jeudi 20 octobre 2011

I have a dream

Eden Park d'Auckland, lundi 24 octobre 2011, 0400 locales.

Le commissaire Lapasset, de l'IRB (internationale de la répression du banditisme), entre sur la pelouse et contemple les tribunes désertes dans la froideur du printemps néo-zélandais. Autour de lui, les experts de la police scientifique s'affairent.
L'inspecteur Eagle l'accueille un gobelet de café à la main.
- Où est le cadavre ?
- Au centre du terrain.
- On dirait qu'il y a eu une fête ici ?
- Ouais, mais elle a été gâchée à la fin...
Le commissaire Lapasset s'approche de la scène du crime en marchant sur les confettis. Il jette un regard, puis a un mouvement de recul.
- Oh mon Dieu, c'est moche !
- Ouais...
- J'ai déjà vu ça, en 2007, au Pays de Galles. Une vraie boucherie... Pas un bon souvenir, vraiment...
Il esquisse une grimace de dégoût puis reprend :
- Des témoins ?
- Plein. On a même pu assister au carnage en mondovision !
- Mais comment a-t-on pu laisser faire une chose pareille ?
- Personne ne l'a vraiment vu venir... Il faut dire que c'était vraiment trop énorme... Une sorte de 11 septembre du sport...
- Et où sont les suspects ?
- Ils ont quitté le pays et ont fui en France. Ils ont échappé de peu au lynchage, ici.
Le commissaire Lapasset prend un air inquiet.
- En France ? Les salauds ! Il faut absolument régler cette affaire rapidement. Je joue ma tête sur ce coup moi ! On ne va pas pouvoir enchaîner une défaite des Blacks à domicile et une coupe du monde dans la banlieue de Fukushima. Surtout avant Marty 2012 ! Il en va de la réputation du service !
- Ouais... En attendant, le rugby est mort pour les quatre prochaines années.
- Bon, où sont les témoins directs ?
- Voici le premier. Monsieur.... Craig Joubert, citoyen sud-africain.
Un homme vêtu de jaune aux yeux dans le vague s'approche à petits pas. Il a l'air complètement abruti.
- Je... Je n'ai rien pu faire... Ils... Ils étaient comme une meute de loups... On aurait dit une équipe composée uniquement de Vosloo et de Bardy, emmenés par Chucky la marionnette psychopathe... Je crois qu'après avoir vu ça, je ne pourrai plus jamais arbitrer en Afrique du Sud...
Et M. Joubert de fondre en larmes.
Le commissaire Lapasset reprend :
- Quelqu'un d'autre ?
- Monsieur... Graham Henry... Le responsable de la sécurité.
- Ah ! Le vigile du stade ! Beau travail, vraiment !
Un vieil homme au crâne dégarni s'approche, dévasté. On dirait un Gallois après une course de voiturette de golf. Le commissaire Lapasset fut pris de pitié pour cet homme détruit.
- Lui aussi a failli se faire lyncher. D'ailleurs, la France lui a proposé l'asile politique.
- Ah non ! Tous les coupables ne vont pas s'enfuir en France ! On a déjà laissé filé Berbizier et Jo Maso... Bon, Monsieur... Henry, qu'avez-vous à déclarer ?
- Il n'y a pas de mot pour dire ce que je ressens. C'est comme si j'avais joué cent ans pour l'ASM...
Soudain, un forcené fait son entrée sur la pelouse. Grand, maigre, le regard ahuri. Il hurle à tue-tête :
- Quel match ! Quel match ! J'adore ce joueur ! J'adore ce joueur ! La chaaaarge de Julien Bonnaire ! C'est incroyable ! Et l'on ouvre ! Attention Thierry ! Mêlée intéressante sur les 40 mètres !
Le commissaire Lapasset interroge l'inspecteur Eagle :
- Qui c'est ce guignol ?
- Un Français. Ils ont pas voulu le ramener avec eux... Il est pas méchant, juste un peu bruyant...
- Mouais... Je suis pas sûr que ce soit une bonne publicité pour le service de le laisser en liberté. Coffrez-moi cet abruti... Sinon, on connaît les complices ?
- Il s'agirait d'un gang australo-irlandais. Des durs à cuire. C'est eux qui ont préparé le terrain. Mais bon, ils clament leur innocence. Ils disent qu'ils ont été manipulés...
- Ça ne m'étonnerait pas... Comment s'appelle le chef des Français ?
- Lièvremont. Un repris de justice au système pileux douteux. Un fou, un psychopathe totalement imprévisible. Un génie du crime, quoi.
- P... On n'est pas dans la merde.
A l'extérieur du stade, des explosions se font entendre.
- C'est toujours l'émeute dehors, on se croirait à Misratta...

C'est à ce moment-là que je me suis réveillé. Heureusement, c'était un mauvais rêve...

PS : je suis tout de même très inquiet. J'ai des raisons.

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