Seti Kiole. Fred Weber. Brendan Reidy... Quelques noms parmi tant d'autres. Depuis les années 60, Clermont-Ferrand est une terre d'accueil pour les rugbymen venus d'autres contrées de l'Ovalie. L'ASM compte, pour la saison 2011-2012, dix-neuf "étrangers" dans son effectif professionnel, soit une proportion de 44%. Parmi eux, nombreux sont ceux qui sont des pièces maîtresses de l'équipe qui est parvenue à conquérir le bouclier en 2010. Ces exilés, parfois originaires d'endroits où l'Auvergne doit représenter une forme absolue d'exotisme et d'étrangeté, méritent donc un petit hommage. Mais cette internationalisation massive est récente. Pour mémoire, les groupes (double) finalistes de 1994 et 1999 ne comportent que des joueurs français et ils étaient seulement 8 "étrangers" en 2001.
L comme Lauaki
Il est arrivé comme un OVNI, lancé comme un cheval furieux dans les défenses, incarnant l'improbable synthèse de la puissance et de l'agilité. Il s'est mis à faire des chisteras, des raffuts, des gri-gri, des passes après contact, qui finissaient, la plupart du temps, au mieux dans les chaussettes de ses coéquipiers, au pire dans les mains de l'adversaire. Et puis on s'est habitué à ce joueur imprévisible, injouable, alternant le pire et le meilleur. On guettait avec gourmandise, à chaque match, ce geste incroyable qui ferait la différence, ce petit moment de grâce et d'élégance. Sione Lauaki, météorite à la trajectoire stochastique dans la constellation bien tranquille de l'ASM, n'est resté qu'une année en Auvergne, et il faut bien reconnaître qu'il n'était certainement pas fait pour vivre à Clermont-Ferrand. Mais il demeurera, à n'en pas douter, dans les souvenirs des amateurs parmi ces joueurs d'exception, qui, en une fulgurance, font penser que si le rugby n'était pas devenu un sport sérieux, on aurait pu bâtir des équipes autour de ce genre de mecs, rien que pour le plaisir de les regarder étaler toute leur classe sur un terrain, sans aucun égard pour l'efficacité et sans autre ambition que l'esthétique et la beauté du geste ...
M comme Montferrand
Bien qu'uni à la ville de Clermont, sa rivale de toujours, depuis 1630, le quartier de Montferrand n'en conserve pas moins une véritable identité. Notons au passage que l'ASM n'est devenue officiellement "Clermont Auvergne" qu'en 2004, alors qu'elle portait les espoirs de toute une agglomération et de toute une région depuis bien longtemps... Aujourd'hui encore, on entend souvent quelques conservateurs parler de "Montferrand" pour désigner le club. Montferrand, justement, doit cette postérité à un célèbre manufacturier de pneumatiques et à une loi fédérale anti-publicitaire de 1922. "Désirant conserver les initiales du club, nous avons adopté le nom de la vieille et illustre cité parce que beaucoup de nos sociétaires y résident et parce que, sur son territoire, se trouvent nos terrains de jeux." déclarait alors Marcel Michelin (cité par Robert Boisson et Christophe Buron, ASM Le cœur rugby, Gérard Tisserand, 2002). Et de fait, l'AS Michelin n'est pas tout à fait morte dans l'imaginaire collectif, d'autant que l'industriel demeure le sponsor principal du club avec environ 10% du budget et que ses deux dirigeants les plus emblématiques (Jean-Marc Lhermet et René Fontès) sont d'anciens "Bibs".
N comme Nostalgie
Il était un temps, pas si lointain, où la tribune Auvergne s'appelait "populaire", où la tribune "Philiponeau" et "l'Espace Edouard" n'étaient que des gradins, derrière lesquels, depuis la pelouse, on pouvait apercevoir les maisons du quartiers ou les Hauts de Chanturgue, où l'on pouvait assister gratuitement aux matches depuis le "pesage". Là où aujourd'hui se trouvent des "salons" et les "first", des supporters torses nus agitaient des drapeaux et actionnaient des cornes de brume, sans respect aucun pour le buteur adverse. De l'autre côté du terrain, les gradins étaient la plupart du temps vides. Lors des dégagements en touche côté "populaire", il n'était pas rare que le ballon tombe derrière la tribune, après avoir rebondi sur le toit, dans un fracas de tôle qui ne faisait pas très riche. Ce que devenaient ces ballons, on ne le savait pas. On s'imaginait bien qu'il y avait un préposé au ramassage, qui avait le privilège paradoxal de recevoir des offrandes d'Eric Nicol, de Franck Mesnel ou de Christophe Deylaud, sans jamais savoir qui en était à l'origine. C'était l'époque des Verdy, Gaby ou Prégermain, celle des "employés de mairie" ou des "cadres chez Michelin", une époque où ça avoinait en toute impunité dans les regroupements, sans l'oeil inquisiteur de l'omnisciente caméra. C'était l'époque où le Racing avait un vrai sens de l'humour. C'était l'époque où Aire sur Adour venait chercher quatre-vingts points à chaque déplacement en Auvergne : on en avait pour son argent. Et lorsque La Rochelle récoltait à son tour ses soixante pions syndicaux, on en profitait pour se foutre de la gueule de Salviac, le soir, après les "panneaux" sur fond rouge, à Stade 2, présenté par Robert Chapatte. Le stade était moche, pour sûr, un peu à l'image de la ville, mais on pouvait arriver cinq minutes après le coup d'envoi, à la sortie du repas du dimanche, on trouvait toujours de la place... Et puis il y avait le "Du Manoir" où l'on allait traîner son ennui d'étudiant, les soirs de lose, dans la tristesse et la froideur de l'hiver auvergnat...
O comme Ô Toulouse
Dans la psyché auvergnate, il existe une bête terrifiante frappée du sceau de la malédiction. Cette bestiole, autant redoutée que respectée, s'appelle le Stade Toulousain. Sur les sept dernières dernières finales de l'ASM, quatre ont été perdues contre Toulouse, et, à chaque fois que le Stade a été écarté en demie, l'ASM a perdu sa finale. Les grandes années, celles où l'on va gagner au Stadium pendant la saison régulière (2008 et 2001 par exemple), se terminent d'ailleurs souvent mal (il est vrai que 2010 fait exception, mais il faut noter que, cette année-là, l'USAP a eu le bon goût d'écarter l'obstacle en demie)... Ceci est d'autant plus étonnant que Vern Cotter, depuis son arrivée en Auvergne, détient le meilleur ratio de victoires de tous les entraîneurs du Top 14 contre son pire ami, Maître Guy (60% de victoires depuis 2006, et encore, si l'on s'arrêtait à la fin de la saison 2009-2010, on atteindrait les 72% !). Toulouse reste cependant intouchable : budget de 25% supérieur, palmarès inégalable dans les conditions actuelles de concurrence, structuration et esprit de compétition exemplaires, qualité de jeu exceptionnelle. Le Stade demeure donc la cible et la référence, l'ennemi et l'exemple. L'ASM, qui semble bien partie sur la même voie, parviendra-t-elle a tracer sa route dans l'ombre du géant ?
La suite à la prochaine lettre !
De A à E.
De F à J.
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