lundi 30 janvier 2012

Mise en abyme

Ce matin, Jean-Marc a passé sa tête dans l’entrebâillement de la porte de mon bureau. Comme les joueurs sont en vacances, et que je m'ennuyais un peu, je regardais des vidéos de Sivivatu sur YouTube : ça me fait le même effet que lorsque je vais au Musée du Louvre ou lorsque je lis un poème de Rimbaud... Je ne sais pas pourquoi, mais je me sens mieux, meilleur... Ce doit être ça, la puissance de l'artiste, le sentiment de l'art...
Bref, j'ai fermé la fenêtre, cliqué sur le MIDOL du jour pour faire plus "pro" et j'ai invité Jean-Marc à s'asseoir.
- Ça va ? a-t-il commencé, avec un air rempli d'interrogative commisération.
J'ai dû prendre une mine encore plus renfrognée que d'habitude. Il faut dire que je me demandais vraiment ce qu'il allait encore inventer... Il a aussitôt enchaîné, mi-gêné mi-rassuré :
- Non parce que tu vois, René, Jean-Pierre et moi, on lit ton blog...
- Mon blog !?
- Ben oui, le Blog de Vern...
- Non mais attends, Jean-Marc, ce n'est pas "mon" blog !
- Oui, bien sûr... De la même manière que ce n'est pas vraiment "son" club, à Mourad Boudjellal...
- Non mais même, ce n'est pas moi qui écrit ce... ce... ce truc !
- Ben non, bien sûr, c'est Vern Dublogue : Vern Cotter, mais avec un nez rouge...
Et il me fit un clin d’œil...
Je commençais à être aussi exaspéré qu'après l'aller-retour express "banc des remplaçants - terrain" de Lionel Faure samedi soir... De la même manière que je déteste que l'on sabote bêtement un plan qui se déroule sans accroc, je déteste quand on me dérange pour des balivernes alors que je contemple Sivivatu... Une action de Sivivatu qui ne va pas au bout, c'est un peu comme une promesse d'amour déçue, comme une sodomie arbitrale sans le Racing ou le RCT, comme un orgasme interrompu. Jean-Marc n'en perdit pas pour autant de sa contenance :
- Donc, dans le blog qu'écrit Vern Dublogue (il me gratifia d'un regard appuyé, marqua une pause, puis reprit), dans "ce" blog, et tu noteras que je ne dis pas "dans ton blog", on a remarqué que c'était moins la déconnade qu'avant... Moins de délires inspirés par la culture underground, moins de photos truquées à l'arrache sur Paint, moins de références à Chuck Norris ou à la zoothropie présumée de Julien Bardy... Donc on s'inquiète un peu : on se demande si tu ne nous fais pas la petite déprime de la cinquantaine, bref, je viens te voir pour vérifier que tout va bien.
Silence.
J'étais médusé.
J'ai hésité quelques instants.
Soit j'appuyais sur le bouton rouge de mon téléphone, et, quelques secondes plus tard, Jamie et Gerhard apparaissaient et viraient le gêneur à leur manière. C'est la méthode que j'utilise pour les conférences de presse : on évite les pertes de temps et les questions inutiles du genre : "alors content d'avoir gagné ?" ou "est-ce que le doublé est possible ?"
Mon doigt a tremblé, le temps d'une prise d'intervalle de Brent Russel, au dessus du clavier.
Mais je me suis ravisé. Je me suis dit qu'à cinquante ans, il était temps d'agir en homme raisonnable...
- Il y a une part de vrai dans ce que tu dis. Tu sais, ce n'est pas évident pour moi en ce moment. Depuis que j'ai échoué à faire assassiner Steve Hansen, la vie me semble bien monotone... Douze victoires, dont cinq à l'extérieur, invaincu à domicile... On gagne autant quand les internationaux sont là que lorsqu'ils ne sont pas là... L'ambiance de l'équipe est exceptionnelle : quand tu vois l'état d'esprit d'un Cabello, d'un Audebert ou d'un Sivivatu, c'est à se demander si ces mecs ne sont pas drogués aux vapeurs de caoutchouc...
Jean-Marc esquissa un sourire.
- J'avais dit pas de visite de l'Aventure Michelin...
- Non non ! Ce doit être l'air de la montagne...
- Bon, bref, imagine que tu aies à rédiger un billet humoristicomique avec ça ! Une fois que tu t'es foutu de la gueule de Malzieu et de ses poulets et que tu as sorti deux vannes capillaires sur Roro, tu peux y aller pour trouver un fil directeur... Ce matin, j'ai lu l'interview de Saint Julien Bonnaire dans le MIDOL : j'en avais les larmes aux yeux tellement c'est beau et pur. Avec des mecs comme ça, tu peux partir en vacances au Mali... Tu vois, il y a des jours où je rêve d'être le coach de Bayonne... Voila un vrai challenge : des stars et des paillettes, un projet sportif en berne, du sang et des larmes chaque week end, des cartons rouges, des joueurs agressés par des spectateurs, des jeux de pouvoir dignes de l'Union soviétique des années 20... Et pense à ce que pourrait être le Blog de Vern version Moko de la Rade... Pour te donner une idée, ce serait comme si les scénaristes de "Plus Belle La Vie", sous "hallu", rencontraient les fils naturels des Monty Python et de Kim Jong Il... Alors oui, Jean-Marc, en toute franchise, je trime un peu pour trouver de quoi alimenter la chaudière à déconne : jamais un caprice de star, un président décoré de la légion d'honneur maire d'Eygalières, un directeur sportif toujours dans la mesure, des joueurs exemplaires à la ville comme sur le terrain, un centre de formation qui tourne à plein régime, une courbe des résultats dont la forme rappelle l'électroencéphalogramme d'un bulot. Heureusement que, de temps en temps, M. Berdos arbitre nos matches... En fait, Jean-Marc, tu sais ce dont le club a besoin ?
- Heu, un troisième ligne centre perforant ?
- Non, Jean-Marc, ce qu'il nous faudrait, c'est une bonne crise...

vendredi 27 janvier 2012

Cinquante ans, ça se fête...

Pour mes cinquante ans,
Je veux que l'on m'emmène au sommet du Sancy pour dominer l'Auvergne,
J'y apercevrai de longs nuages blancs et je disperserai une poignée de sable venu de mon pays...
Pour mes cinquante ans,
Je veux partir chasser, sur le flanc des montagnes, avec mes Amis et Maître Guy aussi,
Je ne veux aucun bruit, que la neige qui craque et le vent qui soupire,
Pour mes cinquante ans,
Je veux voir ma femme, mes filles et mon fils, mes frères et ma mère, autour de la même table,
Je veux boire à mon père et je voudrais l'entendre encore une fois...
Pour mes cinquante ans,
Je veux voir mes joueurs, heureux et juvéniles, courir après la balle,
Je les veux solidaires, héroïques et sublimes, je veux voir mes champions, ces fils adoptifs,
Pour mes cinquante ans,
Je veux que l'on me laisse, seul dans la tribune, seul dans le stade,
A regarder jouer Brock, à voir combattre Gerhard, et je veux contempler Sivivatu qui danse...
Pour mes cinquante ans,
Je veux que l'on m'emmène, à Toulouse, à Paris et puis à Twickenham,
Je veux souffrir de n'être sur le pré, et je veux enfin, dans la même seconde, et rire, et pleurer, au son de la victoire.
Pour mes cinquante ans,
Je veux pouvoir me dire, Tomorrow Do Thy Worst, For I Have Lived Today*...

Happy Birthday, Mr Cotter...

* John Dryden, Imitation of Horace, Book III, Ode 29 ligne 65-68, 1685.

mardi 24 janvier 2012

Chronique du rugby ordinaire

"Ce n'est pas le locataire du sixième qui a quelque chose contre les fascistes, ce sont les fascistes qui ont quelque chose contre le locataire du sixième."
Une journée particulière, Ettore Scola


Un centre de formation de rugby, quelque part en France...

- Coach, je peux vous voir ?
- Oui, bien sûr, entre, Mourad. Assieds-toi... Bon, alors, ce contrat pro, on le signe quand ?
- Justement, c'est à propos de ça que je viens vous voir...
- Oui, tes performances sont excellentes. Tu es très mûr pour ton âge, tu as beaucoup de qualités, tant sur le plan physique que technique, tu as un excellent esprit...
- Je crois que je ne vais pas le signer...
- ???
- ...
- Mais pourquoi ? Le rugby, c'est ta passion, tu as une belle carrière qui s'ouvre à toi. Bien sûr, on ne peut jamais savoir de quoi sera fait le sport, mais...
- Non, ce n'est pas ça...
- Mais quoi, alors ?
- Eh bien je ne suis pas sûr de vouloir continuer dans cette ambiance.
- ???
- Depuis que je suis cadet, j'entends des sobriquets sur les Arabes. Lorsqu'un Arabe passe à la télévision, en salle de distraction, on me dit "Tiens, voila ton cousin !". Lorsque je prends des plats sans porc à la cafétéria, on me le fait remarquer... Et puis, régulièrement, des petites vannes... Oh, ce n'est jamais méchant... Mais une remarque, par ci par là, sur mes origines, mes habitudes alimentaires, etc... A la fin, c'est lourd.
- Enfin, je ne peux pas croire que tous tes camarades sont racistes !?
- Lorsque, de temps en temps, je leur en parle, ou, lorsque j'en ai vraiment marre et que je m'énerve contre eux, ils me disent que c'est de l'humour, que ce n'est pas méchant... Alors non, ce n'est pas du racisme au sens où vous l'entendez... Mais bon, imaginez que vous soyez roux et qu'on vous rappelle à l'envi que vous l'êtes...
- Ouais, d'accord, mais d'un autre côté, il ne faut pas être parano... Ce sont tout de même tes co-équipiers. Sur le terrain, ils s'y filent, pour toi, comme pour les autres.
- Ce n'est pas le problème. Je suis le premier à me marrer d'une bonne vanne sur les travers d'un peuple ou d'un autre : par exemple, nous, les Français, le monde entier se moque de notre arrogance et émet des doutes sur notre hygiène... Une fois, en passant, c'est drôle... Même si, statistiquement, il y en aura toujours un qui aura un problème avec les "Bougnoules", celui-là, s'il osait me le dire en face, j'en ferais mon affaire... Non, le problème c'est que finalement, au quotidien, par omission, par négligence ou par paresse, on admet, implicitement, que des personnes facilement reconnaissables et, en définitive, toujours les mêmes (en gros, les homos, les Noirs et les Arabes) puissent faire l'objet de stigmatisations régulières... Ce n'est rien, mais c'est usant, à force...
- Mais enfin, je refuse de croire que les rugbymen soient plus racistes que les autres. Ce que tu me décris là, c'est la société ! Il n'y a aucune raison que ce que tu ressens ici, tu ne le ressentes pas à l'usine ou au bistro. Et puis, lorsqu'on est tous ensemble sur le terrain, couverts de boue, on se fout de savoir si le type qui porte le même maillot que toi est jaune, rouge ou vert : on va à la castagne si jamais il se prend une marmite par le mec d'en face ! On n'est pas des enculés, tout de même !
- Vous voyez, même vous... Je suis sûr que vous n'avez rien contre les homosexuels, mais les invectives contre eux font partie de votre vocabulaire. Et finalement, inconsciemment, vous parlez comme un homophobe... Pour moi, c'est pareil : j'en ai marre qu'on dise que c'est du "travail d'Arabe" quand les installations des vestiaires sont mal rénovées... Mais je suis d'accord avec vous : ce racisme ordinaire, la société nous l'enseigne. Parce que la différence est incompréhensible... Parce que les a priori sont tenaces... Parce qu'il est tellement simple de généraliser... Et puis, parce que, d'une certaine manière, c'est facile et ça défoule...
- Alors tu vois, Mourad, ici, ce n'est, malheureusement, pas pire qu'ailleurs. Reste avec nous ! Je ne te garantis pas qu'on va éradiquer, du jour au lendemain, le racisme ordinaire, les blagues douteuses et l'hypocrisie. Je ne garantis pas que, dans le feu de l'action, je n'enverrais pas un mec aller se faire voir chez les Grecs, ou faire subir les derniers outrages à sa mère.
Mais je te garantis que ce que tu viens de me décrire, ce n'est pas dans nos valeurs.
Je te garantis que je me battrai, à mon humble niveau et au quotidien, pour que tes différences ne soient plus moquées, mais respectées pour ce qu'elles sont.
Je te garantis que je me battrai pour que l'humour l'emporte sur la vulgarité, pour que les gens soient responsables et conscients de la portée de leurs actes.
Et, enfin, je te garantis que je me battrai pour que le rugby et le sport en général, ce creuset de joie, de passion et d'amitié remporte cette partie au dénouement toujours incertain qu'il joue contre la haine, l'ignorance et la bêtise.

lundi 23 janvier 2012

Gens de Dublin

Vous l'avez tous remarqué, aucun conte de fées ne s'est produit ce week end : Biarritz ne s'est pas qualifié à la faveur d'un concours de circonstances somme toute assez probable, Clermont ne recevra pas en quart de finale, en dépit d'une excellente partie de Trévise qui méritait certainement mieux que le BD, et notamment un essai refusé qui me semblait bien valable... Je ne considère pas l'heureux dénouement pour Toulouse comme un conte de fées, car, dans un conte de fées, c'est le petit poucet, et non l'ogre, qui s'en sort à la fin...
En fait, tout cela, et depuis le début, était écrit. Je vais vous révéler comment cela s'est passé.
Nous (tous les entraîneurs des équipes engagées) avons été convoqués pour un entretien à l'ERC. J'avais pris l'habitude de ne plus aller à ce genre de choses, mais, ni Steve Hansen ni Nick Mallet ne faisant partie des potentiels impétrants, je me suis dis que j'avais une chance...
On nous a réunis dans une grande salle, et demandé d'attendre. En fait, on n'était pas tous dans la même salle. Dans le salon VIP, étaient confortablement installés Joe Schmidt, Tony Mc Gahan, Gareth Baber et Richard Cockerill, sirotant du champagne en plaisantant. Patrice Lagisquet a fini par les rejoindre, après avoir longuement parlementé avec les physionomistes. Finalement, Jean-Pierre Lux est intervenu et il a pu rentrer. Enfin, Maître Guy est arrivé tout essouflé et l'air encore plus hirsute que d'habitude. Il s'est arrêté à côté de moi pour reprendre son souffle et m'a expliqué :
- Putaing, une histoire de fou. La porte de l'avion s'est ouverte en plein vol à la suite d'une maladresse de Clément Poitrenaud ! Les pilotes, d'anciens bérets verts slovaques, se sont éjectés en parachutes. Les mecs se sont mis à paniquer : on se serait cru contre les WASPS en 1996... Jean-Marc Doussain hurlait : "Je ne veux pas être le nouveau Duncan Edwards !". Heureusement, Titi Dusautoir a repris les commandes et nous a posés, en douceur, sur l'aérodrome de Galway. Là, Vincent Clerc a fait un truc sur twitter, et un airbus A580 est venu nous chercher spécialement de Toulouse, et me voila...
A ce moment-là, une ravissante hôtesse dans un tailleur verdâtre aussi nauséeux qu'un supporter après quelques pintes de bière hollandaise s'est approchée de mon ami et, d'une voix douce :
- Monsieur Novès, vous êtes attendus au carré VIP.
Je me disais, en le voyant s'éloigner, que c'était certainement ça, les grands clubs. Car si une histoire pareille nous était arrivée, certes, Jubon aurait posé l'avion, ou Brock l'aurait empêché de s'écraser par télépathie, mais, certainement, Jean-Marc serait revenu me voir tout content en me disant qu'il avait reçu une proposition de Costa Croisières pour terminer le voyage...

Pour en revenir à mon histoire, je me trouvais dans une salle d'attente à moitié confortable, un endroit indéfinissable, entre deux mondes, où l'on se réjouit de ce que l'on a eu égard à ceux qui sont moins bien lotis, tout en enviant ceux qui sont plus avantagés, et qui sentait la sueur et l'inquiétude. Bref, une allégorie de la classe moyenne. Martin Haag et Dorian West transpiraient à grosses gouttes, se passant régulièrement un mouchoir sur leurs nuques rougeâtres et poilues de premières lignes. Conor O'Shea n'était visiblement pas dans son assiette. Jon Humphries avait décidé de ne pas venir. D'ailleurs, son équipe n'est pas venue jouer le week end dernier... Quant à Mike Catt et Justin Bishop, ils faisaient semblant de rien, espérant qu'on ne les remarque pas...

Ensuite, un bus est arrivé : visiblement, la clim ne fonctionnait pas et on aurait dit qu'il venait de terminer le Paris - Dakar. Brian McLaughlin en déscendit pourtant tout sourire : il était un peu amoché, mais visiblement, il avait les clés du camion et avait conduit tout son monde à bon port. Tout le monde ou presque... Si Michael Bradley et Andy Farrel descendirent à leur tour, frais comme des Bayonnais après un match contre Rovigo, Sean Lineen (who ?), Bryan Redpath et Nigel Davies, le remplaçant de Phil, qui suivaient en courant le bus en faisant de grands gestes parvinrent à destination un peu moins alertes...

Pour couronner le tout, une bétaillère se gara devant le siège l'ERC. Le chauffeur, air négligé-clope au bec-j'en-ai-rien-à foutre-de-vos-conneries-moi-j'travaille, vint trouver le concierge de l'ERC qui était de toute façon sorti pour lui demander de garer sa poubelle ailleurs, qu'ici c'était une maison respectable, etc... C'était cependant la bonne adresse : les portes s'ouvrirent et un spectacle peu appétissant vit se déverser sur le bitume dublinois une masse informe d'entraîneurs barbouillés de fange, parmi lesquels je reconnus avec peine les deux Lolo, Pierre Berbizier et Fabien Galthié. Ce dernier s'indigna en se relevant, menaçant l'ERC du poing, et déclarant :
- J'ai failli être entraîneur du XV de France, moi ! Et j'ai failli battre Toulouse et le Leinster, moi ! Si j'avais su, je serais venu en scooter...
Pierre Berbizier s'épousseta et se remit sur pied, impassible. L'habitude, certainement... Il grommelait, regardant ses pieds, insensible à ce qui l'entourait :
- Je ferme le jeu, ça marche pas... J'envoie du jeu, ça marche pas...
Les coaches italiens aidèrent les autres et ôtèrent, avant de nous rejoindre, la combinaison intégrale made in Fukushima qu'ils avaient eu la bonne idée de revêtir. Ils nous regardèrent comme Marcello Mastroiani lorsqu'il s'excuse :
- Ma, c'est normal... Come al solito...
Billy Millard, quant à lui, leva la tête pour admirer l'édifice :
- Ouah ! C'est la première fois, crénom, que j'viens à la capitale ! C't'encore pu grrrrand qu'j'aurais pu l'dire...

Lorsque il fut établi que tout le monde était arrivé, les entretiens commencèrent. Joe et Tony passèrent en premier. Cela ne dura pas très longtemps, une formalité... Quant il sortit, Joe vint nous demander, à Andy et moi, des adresses de bons hôtels. Tony avait l'air un peu plus contrarié lorsqu'il fut obligé de serrer la main de Brian...

Lorsque Maître Guy sortit, il avait l'air soulagé :
- Pfff... Quel week end... J'avais déjà commencé à visionner les matches du Munster, puis des Sarries, puis ceux de Cardiff. Honnêtement, j'étais pas rassuré... Finalement, comme je suis un employé méritant, il m'ont proposé Édimbourg contre l'ensemble de la campagne à l'extérieur. Ça me paraît fair-play, alors j'ai accepté...

Mon tour est enfin venu. On m'a fait signe de m'asseoir en face de plusieurs personnes réunies en U autour d'une table. Jean-Pierre Lux présidait le jury, mais il était très entouré et ne semblait pas très à l'aise. Comme personne, à part lui, ne parlait français, l'entretien s'est déroulé en anglais, ce qui fait qu'il n'a pipé mot. J'ai eu "Encouragements, peu mieux faire - n'exploite pas encore tout son potentiel". Ils m'ont dit :
- Recevoir en quart, c'est encore un peu tôt pour vous. Mais, si vous faites un exploit à Londres, alors vous aurez mérité une demi à la maison...
La personne qui m'a dit ça, à droite de Jean-Pierre Lux, a refermé mon dossier et a ajouté, avant que je ne quitte la salle :
- Vous avez encore deux ans à l'ASM... Et puis, une HCUP, c'est toujours mieux avant de prendre les All Blacks...

Lorsque je suis sorti, je suis repassé devant le carré VIP et je me suis demandé quand mon tour viendrait...

jeudi 19 janvier 2012

Rougerie 2012

Il y a quelques mois de cela, j'apportais un soutien que je pensais alors indéfectible à la candidature Marty 2012. Mais, dans le contrat tacite qui nous liait, existait une clause libératoire. Si les All Blacks ne viendront pas troubler la campagne, j'ai décidé de soutenir mon capitaine, mon étoile blonde du centre du terrain, mon égérie sous-vestimentaire, j'ai nommé Roro Rougeriolle.
Mais, nul mieux que lui ne pourra exposer son programme. Je lui cède donc la parole :

Candidature d’Aurélien Rougerie
RPFA rassemblement pour une France Auvergnate.

J'ai pris connaissance de diverses candidatures pour 2012. Après le conservateur Marty, le fantaisiste Papé, voici que le rebelle Fritz se déclare. Force est de constater, une fois de plus, que l'Ovalie, toujours en deuil de Jérôme Gallion, est de nouveau à la recherche de l'homme providentiel. Comme l'a dit l'un de mes grands prédécesseurs, une élection se gagne au centre. Ça tombe bien, me voilà !

Ma candidature est très simple (elle n'est pas issue du cahier de jeu de l'équipe de France), très claire (elle n'est pas inspirée de la chronique de Marcel Ruffo), très précise (elle n'a pas été écrite par un journaliste du MIDOL), très complète (elle s'inspire du jeu de Julien Bonnaire), très juste (ma légendaire modestie dut-elle en souffrir…). En voici les principaux points.

Vous le savez, la France, c'est l'Auvergne avec quelque chose autour. Si je suis élu (mais comment puis-je encore en douter?), ma première réforme sera de délocaliser la capitale de l'Ovalie à Clermont-Ferrand (mais si, Clermont-Ferrand, au sud de Vichy!). Ce sera le premier symbole de la transformation d'une France snob, jacobine et surpeuplée en une France, provinciale, décentralisée, respirable. J'émets le vœu, à la manière du bon roi Henri IV, que chaque supporter ait chaque week end, un gigot haricot dans son assiette.
De fait, la formule du championnat sera modifiée. En effet, notre championnat est au moins aussi injuste que la coupe du monde (voire même plus ! Et je sais que je ne suis pas seul à avoir souvent mal au cul...). C’est une très grande réforme que j’annonce, une véritable révolution, une éruption volcanique, un tsunami de caoutchouc. N'allez pas croire que j'agirai sans prudence : le championnat conservera son rythme actuel, sa formule, ses doublons (car il faut donner au Stade Toulousain une chance de perdre), qui verra toujours 2 clubs nous quitter et 6 clubs se qualifier pour les phases finales. Je ne comprends pas, en effet, tous ces gens qui se plaignent des cadences infernales et des risques de blessures induites par celles-ci : est-ce que cela m'a jamais empêché de participer à une coupe du monde d'être blessé ?
Non, tout le changement sera introduit dans la phase la plus importante, la plus belle et la plus exaltante, la phase finale. Désormais, la finale ne se jouera plus au stade de France mais dans notre nouvelle capitale (bien entendu dans un pur souci d’équité, et puis parce que c'est moins loin de Toulouse), au stade Marcel Michelin. De plus, les quarts de finale seront dénommés huitièmes de finale, les demi finales des quarts de finale et la finale la demi finale. Ainsi, je réparerai une injustice séculaire qui permettra aux clubs maudits des finales d'être enfin champion de France. Je sais ainsi être à l'écoute de l'électorat berjalien et dacquois.

Vous l'avez compris, je suis le candidat de l'équilibre et du recentrage, du consensus et du rassemblement. De Grand frère des lignes arrières à Petit père du peuple ovale, il n'y a qu'un pas que je n'ai aucun mal à franchir. Marc Lièvremont, ce meneur d'hommes charismatique avait bien vu en moi le leader : il est temps pour moi d'avoir un destin national en dehors de l'équipe de France. Étant par nature très compétiteur (en plus d’être modeste et de bonne foi), j'accepte la concurrence des autres candidats mais je suis prêt à recevoir leur allégeance et intercéder pour eux auprès du comité de sélection (n'est-ce pas Florian et David...) et des journalistes de Canal + s'ils se rallient à mon panache blond.

S'agissant justement de la sélection nationale, je compte donner au rugby la place qui lui revient de droit en France (c'est déjà fait en Auvergne), c'est à dire la première. Pour cela, je compte faire de l'équipe de France la meilleure de tous les temps, tous sports confondus, en nommant à la tête de l'équipe de France un squad de professionnels reconnus dans le monde entier : Christian Jeanpierre sera sélectionneur. Denis Brogniart s'occupera de la défense et Lucien Harinordoqui de l'attaque. Thierry Lacroix occupera la place de manager général – kiné – préparateur physique et mental.
Pour donner au rugby l'exposition médiatique qu'il mérite, la diffusion des matches de football sera reléguée sur Equidia.
Enfin, je rassemblerai tous les joueurs internationaux dans un même club afin de permettre une meilleure compétitivité en Hcup (on me fait signe que c'est déjà le cas ?). Il faut, logiquement, que le club se dévouant à cette lourde (et ô combien ingrate) tâche (imaginez la gestion des doublons !!!) se trouve au centre de la France. Pour le prestige national, et pour contrebalancer l'influence grandissante du Qatar et des fondations canadiennes en Ile de France, il convient que ce club se trouve dans la capitale… C’est donc naturellement à l’ASM, qui sera baptisée l'ASM Clermont-Auvergne-France, que je demanderai ce sacrifice (ce changement de nom correspond d'ailleurs tout à fait à son irrésistible ascension et à son projet de développement). Le logo de l'équipe de France, déménagée de Marcoussis à Clermont, en sera ainsi très légèrement modifié :



Attention, désormais FFR signifiera Fédération Française de Rougerie.

De plus, afin d'améliorer l'esthétique générale de notre pays, j'imposerai le brushing dès l'école primaire et tous les joueurs de la sélection nationale feront l'objet d'une vérification capillaire avant de pouvoir se montrer à la presse et au public. Même si j'ai bien conscience que les carrières internationales de Julien Malzieu et de Julien Pierre risquent d'être subitement interrompues par cette mesure courageuse, il en va de l'intérêt supérieur du rugby.

Nous le savons, la sécurité est l'une des préoccupations majeures des Français. C'est la raison pour laquelle la famille Tuilagi sera interdite de stade si je suis élu. Richie Mc Caw sera poursuivi devant le TPI pour crimes de guerre et Phil Greening sera exilé en Corée du Nord. De la même manière, tous les joueurs du Taupe 14 porteront les slips d'une marque dont je préfère, pour des raisons déontologiques, garder l'identité encore secrète, renforcés par une armature de tungstène, notamment sur leur partie postérieure. Malgré nos dissensions, je sais avoir le soutien du président du Rugby Club Toulonnais sur ce sujet. Je serai de plus intraitable sur les questions de défense : dès que nos frontières seront en danger, je pratiquerai des air-plaquages dissuasifs et des reculs stratégiques de quelques mètres pour disputer le ballon sur le prochain ruck.

Mon objectif est enfin de mettre un bon coup de balai dans les instances dirigeantes du rugby français. Les vieilles gloires sur le retour et en sur-poids seront bannies ou chargées de préparer la fusion des clubs basques en pro-D2. Un quizz sur le jeu sera rendu obligatoire pour tous les candidats à la présidence d'un club. Les questions porteront sur des cas pratiques d'arbitrage et des modélisations du plan vertical de la ligne de touche.

Vous l'avez compris, avec Roro 2012, la France se recentre !

Et pour vous prouver le sérieux de ma candidature, je vous présente mon futur gouvernement :

Ministre de :
-Education Nationale et de l’Enseignement Supérieur : Sandrine. En même temps il est le seul à avoir des diplômes.
-Sports : Lapinou. Bah ouais c’est la mode de prendre des anciens sélectionneurs.
-Economie : Laporte. Sans commentaire …
-Jeunesse : Palisson. Comme ça, j’aurai aussi le vote du sexe faible avec moi.
-Affaires Étrangères : Mi-Chat-Lac. Lui qui fut longtemps étranger aux affaires...
-Culture et Communication : Mourad. Oui, le vote homosexuel, je m'assois dessus.
-Défense : Dusautoir. Des stats qui font peur.
-Agriculture et Ecologie : Pierre (Julien, pas Jean). C’est mon dernier mot.
-Immigration : Kelleher. Il ramène toujours plein de potes.
-Justice et Liberté : Cudmore pour sa connaissance des arcanes de la justice et Martin pour l'épauler. Missoup secrétaire d'Etat.
-Travail : Vosloo. Il testera lui-même les salles de muscu.
-Intérieur : Berbizier. Pas question de se faire marcher sur les pieds (surtout par les arbitres…). Et puis c'est pas un ministère de rigolos...
-Santé (Je voulais prendre celui la, mais en tant que Président je ne peux pas…) Domingo. Il est mon disciple en la matière...
-Industrie : Fontès. Il a travaillé chez Michelin. Enfin je crois...
-l’Arbitrage : Mc Caw. Parce qu’un gars qui arrive à être à la fois joueur et arbitre c’est le top ! S'il est condamné par le TPI, je l'amnistierai et il sera obligé d'accepter de venir en Europe...
-la Propagande : Cooper. Parce qu’avec toutes les vidéos qu’il y a de lui sur internet, on pourra faire passer ce qu’on veut.

Et bien entendu je garde deux ministères pour mes concurrents qui se seront bien battus :
Ministre de l’Individualité, des valeurs personnelles et de la feinte de passe : David Marty et Ministre de la Philosophie : Pascal Papé, pour ces deux là, je ne pense pas qu’il faille justifier. Pour Florian Fritz, je verrai avec le comité de sélection...
Et, parce qu'il faut du vice pour occuper ce poste, je nomme Nathan Hines Premier Ministre, car quoi qu’on fasse, il est toujours le numéro 1…

Rougeriolle