samedi 22 octobre 2011

Une vieille amitié...


Alors que la pression médiatique et sportive qui entoure le match de demain a tendance à nous faire oublier que ceci n'est que du rugby, l'un des derniers jeux professionnels où affleurent encore parfois les caractères de l'amateurisme, je souhaitais revenir sur un personnage mythique et fondateur du rugby néo-zélandais, le front winger Dave Gallaher, qui a donné son nom au trophée éponyme.


David Gallaher est né en Irlande en 1873, mais ses parents émigrent en Nouvelle Zélande alors que Dave n'a que 5 ans et s'installent au bord de la Bay of Plenty (tiens tiens...), avant de déménager à Auckland en 1890. De 1896 à 1909, Dave Gallaher jouera 26 match avec la province d'Auckland. Il donnera son nom au Gallaher Shield, qui oppose chaque année les meilleures équipes de la province, elle même traditionnellement la plus forte du pays...

Pourquoi une telle renommée ?

En fait, Dave Gallaher était le capitaine de l'équipe néo-zélandaise de la fameuse tournée de 1905-1906 en Europe, au cours de laquelle le squad, parti du Pays du Long Nuage Blanc avec le surnom de The Originals, reçut celui de All Blacks. Au cours de cette tournée de 26 matches dont 4 tests, le XV de France rencontra pour la première fois son homologue néo-zélandais et subit sa première défaite contre son meilleur ennemi du sud.
Auteur, avec John Stead, premier capitaine de l'équipe nationale, de The Complete Rugby Footballer, ouvrage visionnaire, Gallaher fut sélectionneur des Blacks de 1907 à 1914.

1914, car la guerre marque le destin de Dave Gallaher. Sergent major pendant la Guerre des Boers en Afrique du Sud, il s'engage dans le corps expéditionnaire en 1914 alors qu'il a dépassé les 40 ans. Il tombera au champ d'honneur, en octobre 1917, au cours de la bataille de Passchendaele (troisième bataille d'Ypres), l'une de ces grandes offensives meurtrières de la Première Guerre Mondiale, dont on commémore les héros en portant un poppy rouge sang à la boutonnière quelques jours avant le 11 novembre...
Here are recorded the names of Officers and Men who fell in The Ypres Salient, but to whom the fortunes of war denied the known and honoured grave given to their comrades in death. (Inscription du Tyne Cot Memorial près de Passchendaele)
Dave Gallaher, qui avait rejoint l'armée après la mort de deux de ses frères et alors qu'il était père de famille et exempt de la conscription, est l'un des symboles du compagnonnage des armes françaises et néo-zélandaises sur les champs de batailles lors des deux conflits mondiaux. De nombreux monuments rappellent ainsi, dans le nord de la France et en Belgique, le sacrifice des Buddies. Ce souvenir est encore vivace, par exemple, au Quesnoy, où les Kiwis se sont illustrés par leur bravoure en novembre 1918.


Stèle à Amiens

Plus tard, pendant la Guerre du Pacifique, la Nouvelle Zélande apporta un soutien important à la France et, en particulier, à la Nouvelle Calédonie (la plus grande base arrière alliée après Hawaï - pour en savoir plus, ici), où le stationnement des forces néo-zélandaises fut particulièrement apprécié et donna même lieu à quelques matches de rugby. Pour l'anecdote, la France remboursa une partie de la dette qu'elle avait contractée à cette occasion en offrant des bourses d'études à des étudiants kiwis, présageant symboliquement l'exode actuel des pépites All Blacks vers l'Europe.

Le rugby est un sport de combat collectif. On exalte souvent ses valeurs de solidarité, d'abnégation, de courage et de sacrifice, tout comme l'amour du maillot. Ces mots, souvent employés un peu légèrement par les commentateurs, paraissent parfois déplacés à l'heure du sport spectacle et du professionnalisme. Nul doute que ces qualités animaient Dave Gallaher dans le jeu et au combat, nul doute que ces valeurs étaient partagées par ses frères d'armes qui avaient abandonné leur pacifique contrée pour offrir leur vie à l'Empire britannique sur des territoires lointains et inconnus et dans l'horreur des tranchées.

Il est difficile de savoir ce qui les motivait véritablement et d'imaginer qui ils étaient réellement. Ce qui est sûr, c'est qu'ils sont venus et qu'ils ont versé leur sang au côté de leurs camarades français.

Pour terminer, en hommage à un joueur et un homme exceptionnel, en mise en perspective de cette "finale de rêve" et en gage d'amitié entre la France et la Nouvelle Zélande, j'ai traduit (très librement et sans respect pour la métrique) un poème (original ici) dédié à Dave Gallaher par un joueur de rugby irlandais, Jeremy Worth :

Gallaher

Des brumes du passé, une ombre fière émerge
Un fils de Donegal, une légende noire
Qui jouait avec flair, avec puissance et grâce
Un homme de fer, de feu, et d'élégance

La renommée lui fit bien vite un hommage
Son instinct de soldat, sa ruse de renard,
Rendaient plus belles et éclatantes encore
Les très vives couleurs de son bel étendard

Il résonne toujours, le nom de Gallaher,
D'abord Original, premier parmi les Blacks
Il fut leur great captain, leur guide, leur leader
Lui qui, incessamment, montrait la voie au pack

Il fut mari et père, aimé de sa famille
Un héros, un martyr, le plus constant des guides
De l'autre côté de l'océan, il repose
Son corps est en Europe, son cœur aux antipodes

Cent ans après, il vit, combat et joue encore,
Sous les traits d'un enfant qui cadre et qui déborde
Le cadeau du ciel au rugby et au monde
Le précieux trésor de la Nouvelle Zélande


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