lundi 12 mai 2014

Les histoires d'amour...

Samedi 10 ou dimanche 11 mai - Tard dans la nuit. Quelque part en Ovalie.

Je tourne délicatement la clé dans la serrure. Je pousse lentement la porte, sans un bruit. Peine perdue. Le salon est éclairé. Elle est là, dans le grand divan où j'ai si souvent posé ma tête sur ses genoux. Elle me regarde, mauvaise. Une bouteille de whisky irlandais - beurk - sur la table basse. A proximité, deux verres, dont un vide, mais qui a visiblement servi. Ses yeux sont brouillés par l'alcool et les larmes. Sa robe, mal ajustée, laisse entrevoir une bretelle de soutien-gorge.

Elle, provocante :
- C'est à cette heure-ci que tu rentres ?
Moi, désignant le verre vide du menton :
- Pourquoi ? Tu m'attendais ?
Elle, méchante :
- Tu as raison, on n'est pas marié.
Moi, nostalgique :
- On aurait pu...
Elle, dalidesque :
- Des mots, des mots, rien que des mots...
Moi, digne :
- Ne t'inquiète pas, mes valises sont prêtes.
Elle, résignée :
- Je sais, je sais... Tu aurais déjà dû les faire l'an passé. Je me demande encore ce que tu fais là...
Moi, indigné :
- Quoi ! Tu voulais que je te laisse en plan ? Comme ça ? Je suis peut-être un fermier mal dégrossi qui ne sait pas exprimer ses sentiments, mais j'ai quelques principes ! C'est toi qui la voulais, cette "année de transition" !
Elle, indifférente :
- C'est ça... Comme si tu n'y trouvais pas ton intérêt...
Moi, changeant de sujet :
- Comment peux-tu me traiter ainsi ? Après toutes ces années ?
Elle, avisant tristement une photo de nous deux en 2010 :
- On a eu nos bons moments, Vern. Mais tout cela, maintenant, c'est de l'histoire ancienne.
Moi, m'asseyant à ses côtés :
- J'y ai cru jusqu'au bout, tu sais... J'ai fait des efforts...
Elle, se poussant pour éviter le contact :
- Ça ne pouvait plus coller entre nous, tu le savais bien...
Moi, tripotant le verre vide :
- C'est lui qui t'a fait pleurer ?
Elle, essuyant une larme :
- Non, imbécile, on n'en est pas encore là...
Moi, me versant un whisky :
- Tu as passé un bon moment ?
Elle, pensive :
- Prometteur...
Moi, vaniteux :
- Tu me regretteras.
Elle, agressive :
- C'est ce que tu as dit à ta pétasse écossaise ?
Moi, grimaçant après une gorgée :
- Ne l'appelle pas comme ça. Elle a toujours été bien disposée à ton égard.
Elle, amère, les yeux dans le vague :
- Décidément, elle a tout pour plaire : patiente, bien élevée, serviable. Dommage que tout le monde se foute de sa gueule...
Moi, protecteur :
- Je ferai tout pour faire d'elle une femme accomplie. Comme toi.
Elle, railleuse :
- A défaut de la combler. Comme moi.
Moi, posant le verre à nouveau vide et me levant :
- Bon. Je n'ai jamais été très fort pour les au-revoir. Demain je serai parti. Je dors dans la chambre d'amis.
Elle, silencieuse.
Moi, lui jetant un regard de côté.

Elle pleure.
Moi, lui caressant la joue, une dernière fois, comme elle l'aimait tant.
Elle se laisse faire.
Je m'écarte.

Moi, dans l'embrasure de la chambre, me retournant, un peu mélo :
- Je t'ai aimée, tu sais, comme jamais je n'avais aimé personne.
Moi, maladroit, bien trop mélo :
Je crois bien que je t'aime encore.
Moi, sincère :
- J'ai toujours souhaité ton bien, tu sais. Et je ne regrette pas un instant passé à tes côtés, bon ou mauvais.
Elle, dans un sanglot :
- Moi non plus, Vern, moi non plus...