vendredi 7 novembre 2014

Quelques explications en guise d'au-revoir...

Après cet article, le Blog de Vern passe à l'état d'archive. Ce sera en effet la dernière publication de cet étrange objet cybernétique débuté paresseusement en 2008 et terminé un peu abruptement, comme la saison 2013 - 2014 de l'ASM.

Il aura eu une activité fluctuante, avec des pics pendant la coupe du monde 2011 ou les campagnes européennes, de longs temps faibles, et quelques succès (les "facts",  "Argent pas facile", le "Fantôme de Marcel" et "Quand Isabelle parle" entre autres). Il est resté relativement confidentiel (environ 250 000 vues sur la période) pour presque 200 publications. L'auteur, en toute modestie, ne cherchait cependant pas le succès éditorial : il était surtout animé d'une viscérale envie de parler - différemment - de son club préféré et d'un besoin irrépressible d'extérioriser son affection mêlée de frustration. Tant mieux si cela a plu, mais il s'agissait d'une démarche très personnelle, qui ressortait surtout de l'expérience thérapeutique et du plaisir d'écrire et de partager.

D'où l'anonymat. Pour des raisons pratiques, mais aussi par conviction.
Tout d'abord, j'exerce une profession dans laquelle je suis tenu à une certaine réserve et je ne souhaitais (et ne souhaite toujours) pas d'interférences entre les élucubrations de ce blog et mon métier. D'autre part, je suis particulièrement pudique et j'exècre les déballages narcissiques et inopportun dont notre société s'est fait le théâtre, par media interposés. En cela, je me réclame d'un autre Auvergnat (plus talentueux) qui écrivait avec beaucoup de sagesse "Le moi est haïssable". A ce titre, ce blog a toujours milité contre l'entreprise de starification du rugby que les vendeurs de papiers mènent à grand renfort de vide éditorial. C'est une lutte sans espoir qui en a pris un bon coup depuis que Toulon a réalisé son double doublé et qu'on essaie de nous vanter le "développement" du rugby autour de quelques noms comme le but ultime de ce sport, mais je reste persuadé que la star doit être l'équipe, et non les joueurs. Enfin, il est une grande vertu à rester dans l'anonymat : moins vous en savez de l'auteur et plus vous pouvez juger son travail avec impartialité. On s'épargnerait de bien mauvais livres si on ne les lisait pas sur la foi d'un nom sur une jaquette...

Anonymat, donc, mais aussi amateurisme.

Amateurisme permis, naturellement, par Internet, media oblatif par excellence, qui m'a offert l'opportunité de m'exprimer sans filtre ni contrainte économique, sinon celle du temps consacré. Amateurisme qui garantit aussi la liberté, et, incidemment, une certaine exigence. Délivré de tout agenda, je n'ai jamais cherché à plaire, ni à faire rire à tout prix, je n'ai écrit que lorsque j'en ressentais le besoin ou qu'un sujet m'inspirait, parfois sans rapport aucun avec l'actualité. Il est des moments où l'on a rien à dire. Dans ces moments-là, le mieux reste toujours de fermer sa gueule.

Je fais partie d'une génération qui, lorsqu'il n'était pas possible d'aller au stade, était contrainte d'attendre les "tableaux" de Stade 2 pour connaître les résultats du week-end. Les images étaient rares, et on était déjà bien content de tomber sur le résumé en une minute trente (dont trente secondes de tentatives de pénalités) d'Yves Meunier le lundi à midi... Internet nous permet désormais de "consommer" du rugby à toute heure, dans toutes les langues, avec plus ou moins de bonheur et la quantité l'emporte souvent sur la qualité... L'ambition de ce blog était, dans ce contexte, de parler du rugby "autrement", loin de cette approche pseudo-statistique et pseudo-factuelle qu'on nous sert dans la presse, à la radio ou à la télévision et qui n'est, au pire, que du baratin d'anciens joueurs sur le retour, au mieux qu'une vague exégèse de données incomplètes et arbitrairement choisies. J'ai voulu quant à moi raconter. Raconter l'histoire, l'aventure humaine, l'épopée sportive. J'ai voulu œuvrer, très illégitimement et très immodestement, à la construction de la légende qui participe de l'identité du sport et du rugby. J'ai voulu, enfin, avec une sensibilité toute personnelle, apporter la distanciation indispensable à la pratique d'une activité ludique en compétition. Le Blog de Vern est à ce titre ma très humble contribution à cette élaboration d'un récit alternatif, et, surtout, détaché des contraintes journalistiques, commerciales (pléonasme bien souvent...) et éditoriales.

Nous avons la chance de vivre ce que j'estime être un véritable âge d'or du rugby, avec des conditions de jeu et de médiatisation optimales (et je n'ai pas dit "maximales" à dessein), un juste équilibre entre professionnalisme et mémoire de l'amateurisme, un modèle économique fragile mais soutenable, et, surtout, pas indécent, et, fondamentalement, un niveau de pratique jamais égalé, où la mécanisation du jeu permet encore à quelques artistes de s'exprimer, n'en déplaise à certains esprits chagrins. Je maintiens d'ailleurs que Sivivatu est meilleur de Boniface (oui, je sais, ils n'ont pas les mêmes postes, mais Sivivatu joue de toute façon où il veut).

Dans cet âge d'or, nous avons eu la joie d'être inclus dans cette parenthèse enchantée qui correspond au passage de Vern Cotter au club - et qui, je l'espère ardemment, va se poursuivre en mieux. J'ai immédiatement ressenti de l'empathie pour cet homme. A tel point que je me suis permis de me faire passer pour lui (je sais qu'il ne m'en tient pas rigueur) et malgré la - parfois très - grande distance qui nous séparait (à tous les points de vue), mes propos, toutes choses égales par ailleurs, avaient les atours de la vraisemblance (certains ont même cru qu'il s'agissait d'un blog authentique). Et comme le "vrai" Vern ne se payait pas de mots (et n'en disait pas beaucoup plus), je me suis senti investi de la tâche de faire écrire à un "faux" ce que je pensais que le "vrai" disait tout bas.

J'espère en tout cas que vous aurez pris autant de plaisir à me lire que moi à écrire pour vous, ma plus grande fierté ayant été d'apprendre du premier intéressé que mes mots touchaient souvent juste. Il est temps maintenant pour moi de passer à autre chose, même si Le Livre de Vern poursuit, matérialise et finalise désormais cette aventure que je n'ose appeler littéraire.

Vous remerciant très sincèrement et très sportivement de votre attention et de vos encouragements, je vous dis "à bientôt sur le pré" et "bon match !"

Et n'oubliez pas : "Tout cela n'est que du rugby"...

La forteresse Alamo

Trois heures du matin et je ne dors pas.
Je les attends.
Les chiens sont à mes pieds. Ils somnolent, la tête sur la patte.
Tout est éteint dans la maison, sauf le feu qui crépite dans l'âtre et qui projette sa lumière orangée et ses ombres mouvantes sur les êtres et les choses.
Assis dans mon fauteuil club, je caresse ma joue avec le canon de mon fusil.
Machinalement, je vérifie la sûreté. J'ai une cartouche dans la chambre... De l'autre main, je cherche la boite de munitions sur la table à mes côtés. Elle y est encore. Je suis prêt.

Soudain, les chiens lèvent la tête.
Ils ont entendu quelque chose, là-bas, dehors...
Ils se dressent immédiatement sur leurs quatre pattes.
Je les retiens pour qu'ils n'aboient pas. Je les caresse tour à tour de ma main libre pour les remercier.
Silencieusement et précautionneusement, je m'approche de la fenêtre.
Je risque un œil en me cachant dans une tenture. J'en ai vu deux, qui ont couru se dissimuler derrière un buisson.
Combien sont-ils ? Une quinzaine, certainement. Je suis seul. Je n'ai aucune chance.

Les chiens commencent à gémir. D'un geste impérieux, je les intime au silence. Le dressage l'emporte encore sur l'instinct. Ils s'assoient devant le feu.

Je vérifie de nouveau la fenêtre : il me semble en avoir repéré trois de plus courir entre les arbres.
C'est l'heure.
Je casse le carreau de la fenêtre avec le canon. J'épaule et aligne une cible dans la lunette. Je retiens ma respiration, je reprends tranquillement le jeu de la détente, je presse encore un peu... La détonation synchrone du recul. Excellent tir au but, à tuer. Sans un cri, un homme s'écroule en contrebas.
C'est le signal. Les coups vont commencer à pleuvoir. Ils n'ont pas encore identifié l'origine du tir. J'en profite pour chercher une nouvelle cible. Là ! Il court, de face, dans ma direction. De nouveau l’œil dans la lunette. Je réarme. La routine, le coup de feu, le recul, le type, stoppé net. Et de deux.

Ça commence à bouger autour de moi. La vitre explose. J'aurais du éteindre le feu... Les chiens se précipitent en aboyant vers la porte. Ça crache dans tous les coins. Je me baisse en réarmant. Les murs sont criblés de projectiles.

La porte commence à trembler. Le lourd canapé que j'ai mis devant tient le coup. Pour l'instant. Les coups de feu se calment. Le temps de recharger... Ou de manigancer quelque chose. Il doit y en avoir quatre ou cinq derrière la porte. Je profite de l'accalmie pour aller récupérer mon fusil à gros gibier. J'ai un peu modifié la charge de la munition... Je me lève, crosse à la ceinture. Le premier coup est particulièrement violent. L'arme m'échappe presque, la porte vole en éclat dans un brouillard poussiéreux. J'entends un cri affreux. J'entr'aperçois dans la fumée l'un d'entre eux qui porte les mains à ses yeux : les échardes, et peut-être un peu de grenaille... Et de trois. Les chiens s'échappent en sautant par-dessus le canapé. Bon vent les gars. Essayez de vous trouver un meilleur maître... Je réarme, et je tire. Seconde explosion de porte, deux hommes partent en arrière et j'ai à peine le temps de voir leur sang gicler. Je me plaque au sol aussitôt car l'avalanche de plomb reprend de plus belle depuis les côtés. Et de cinq.

En détruisant ma porte, j'ai ouvert une brèche irrémédiable. Je me cale derrière une lourde table renversée en espérant qu'elle soit à l'épreuve des balles. De là, je suis normalement préservé des tirs latéraux et j'ai une bonne ligne de mire vers l'entrée. J'ai récupéré mon fusil à lunette. S'ils la jouent "héroïque", ce sera un carnage. J'en vois deux qui s'approchent. Ils se planquent à quatre pattes derrière le canapé miraculeusement épargné. Je pense à ma femme : de toute façon, elle ne l'aimait pas, ce divan... J'épaule, j'arrête ma respiration. Deux coups à gauche, deux coups à droite. Deux cris successifs. Et de sept.

Soudain, à droite, un changement infime de luminosité. Je tourne la tête. Un grand type dans la fenêtre en train de m'aligner avec des lunettes de vision nocturne. Dans un réflexe je roule sur le côté et j'échappe à la première rafale. Couché dans les éclats de verre, je saisis ma lampe torche et lui balance le faisceau dans la gueule : ça marche ! Ébloui, il a un mouvement de recul. J'en profite pour récupérer mon pistolet de l'autre main. Énorme coup de chance : je le touche du premier coup en pleine tête. Encore un mec trahi par la technique... Et de huit.

Mais pendant ce temps, la porte était restée sans surveillance. Trois types se sont infiltrés en enjambant le canapé. Je leur balance la lampe torche et je profite de l'instant de surprise pour les shooter au pistolet. J'ai le palpitant et l'adrénaline au maximum. Je ne respire plus. Ce ne serait pas aussi flippant que j'apprécierais presque la sensation. Mieux que la sortie des vestiaires... J'en blesse au moins deux et j'étale le troisième. Je suis debout et ça crépite fort autour de moi. Des escarbilles me rentrent dans la peau. Une arme automatique sur une boiserie certainement... Je ne sens plus la douleur. Je continue de presser la détente pendant quelques secondes alors que le chargeur est vide. Vern, bon sang, calme toi ! Je regagne mon abri précaire en me baissant. C'est un putain de miracle si je n'ai pas été touché. Je respire à nouveau, dos contre la table qui a tenu le coup. Heureusement... Une accalmie maintenant. Combien de temps depuis le début de l'attaque ? Trente secondes ? Deux minutes ? Une heure ? Le temps ne compte plus, désormais. Le jeu se poursuivra jusqu'au prochain en-avant.

Je tente de reprendre mes esprits. Neuf, peut-être onze... Le combat devient moins inégal. Voilà que je me remets à espérer maintenant. Je vais peut-être m'en sortir, finalement... Arrête de rêver, Vern. C'est l'heure et tu le sais très bien... Les mecs qui t'attendent dehors ne te laisseront jamais repartir comme tu es venu. Je profite de la trêve pour vérifier mes armes. Je change le chargeur du pistolet et du fusil à lunette. Je reprends le gros calibre en main. Je sens que je vais avoir besoin de dispersion...

Derrière moi, un objet vient d'être lancé qui rebondit et s'arrête. Qu'est-ce que c'est que ce truc ? J'entends un échappement. Puis un second lancé. L'atmosphère devient acre et enfumée. Des lacrymogènes ! Mon intuition avait été la bonne. La lunette m'est désormais inutile. Je commence à pleurer. Je n'y vois plus rien qu'une buée blanchâtre. Je ferme les yeux et je compte jusqu'à dix. Je les entends qui approchent. Il sont quatre, je le sais. Ils ont dû enfiler des masques : je les écoute respirer.
Dix : je me lève. Je tire au jugé. A bout portant. En balayant l'espace sur 180 degrés. Ça doit faire du grabuge. Finalement, je vais peut-être m'en sortir.

Ou pas. Deux chocs, intenses, vifs, brefs, me clouent sur place et me coupent la respiration. Je suis touché. Je ne peux rien faire d'autre que lâcher mon fusil et tomber à genou. Je n'ai pas mal mais je réalise ce qui m'arrive. Je suis touché. Je ne vais pas m'en sortir, finalement. Machinalement, je cherche mon pistolet le long de ma cuisse. Je ne peux plus bouger que les bras. Mon torse est droit, comme paralysé et je ne vois rien que de la fumée blanche. Les yeux et la gorge me piquent atrocement. Enfin, je palpe la crosse. Mais une main m'empêche de m'en saisir et récupère le flingue.

Deux masques à gaz apparaissent dans la brume. Je les vois flous. Enfin, le fumigène commence à s'estomper. Les deux hommes enlèvent leurs groins. Je reconnais, avec ce qu'il me reste d'acuité visuelle, Brock et Franck. Brock tend le pistolet qu'il vient de me dérober à Franck. Franck semble hésiter un instant. Je regarde Franck. Je regarde Brock. Je regarde Brock. Je regarde Franck. Franck tend le pistolet en direction de mon front. Je ne sais pas pourquoi, je pense : "Où est mon bonnet ?"
Je regarde Franck. Je regarde Brock. Je dis :
-  Finissons-en, les gars. Faites-ça vite.

Et puis plus rien.

188 - 8 - 87

Bilan général de l'ère Vern Cotter (source : Cybervulcans.net) :
283 matches joués toutes compétitions confondues
188 victoires
87 défaites
8 nuls
67% de victoires
30% de défaites
Score moyen : 27 - 16 pour l'ASM
2.74 essais par matches

A domicile :
Top 14 (saison régulière)
100 victoires
3 défaites (Castres 2008, Montauban 2008, Biarritz 2009)
1 nul (Stade Français 2009)
96,2% de victoires
Score moyen : 35 - 13
3.8 essais marqués par match en moyenne

Challenge européen
5 victoires (100%)
Score moyen 40 à 20
HCup
23 victoires
2 défaites (Sale 2008, Leinster demi-finale 2012 à Bordeaux)
92% de victoires
Score moyen : 30 - 15
3.57 essais marqués par match en moyenne

A l'extérieur :
Top 14 (saison régulière)
37 victoires
60 défaites
7 nuls
36% de victoires
Score moyen : 19 - 18 contre l'ASM
1.56 essai par match en moyenne

Challenge européen
4 victoires
1 défaite (Stade Français, quart de finale 2011)
Score moyen : 25 - 19 pour l'ASM
2.6 essais par match en moyenne

HCup
11 victoires
13 défaites
46% de victoires
Score moyen : 25 - 18 pour l'ASM
2.83 essais par match en moyenne
Nota : la finale contre le RCT est considérée sur terrain neutre.

A partir des demi-finales :
Top 14
5 victoires
6 défaites

Challenge européen
2 victoires

HCup
1 victoire (Munster 2013)
3 défaites (Leinster 2012, Toulon 2013, Saracens 2014)

6 finales jouées
2 victoires (Bath 2007, Perpignan 2010)
4 défaites (Stade Français 2007, Stade Toulousain 2008, USAP 2009, RCT 2013)
Score moyen : 18 - 18

Bilan des phases finales (toutes compétitions confondues) :
14 victoires
12 défaites
Score moyen : 20 - 19 pour l'ASM

Pour mémoire, depuis l'avènement du professionnalisme (saison 1995 - 1996) et de la coupe d'Europe jusqu'à la saison 2006 - 2007 incluse :
En championnat :
85% de victoires à domicile
29% de victoires à l'extérieur

En HCup :
67% de victoires à domicile
21% de victoires à l'extérieur

Bilan général :
366 matches joués
215 victoires
140 défaites
11 nuls
59% de victoires
38% de défaites
Score moyen : 28 - 20
3 essais marqués par match en moyenne