (ou qui feignent d'avoir conservé celui de Dax) peuvent cependant l'employer.

6. La métaphore ou la référence culturelle du MIDOL
Et oui... Les Cahiers du Rugby n'existant pas encore, même si le Rugbynistère ou Boucherie Ovalie sont sur la bonne voie, je me coltine le MIDOL deux fois par semaine pour voir un peu ce qu'il s'est passé sur les pelouses de France et d'ailleurs. Je passe sur les fautes d'orthographe ou les impropriétés que je ne manque pas de relever (la preuve ici - c'est vrai, je ne suis pas parfaitement bilingue...) car ce qui me fait le plus marrer, ce sont les métaphores à deux balles, ou les références à des œuvres, sensées colorer l'article, mais dont l'absence d'originalité le dispute à la platitude, et dont je me délecte chaque lundi et vendredi. En fait, le MIDOL, c'est très Marty 2012 : on ne fait pas dans l'originalité, encore moins dans la finesse. On est au sud de la Dordogne, pas de doute là-dessus. Il y a un petit côté amateuriste et franchouillard, un brin provincial, à la fois roboratif et agaçant. Ça sent plus le "gigot - haricots" que la grande cuisine...

7. "C'est la fête d'Heaslip"
Blague favorite de Mathieu Lartot, qu'il n'hésite pas à proférer à chaque match de l'Irlande ou du Leinster. La première fois, on a tendu l'oreille, croyant à une erreur. La deuxième, on a franchement rigolé. Ensuite, on s'est félicité que France 2 ne diffuse que la HCUP et le tournoi... Variante, lorsque l'Irlande perd : "ce n'est pas la fête d'Heaslip". Invariablement suivie du pari sur le scooter de Fabien Galthié, qui, a lui seul, aurait pu sauver Motobécane de la faillite.

8. "No scrum, no win"
Citation apocryphe d'un dicton anglais, souvent mal compris. Car si c'est une condition nécessaire, elle n'est pas suffisante. La France l'a vérifié à plusieurs reprises à ses dépens. A l'ASM, je lui préfère "No pain, no game".

9. "Pour l'emporter, il faut gagner les duels"
Le degré zéro de l'analyse. Façon élégante de dire : "Pour gagner, il faut leur marcher sur la gueule" ou périphrase de "Il faut rivaliser dans le défi physique". Bref, tout cela est tautologique : le rugby étant un sport de combat, empreint de violence, il vaut mieux avoir l'ascendant physique sous peine de grave déconvenue. Mais cela n'empêche pas commentateurs et joueurs de rappeler ce dogme à chaque occasion.

10. "C'est un joueur rugueux"
Non Jamie Cudmore n'est pas revêtu de toile émeri, Grégory Le Corvec ne raye pas l'émail, Remy Martin ne s'est pas enduit de goudron pour le dernier calendrier des "Dieux du Stade". Le commentateur aime les litotes mais hésite aussi à accuser certains joueurs de préférer "Roller Ball" à "Invictus". Pour éviter de froisser les susceptibilités et ne pas effrayer la ménagère, on émet donc l'hypothèse que ces traces de doigts sur la joue sont causées par un échauffement cutané engendré par un frottis inopiné plutôt que par l'application préméditée d'un steak de phalanges à grande vitesse sur la joue d'un adversaire. Heureusement, les marques de cosmétiques s'intéressent de plus en plus aux systèmes épidermiques des rugbymen et devraient rapidement lisser les dernières impuretés...

mercredi 8 février 2012

Ils sont partout...

Hier, Jean-Marc est venu me voir avec un air de conspirateur. Il m'a donné rendez-vous, prenant bien soin de n'être entendu que de moi, dans la dernière salle du dernier sous-sol du stade, à minuit précise. Mais si, vous savez, le sous-sol dont je vous avais parlé il y a quelques mois. En partant, Jean-Marc me dit qu'il était enfin temps pour moi d'être initié.

Plus curieux que convaincu, je me présentai donc, à minuit précise, dans l'antichambre de la dernière salle du dernier sous-sol du Stade Marcel Michelin. Ça sentait un mélange de caoutchouc, de vestiaire et d'herbe fraichement coupée... Gerhard et le Barde interdisaient l'entrée. Immobiles, ils étaient revêtus d'une longue houppelande jaune et bleue et, le menton droit, l'expression hiératique, posaient leurs mains jointes sur le pommeau ovale d'une longue épée, pointe au sol, dont la lame était damasquinée d'arabesques figurant les initiales "ASM".

Gerhard, sans se départir de son impassibilité, s'adressa à moi, péremptoire :
- Qui vient frapper à la porte de la connaissance ?
- Euh... C'est moi... Vern...
- Je ne connais pas de Vern, je ne connais que le Néophyte qui demande à être affranchi des secrets de l'Ovalie.
- Euh... Ben... Je suis le Néophyte (mais bon c'est pas de ma faute si personne ne veut que je devienne sélectionneur !) qui demande à être affranchi des secrets... euh... de la commission de discipline !
- De l'Ovalie !
- De l'Ovalie !

Les deux sphinx s'écartèrent et la porte s'ouvrit. J'étais ébloui par la lumière qui en sortait. Une voix grave se fit entendre :
- Entre ici, fils du ruck et de la passe croisée !
Je m'exécutais. Je pénétrais dans une grande pièce ovale, mais j'étais toujours ébloui et je n'en distinguais pas les détails. J'entrapercevais des silhouettes anthropomorphes en face de moi mais je ne parvenais ni à les dénombrer, ni à les identifier. La Voix poursuivit :
- D'où viens-tu ?
- Euh... Du pays des All Blacks ?
- Il vient des ténèbres !
- Où vas-tu ?
- Ben j'espérais bien y retourner, mais mon destin a été contrarié...
- Il consent à endurer les épreuves qui nous permettrons de l'initier à nos mystères !
- Des épreuves ? Quelles épreuves ?
- Par trois fois, tu as trébuché, par trois fois, tu t'es relevé ! Le Frère Verrouilleur accepte-t-il l'initiation ?

Une nouvelle voix se fit entendre. C'était celle de Jean-Marc :
- A quinze pas d'ici, je te le fais savoir !
La porte se ferma dans mon dos.
La première voix reprit :
- Que l'initiation commence !
L'obscurité se fit soudain. La Voix :
- Quelle heure est-il ? Quel jour sommes-nous ?
Jean-Marc :
- Il est minuit précise ! Nous sommes le 29 mai !
La Voix :
- Quel est le score ?
Jean-Marc :
- 19 à 6 !
La Voix :
- Frère de la tribune Nord, qui est Marcel Michelin ?
A ma grande surprise, j'entendis Mario Ledesma répondre :
- Marcel Michelin est le commencement, il est l'Alpha, il est le premier Frère parmi les premiers !
La Voix :
- Frère de la tribune Sud, qui est Brock James ?
Derrière moi, j'entendis cette fois-ci Pierre Mignoni :
- Brock James est le Rugby !

J'étais de plus en plus désorienté...
La Voix :
- Frère de la tribune Est, qui est Bernard Chevalier ?
Il me sembla que Raphaël Saint-André répondit :
- Bernard "Dada" Chevalier est celui qui a dit qu'un coup de poing, ce n'est pas méchant, c'est nerveux !
La Voix :
- Frère de la tribune Ouest, qu'est-ce que l'ASM ?
Je l'aurais reconnu entre mille : Laurent Rodriguez !
- L'ASM est le plus grand club du monde, et son règne n'aura pas de fin !

Silence.

La Voix :
- Novice Vern, quel sera ton nom d'initiation ?
Je fus un peu plus déstabilisé lorsque j'entendis Philippe Saint-André parler de sa voix sourde :
- Il s'appellera, comment s'appelle... Il s'appellera Vern l'Arverne !
La Voix :
- Frère de la tribune Nord, Frère de la tribune Sud, Frère de la tribune Est, Frère de la tribune Ouest, Frère Verrouilleur, Frère Sélectionneur, acceptez-vous l'initiation de Vern l'Arverne, afin qu'il puisse poursuivre pour le succès de l'ASM, le bien du rugby et l'honneur de l'Auvergne, les travaux architectoniques de notre Grande Loge Pneumatique sous l'égide bienveillante du Grand Bibendum ?
Jean-Marc le verrouilleur du fond de touche répondit :
- Flexion, Touchez, Stop, Entrez !
Et tous ensemble :
- One, Two, Three, Four, Five, Ouch !
J'entendis un bruit de serrure.

Silence.

La Voix :
- Frère Vern l'Arverne, bienvenu dans la Lumière Jaune et Bleue ! Nous attendrons désormais de vous l'abnégation, l'élégance et l'amour du maillot.
La lumière revint. Après quelques instants, je recouvrai la vue. Je me trouvais debout au centre de la pièce ovale. Devant moi, Mario Ledesma, Blanche de Castille sur le torse, me souriait. A ma droite, Raphaël Saint-André caressait un Lion de Saint-Marc à ses pieds. A ma gauche, Laurent Rodriguez revêtait une tunique sur laquelle était imprimé le drapeau basque, mais le rouge et le vert étaient remplacés par du jaune et du bleu. Derrière moi, Pierre Mignoni portait un maillot du RCT, sur lequel des colchiques avaient pris la place du brin de muguet. Derrière Mario, en hauteur sur un trône, un homme dissimulait son visage dans l'ombre. La Voix semblait provenir de cette éminence. A ses côtés, Philippe Saint-André contemplait la scène. De part et d'autre, des gradins sur lesquels étaient installés quelques dizaines d'hommes arborant des maillots de l'ASM de toutes les époques. Je reconnus, divers, Eric Nicol, Jérôme Thion, Jean-Pierre Romeu, Philippe Marocco, Arnaud Mignardi, Fabien Bertrank, et même, Olivier Magne... Tous portaient un bonnet ovoïde jaune et bleu en cuir.

Jean-Marc vint se placer à mes côtés et m'entraîna dans les gradins. Il me dit :
- Tu es des nôtres maintenant.
Tous applaudirent. Puis le silence se fit. La voix :
- Frère de la tribune Nord, Frère de la tribune Sud, Frère de la tribune Est, Frère de la tribune Ouest, Frère Sélectionneur, le terrain est-il couvert, le vestiaire est-il ouvert, la pelouse est-elle verte, la balle est-elle plus belle à l'aile ?
Tous ensemble :
- Vénérable Frère, le cochon est dans le maïs, le fouchtri est dans le fouchtra !

M. Berdos vint se mettre au centre de l'ovale. Il leva un bras et siffla un coup d'envoi.
La Voix :
- Frère Berdos, le Bougre de la Rade, vient de déclarer ouverts nos travaux architectoniques ! Frère sélectionneur, quel est le premier Frère à s'exprimer ?
- C'est mon frère !
La Voix :
- Frère de la tribune Est, vous pouvez aplatir dans votre en-but.
Raphaël Saint-André prit la parole :
- Le Frère de la tribune Est rend compte à ses vénérables Frères que le Frère Sadourny est désormais en poste.
Brouhaha, murmures d'approbation, applaudissements.
La Voix :
- Je valide l'essai sans la vidéo. Merci Frère de la tribune Est, excellent travail. Frère sélectionneur, qui demande un "marque" ?
- Le Frère de la tribune Ouest !
Laurent Rodriguez, je n'en revenais pas de le voir parmi cette assemblée, s'exprima à son tour :
- Le frère de la tribune Ouest fait savoir à ses vénérables Frères que le Plan ABBOlition est en marche au Pays Basque. Le projet "Benoît Baby" a porté tous ses fruits.
La Voix :
- J'accorde le marque, mais il faudra suivre sous le coup de pied. Merci Frère de la tribune Ouest, continuez ! Frère Sélectionneur, le Frère de la tribune Sud tente de se faire la valise.
Philippe Saint-André :
- Qu'il feinte la 89 !
Pierre Mignoni prit la parole :
- Le Frère de la tribune Sud s'inquiète des manœuvres de l'Excité de Mayol et de son âme damnée, le Filou de Gaillac.
La Voix :
- Que le Frère de la tribune Sud se rassure. Les Frères de la Ligue ont les choses en main. Frère Sélectionneur, le Frère de la tribune Nord peut-il cadrer et déborder sur les derniers évènements de la Capitale ?
PSA :
- Le Frère de la tribune Nord peut prendre le trou !
Mario nous fit son petit discours :
- Le Frère de la tribune Nord estime qu'à Paris, la situation est sous contrôle. Le Racing se déchire, le Top 16 s'est pris un vent et le Stade Français joue raisonnablement bien.
La Voix :
- Merci, Frère de la tribune Nord. Prenez soin de ne pas trop en faire. Je voudrais maintenant entendre le Frère TSF & Farces et Attrapes.
Arnaud Costes, que je n'avais pas remarqué, se leva dans les gradins opposés :
- Le frère TSF & Farces et Attrapes poursuit son entreprise de noyautage des media : après l'éviction du Frère JPE, trop tiède, des Spécialistes Rugby sur Canal, correspondant à mon intronisation dans le cénacle, le Frère Contrepéteur Mathieu Lartot est désormais acquis à notre cause. Le Frère Roro, naturellement proche de cette sphère occulte, a parfaitement fayoté le week end dernier pendant Stade 2 et sa maîtrise de la langue de bois et du parler pour ne rien dire le positionne idéalement pour un poste de consultant dans le futur.
La Voix :
- Je me réjouis de ces informations. Frère Sélectionneur, comment se portent les intérêts de la Loge à Marcoussis ?
- Le Frère Sélectionneur tient à faire savoir qu'il redouble d’efforts pour ménager les Clermontois et bien crever les Toulousains et les Biarrots pour la reprise du championnat. Naturellement, le Frère sélectionneur est surveillé de près et se doit de donner le change. Le Grand Occitan de France est toujours très puissant...
La Voix :
- Merci, Frère Sélectionneur. Nous te savons gré de tes efforts, qui poursuivent ceux du Frère Convers à la Moustache Triste. Frère Verrouilleur, pouvons-nous siffler la fin du temps règlementaire ?
Jean-Marc se leva et déclara :
- Je botte en touche et je rentre au vestiaire !

Et c'est ainsi que je fus initié...

mardi 7 février 2012

Wallons enfants !

Vous vous souvenez certainement de la lettre poignante que Roro m'avait écrite depuis la Nouvelle Zélande, puis celle plus enjouée que m'avait adressée le Merdeux quelques jours plus tard. Aujourd'hui, c'est Vincent Debaty qui nous fait partager son quotidien à Marcoussis.

Cher Papa,

Je suis bien rendu à Marcoussis avec les deux peyes, le snul et les deux arsouilles. Morgan le ket n'a pas arrêté d'asticoter tout le monde pendant le voyage qu'il a fallu lui dire, plutôt deux fois qu'une fois, d'aller chier dans sa caisse et volle petrol !
Arrivés là-bas, un sacré brol ! On s'est pris une drache de chez drache, et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il faisait pas douf et que le temps était plutôt cru. D'autant plus que le patron était pas forcément à s'naise avant son premier match, ce qui fait qu'on avait l'impression d'être revenus à l'athénée, mais qu'on préparait pas une fancy-fair...
Pas question d'aller guindailler entre l'heure de midi ou même après, il fallait écouter des élocutions plutôt pelantes et on n'a pas eu trop de fourche entre les séances d'entraînement. Heureusement, il y a toujours quelques gonzagues et quelques frotte-manches pour poser des questions intelligentes sur le cahier de jeu et pour demander des séances vidéos supplémentaires.
Sinon, j'dois avouer que les repas m'ont pas trop goûté... Pas moyen de trouver une fritkot correcte dans ce zoning. A titre exemplatif, impossible d'avoir une rawette pour le souper. Quant aux fricadelles et aux ballekes, ils les ont jamais vues, même de profil...
Bon, mais je sais te dire que je suis plutôt binaize et que l'entrée sur la pelouse du Stade de France et la Marseillaise ont été un grand moment, potferdek ! C'est là que tu regrettes pas d'avoir abandonné le kicker pour le rugby... J'en avais les kiekebiches ! Faut dire que j'étais un peu stressé, limite labbekak, pendant l'avant-match.
Mais quand j'ai vu ce nek de Castro avec son air de ronny, j'ai tout de suite eu envie d'aller à la margaille. Ca n'a pas été la zwanze ni la foïfe, ça non... Il m'a bien tordu, le castard, une vraie bomme, mais sur deux mêlées, on leur a bien rendu la monnaie de leur pièce. Je dois avouer que j'ai plutôt joué en stoemmelings, et puis, avant la sextantième, le boss m'a rappelé sur la banc.
Le soir, ne t'inquiète pas, on est allé boire une pinte tranquille et on n'a pas eu besoin de faire le bob car aucun n'était kervé.
J'ai tout de même peur de la buse et car je ne bisse pas sur le prochain match. Mais bon, cette deuxième krolle, c'était quelque chose !

Alleeeeï ! Je te fais une baise !

Vincent "Le Belge"