samedi 31 mars 2012

Pas de B-O-L et des bas...

Je vous dois quelques explications sur le match BO - ASM.
- La première, c'est que j'avais demandé M. Raynal et à ses assistants d'arbitrer au "niveau international", comme dans un match à élimination directe. Ils l'ont remarquablement fait : ils ont pénalisé l'équipe qui n'avait pas le ballon, n'ont toléré aucune passe litigieuse à hauteur après contact et n'ont sifflé aucune pénalité "dangereuse" sur mêlée contre les défenseurs pendant les dix dernières minutes. Je leur reproche tout de même d'avoir été justes avec Nathan : j'espère que ce dernier aura retrouvé sa cape d'invisibilité dimanche prochain. Quoi qu'il en soit, pas de quoi crier à la sodomie arbitrale : quand tu es dominé, il est normal d'être passif pendant la partouze...
- La seconde, c'est qu'on est venu à Biarritz pour se rassurer sur notre conquête. Enfin, on a essayé. Pendant la semaine, Jean-Marc est entré dans mon bureau alors que j'étais en intense concentration devant une feuille crayonnée dans tous les sens :
- Vern, la Ligue attend la feuille de match, ce n'est pas l'heure de faire des sudokus !
- Je ne fais pas des sudokus, j'essaie de composer ma première ligne.
J'en discutais avec Maître Guy l'autre jour. C'est une très bonne idée de faire parrainer le Top 14 par une chaîne de magasins de matériaux de construction, parce que cette saison aura vraiment été celle du bricolage... D'ailleurs, l'une des égéries de la marque s'est fait dégauchir par mon nouveau "bébé pilier" en dix minutes. Mais bon, certains sont plus doués que d'autres pour les menus travaux de la maison. C'est la réflexion que je me suis faite en regardant Patrice Lagisquet rentrer aux vestiaires à la mi-temps.
Je ne vous parle pas de la touche, même si j'aime bien cette idée de lancer le ballon au hasard sans véritablement savoir qui va le réceptionner, ou de tenter des trucs qui ne marchent jamais, comme le une-deux avec le demi de mêlée à cinquante mètres de l'en-but. Ce sont des tactiques qui peuvent surprendre l'adversaire sur un malentendu. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que ces combinaisons soient annoncées "Jean-Claude Dusse", suivi d'un chiffre.
- La troisième, c'est que j'ai demandé à Morgan et à Brock d'oublier toute notion de tactique et de gestion dans l'alternance du jeu, de façon à donner une chance à notre adversaire du jour. Parce qu'on a dû faire deux lancements de jeu en 80 minutes et on a (failli) marqué(r) à chaque fois. Imaginez le score si on avait procédé à une utilisation rationnelle de la gonfle...
- La quatrième, c'est que j'avais prévu que l'on rende systématiquement le ballon à l'adversaire de façon à ce qu'on puisse s'entraîner en défense. Je ne sais pas si le BO s'est, lui, entraîné en attaque, mais nous, on a bien bossé... A la fin du match, Roro est même allé à la rencontre de Lagisque. Je n'ai pas tout entendu mais j'ai discerné dans le discours d'Aurélien les mots suivants :
- Équipe de France... Arrêter les conneries... Organisation défensive... Je te laisse le numéro de Franck, il va t'expliquer...
Ce doit être ça, être le "Papa des lignes arrières"...

Au final, mon coup a failli marcher :
On manque le bonus offensif et la victoire sur une décision arbitrale. On n'a donné aucune info aux Sarries sur notre niveau de jeu réel (enfin j'espère...), sinon qu'ils n'ont pas intérêt à défendre en sous-nombre côté fermé et qu'on est plus que jamais capable du hold up du siècle à l'extérieur.

mercredi 28 mars 2012

Le Bon Roy René

Il était une fois, dans une lointaine province de l'Ovalie Heureuse, un bon roi qui régnait avec bienveillance et sagesse sur son royaume et ses sujets. La bonhommie et la finesse du "Bon Roy René" était proverbiale. Sa province n'avait jamais été aussi prospère, ses habitants plus nombreux, ses récoltes plus abondantes. La population vivait heureuse et ne manquait pas de mesurer les bienfaits de la politique avisée de son suzerain à l'aune des turpitudes d'autres contrées : l'Ile de France se déchirait, le comte de Provence régnait dans la tyrannie, le Bearn était miné par les divisions, l'Euskadi brûlait et la Catalogne se relevait à grand peine. Quant au Duché du Lyonnais, il était perdu et son vassal dauphinois marchait sur la capitale...
Des ambassades venaient régulièrement présenter les hommages des autres suzerains au Roy René et le comblaient de bienfaits et de décorations. En échange, le Roy les accueillait avec faste et les visiteurs, quelles que soient leurs origines, pouvaient témoigner qu'ils avaient toujours été reçus avec les égards qu'ils méritaient. En général, ils repartaient les malles pleines.
Les Chevaliers accouraient du monde entier pour proposer leurs services. Une fois engagés, ils combattaient en arborant fièrement le blason de la province : D'or, au chef d'azur, chargé d'une étoile d'or et de deux pneumatiques. Ils étaient si braves et si féroces qu'ils étaient invaincus depuis des années à l'occasion des nombreux tournois qu'organisait le Roy sur ses terres.
La liste des paladins du Bon Roy René serait trop longue à énumérer. Leur légende était contée jusqu'aux confins de l'Ovalie et il était impossible de décider qui l'emportait en vaillance et en valeur. Le plus célèbre d'entre eux était le chevalier Roro au Panache d'Or. Mais chaque saison, de nouveaux preux étaient reçus à la cour et de nombreux pages étaient adoubés. Parmi eux, le baron Wesley à La Tulipe Noire et le chevalier Marcel aux Chausses Légères faisaient l'émoi des belles dames et recevaient les suffrages des petites gens massés le long des lices pour admirer leurs héros. Mais les plus anciens, tels Elvis Sans Peur et Sans Reproche ou Alexandre Le Grand Faucheur, portaient encore pavillon haut, et on lisait encore en eux la classe des grands capitaines et le souvenir de leurs exploits au cours des plus grandes batailles.
A la cour, le Bon Roy René régnait en maître incontesté, mais il savait prêter l'oreille aux bons conseils des Pairs d'Auvergne. Entouré du duc de Vichy, Jean Le Vieux Lion, et du comte de Thuir, Jean-Pierre Le Mineur, il avait cependant pour favori son premier ministre, un bourgeois de Zélande, le Sieur Vernon Cotter de la Baie d'Abondance, son Sully, son Richelieu, son Oliver Cromwell, à qui il accordait toute sa confiance et dont la popularité n'avait d'égales que sa discrétion et sa probité.
Mais le Roy René n'était pas seul maître à bord. Il avait lui même prêté serment d'allégeance au sévère empereur de Pneumatie, le Grand Bibendum, dont le palais tirait une grande partie de ses subsides. Néanmoins, le Roy jouissait d'une relative indépendance, bénéficiant lui-même de la confiance du Grand Conseil, habituellement occupé à guerroyer pour accroître ses territoires sur des terres étrangères et n'octroyant que peu d'intérêt à ce petit royaume pacifique qui vivait loin du bruit et de la fureur du monde...
Un jour, le Roy fit mander ses conseillers. Il les réunit dans la grande salle du trône, sous le regard des empereurs Marcel, François et Edouard dont les portraits gigantesques dominaient l'assistance et rappelaient à tous l'hommage lige du royaume à l'empire. Le Roy, dont les tempes chenues témoignaient de l'expérience et la sapience, s'adressa ainsi à ses vassaux :
- Messires, je suis heureux de vous voir tous réunis autour de moi. Vous avez été de toutes les batailles, de toutes les défaites et de toutes les victoires. Je n'ai certainement pas mérité toute la confiance et tout le respect que vous avez eu l'obligeance de consentir à mon endroit. Mais sachez que j'ai œuvré pour le mieux dans la limite de mes modestes capacités afin d'offrir au royaume la renommée et la prospérité qu'il mérite...
Le Roy marqua une pause, pensif. Le duc Marc en profita pour faire un pas en avant. Après une révérence, il prit la parole :
- Sire, des qualités de Votre Majesté, l'humilité n'est pas la moindre. Et si nous avons tous notre part dans le Grand Dessein que vous avez conçu, la plus grande vous revient, assurément, d'avoir su gouverner le vaisseau dans les remous et les eaux troubles et de n'avoir pas été le nautonier conduisant la province aux Enfers.
Le duc Marc, après une nouvelle révérence, reprit sa place parmi les conseillers.
Le Roy, esquissant un sourire bienveillant pour son plus vieux compagnon d'armes, fit un vague signe de la main en direction du duc et poursuivit de sa voix douce mais ferme :
- Allons, cher Duc, vous me flattez. Nous savons tous ici à qui nous devons le spectaculaire redressement du Royaume et ses récents succès. Nous n'en fumes que les prophètes et mon bon premier ministre, Vernon, en fut l'artisan le plus admirable et le plus opiniâtre. Mais il est juste de porter aux nues l'entreprise collective plutôt que l'effort individuel. Nos ménestrels, avec leurs héros, leurs exploits, leur obsession de l'action d'éclat et des records, l'oublient trop souvent, à chanter les prouesses des uns quand ceux-ci devraient révérer les autres de s'être sacrifiés dans l'ombre...
Le Roy s'interrompit à nouveau. Aucun des hommes réunis autour de lui n'eut l'inspiration de poursuivre la discussion, préférant méditer en silence les sages paroles de leur suzerain. Celui-ci reprit donc avec gravité :
- Le temps est pour moi le plus dangereux rival, et la vieillesse la plus intime compagne. J'aurais aimé poursuivre ce règne heureux, mais je suis venu tard et m'en repars trop tôt. Il est l'heure à présent de vous dire adieu et de céder mon trône à un homme de bien, qui portera encor plus haut notre renom et qui j'en suis certain calmera vos alarmes.
Tous étaient stupéfaits, mais aucun ne dit mot.
Le jugement rendu était irréfragable.

Un huissier ouvrit avec fracas les portes de la salle. Il aboya vers l'extérieur :
- Le Roy est mort ! Vive le Roy !

dimanche 25 mars 2012

Nocturne Ovale

J'arrivais en Ovalie un jour de phase finale. A ma descente d'avion, je pris un taxi pour m'emmener au stade. Le chauffeur était excité. Il portait une veste noire avec des pièces de velours rouge aux coudes, un T-Shirt noir sur lequel était imprimée une étoile rouge au niveau du torse. Il avait le crâne tondu et gesticulait dans tous les sens en écoutant les commentaires d'avant match à la radio. Il invectivait la fédération, la ligue, les arbitres, les clubs et tout ce que le rugby comptait de magouilleurs, de profiteurs et de réactionnaires. Il me dit qu'il s'appelait Mourad et que c'était la raison pour laquelle il était chauffeur de taxi. Mais un jour... Un jour...
Je suivais le chemin sur mon guide : The butcher's survival guide in Ovalia, guide que j'avais plus acquis pour la blague que pour les informations que je pensais y trouver, et pourtant, à de nombreuses reprises, cet ouvrage allait m'être très utile. Au lieu de faire route en direction du Stade, Mourad avait choisi une direction opposée.
- Nous n'allons pas vers le Stade ? me risquais-je dans un français approximatif.
- Pourquoi aller au Stade y voir un mauvais rugby "gigot-haricots" à moitié bidonné où ce sont toujours les mêmes qui gagnent ? Je connais un endroit beaucoup plus intéressant, avec beaucoup d'argent, de spectacle et de stars...
- Emmenez-moi au Stade !
- Mais Monsieur, je vous assure que ce que j'ai à vous proposer est d'une bien meilleure qualité, puisque c'est plus cher ! N'allez plus voir les amateurs, vous y perdriez votre temps... et votre argent...
Je n'avais d'autre solution que d'ouvrir la porte de l'auto pour qu'il s'arrête enfin. Il me maudit dans un dialecte incompréhensible que je devinais être celui des Mokos de la Rade mais finit par stationner sur le bas côté, me laissant avec mon sac de sport au bord du périphérique.

* * *

Le Stade était en banlieue, une banlieue triste et anonyme, sans charme et un peu inquiétante. La nuit tombait. J'eus un peu de mal à trouver. Il faut dire qu'il n'était pas bien grand. Les gradins étaient vides. Un match de fédérale 3, médiocre mais finalement pas plus qu'un derby de divisions dites supérieures... Au coup de sifflet final, je frappais à la porte des vestiaires. L'entraîneur ouvrit et me reconnut. Je demandais à parler à Jean Durand. L'entraîneur parut surpris :
- Mais Jean Durand a 38 ans. J'aurais bien d'autres joueurs que vous pourriez superviser...
Je le coupais :
- Je vous dis que je veux voir Jean Durand.

Jean Durand était le plus vieux joueur du club. Il avait eu son heure de gloire en première division. Quelques heures, à vrai dire. Une dizaine de titularisations, et puis plus rien... Une blessure, un niveau de jeu en baisse, la motivation qui s'enfuit, l'argent facile, les filles, la fête, l'alcool... Sûr que ça lui avait gâté le talent. S'il regrettait ? Peut être... Peut être pas... Il avait une petite entreprise de propreté qu'il avait fondée avec des potes. Il gagnait bien sa vie et donnait un coup de main au club en jouant les utility backs...
- Mais qu'est-ce qui vous amène dans ce trou ? finit-il par me demander.
- William Webb.
Un nuage passa dans son regard. Un nuage lourd d'humidité.
- Ah !?
Silence.
- William Webb... Ça fait un bail... Non, il n'est plus dans les parages. On s'entendait bien... Mais c'est la vie. Je ne me souviens plus très bien pourquoi on s'est fâché... Une fille peut être... Ou un game plan...
- J'espère que c'est pour un game plan, sinon ça n'en valait pas la peine, dis-je avec un brin de méchanceté.
Il ne releva pas. Je repris :
- Savez-vous où je peux le trouver ?
- Je sais qu'il a travaillé avec eux.
- Eux ?
- Oui. Les Toulousains. Il était en relation avec la Société d'Intelligence Situationnelle. Des Rugnostiques. De vrais mystiques...

* * *

Avoir un rendez-vous avec Pierre Villepreux ne fut pas simple.
- Je recherche William Webb Ellis, commençais-je de but en blanc. On m'a dit qu'il avait eu des contacts avec vous...
- D'habitude, je ne délivre ce genre d'informations qu'aux membres de la Société, répondit Pierre Villepreux.
- Mais lui-même, poursuivais-je sans me laisser impressionner, était-il membre ?
- Non.
Il marqua une pause, pensif.
- Il aurait pu... Mais il était trop occupé. D'ailleurs, il n'est pas dit qu'il souscrivait à toutes nos convictions. Vous êtes rugnostique, M. Cotter ?
- Je ne crois pas... Je suis partisan de la conquête, de la défense et des lancements de jeu répétés à l'entraînement... Je pense que le rugby total relève de l'utopie mais qu'on peut s'en approcher...
- C'est un point de vue. Je vous prie de m'excuser un instant.
Il se leva, s'en alla dans une autre pièce et s'en revint avec un ordinateur portable.
- Il y a là-dedans quelques matches références, sur lesquels William Webb et moi-même avions l'habitude de débattre. L'ordinateur appartient à l'ASM Clermont-Auvergne. Il est possible qu'il soit là-bas pour le jeu...
Je me suis retiré dans la bibliothèque de la Société d'Intelligence Situationnelle. Sur l'ordinateur de William Webb, j'ai visionné des heures et des heures de matches. De beaux matches. Des matches tactiques. Des matches d'un haut niveau technique. Des matches spectaculaires. Des matches sans essais mais remarquablement construits. Des finales comme des matches de poules. Des purges également. En majorité. Comment retrouver un semblant d'unité et d'harmonie là-dedans ? Je finis pas m'endormir profondément, ma tête dans mes bras croisés sur l'ordinateur qui continuait à diffuser des images de matches. Mes rêves furent peuplés de rugby, de jeu, de combinaisons, de groupés pénétrants, de chisteras, de plaquages désintégrants, de relances depuis l'en-but, d'essais de quatre-vingts mètres, de passes après contacts et de cadrages débordements...

* * *

- Excusez la banalité de ce que je vais vous dire, mais j'ai l'impression que nous nous connaissons.
Je fis tinter ma coupe de champagne contre la sienne. Nous étions dans le restaurant du Stade Marcel Michelin.
- J'ai cette impression moi aussi, fit-elle en souriant après avoir bu une gorgée. Il me semble que nous avons voyagé dans le même train de supporters.
- A vrai dire, je me suis retrouvé dans ce train par hasard. Je suis ici pour des raisons, disons, extra sportives...
- Le match ne vous intéresse pas ?
- Si, naturellement. Mais l'objet de ma visite est personnel.
- Dans le train, je vous ai déjà dit beaucoup de moi. A votre tour maintenant...
- Et bien disons que j'écris un blog...
- Un blog, quel genre de blog ?
- Un blog qui parle de rugby, bien entendu. Mais pas seulement... Disons que le rugby est un prétexte, un truchement, en quelque sorte...
- Alors vous êtes blogueur...
- A mes heures perdues.
- Et de quoi parle votre dernier article ?
- Et bien... Imaginons que je sois l'inventeur du rugby.
- William Webb Ellis ?
- Oui. Imaginons que je me sois perdu en Ovalie. Quelqu'un est en train de me chercher. Il est allé un peu partout pour me retrouver. Mais j'ai tout fait pour brouiller les pistes. A vrai dire, je n'ai pas envie de me laisser trouver. L'autre, je connais ses goûts, ses préférences, ses complexes, ses ambitions... Ses peurs aussi... Lui ne me connaît pas, ou si peu...
- Mais vous, qui êtes-vous vraiment ?
- Ce n'est pas dit. Mon nom suffit après tout. Je suis une sorte de mythe. Un homme que tous les rugbymen prétendent connaître mais dont on ne parvient jamais à percer le secret. C'est ce qui fait la beauté du jeu et l'intérêt de l'histoire.
- Et l'autre, celui qui vous cherche, qui est-il pour vous ?
- Ce n'est pas dit non plus. Un vieil ami, peut être...
- Et pourquoi vous recherche-t-il ? Pourquoi est-il parti aussi loin de chez lui ?
- C'est toute la question. Moi-même qui écris ne le sais pas. Pour le mystère... Pour la quête... Pour le jeu... Pour une réponse... Pour se trouver lui-même, qui sait ?
- Et comment se déroulent ses recherches ?
- Comme je vous l'ai dit, son voyage fut tortueux et indécis comme le rebond du ballon ovale. Il a fait quelques rencontres. Le rugby est fait de rencontres. Et de rencontres en rencontres, il en est arrivé à la conclusion que je me trouvais à Clermont-Ferrand.
- Tiens donc !
- Oui. Ce ne fut pas simple, car je me cache sous un faux nom.
- Et quel est ce nom ?
- French Flair...
- C'est un joli nom.
- Oui. Il l'a découvert un peu par hasard, un peu par déduction. C'est un nom qui est en rapport avec ce que j'ai été un jour... Et, de fil en aiguille, il est parvenu à se rapprocher de moi en prétextant sa volonté de traiter une affaire de transfert de joueur... Alors, un agent lui dit que je suis précisément, à cet instant, dans le restaurant du Stade Marcel Michelin.
- Oh là là ! Nous y sommes ! Et que se passe-t-il ?
- Et bien, je suis effectivement en train de dîner, parmi d'autres convives. Avec une jolie femme, comme vous. Je suis à une table qui se trouve exactement à l'opposé de la notre. J'observe l'assistance. Et puis... Et puis...
- Et puis quoi ?
- Et puis je le vois. Lui aussi est en train de dîner avec une femme. Elle semble passionnée par ce qu'il lui raconte. Peut être lui parle-t-il de ses recherches... Ou du match... Ou de toute autre chose... Lui aussi m'a vu. Nous nous regardons longuement. Je le vois sourire et je souris aussi.
- Ça y est ! Il vous a trouvé !
- Pas exactement... A vrai dire, à cet instant, il n'a plus tellement envie de me trouver, de la même manière que je voulais bien qu'on me cherche, mais pas qu'on me trouve.
- Et comment cela finit-il ?
- L'un de nous-deux termine son verre, plie sa serviette, se lève avec sa compagne, règle l'addition et s'en va voir le match.
- Et ?
- Et c'est tout.
- C'est tout ?
- Oui. Aussi abrupt que le coup de sifflet final.
- Je reste sur ma faim...
- Permettez donc que je vous invite pour me faire pardonner !
- Ah non ! Je souhaite que nous partagions les frais. En bons supporters.
Je hèle le serveur.
- Monsieur, votre addition a été payée par un client qui souhaite conserver l'anonymat.
- Ce doit être un admirateur, dis-je.
La femme me toise, vexée :
- Jeu déloyal ! Vous vous êtes entendu à l'avance avec le serveur !
Nous quittons le restaurant et nous dirigeons vers les tribunes pour assister au match qui va débuter. Au moment de nous séparer pour gagner nos places, elle me lance :
- Votre blog, votre histoire... Ils n'ont pas de sens...
- Je suis bien d'accord avec vous. Comme le rugby... Comme la vie...
- Vous pontifiez maintenant ! Allez, je vous laisse avant que vous ne deveniez ennuyeux ! Bon match !
Elle partit d'un grand rire avant de partir tout court. Et je la vis disparaître en descendant les gradins.

Nota : Librement inspiré de Nocturne Indien, d'Antonio Tabucchi (1943 - 2012), Christian Bourgeois, 1984.

jeudi 22 mars 2012

Full metal Jacquet

Ce matin, lorsque je suis arrivé à l'entraînement, tout le groupe était sur le terrain en train de faire des séries de pompes. Frank Azéma portait un uniforme des AS Marines, avec un stick de commandement sous le bras. Il s'époumonait :
- Alors bande de chiffes molles, espèces de joueurs du dimanche de club de quatrième série, raclures de bacs à douche de vestiaires, vous allez me bouffer le gazon à force lécher la pelouse, bande de lesbiennes en shorts moulants ! Trente-et-un ! Trente-deux ! Trente-trois ! On ne s'arrête pas ! Le premier qui lâche est un lâche !
Frank faisait les cent pas en contemplant les joueurs d'un air méprisant. En passant devant Jean-Marcelin, il s'accroupit et se mit à hurler à l'oreille de Jim :
- Alors le mouflet ! On est allé tirer sa crampe au Pays de Galle ? Est-ce que tu t'es fait reluire le conduit par Gareth Thomas ou est-ce que tu t'es endormi dans ton vomi dans une ruelle sombre de Cardiff après un trip en voiturette ? C'est fini les berceuses chantées par Jo Maso ! C'est terminé le Goret qui vient te faire un bisou avant de te border ! C'est fini les cinq étoiles payés par la fédé ! Retour à la vraie vie ! Ici, c'est l'entraînement, le vrai ! On n'est pas en colonie de vacances ! Plus bas ! Encore ! Plus bas j'ai dit !
Frank se releva, fit quelques pas, se planta devant Roro qui ahanait et lui lança quelques encouragements à sa façon :
- Et qu'est-ce que tu crois, l'ancien ? Qu'on est à la fête du slip ? Que tes prestations indigentes en équipe de France vont te permettre de jouer contre les Saracens ? Si ça continue, tu vas juste aller à Londres pour te faire mesurer l'intervalle entre les roustons par les tailleurs de Saville Row ! A ce train-là, tu vas regarder le match en tribune avec Pipa Middleton ! T'en profiteras pour te rafraîchir le brushing, il paraît qu'elle a un excellent coiffeur ! Parce que les Sarries, c'est de l'épais, c'est du Sud Af élevé à la créatine cancérigène et il va falloir vous sortir les doigts de votre auguste arrière train si vous voulez voir Bordeaux autrement qu'écrit sur des bouteilles consignées à la supérette du coin, bande de dégénérés !
Il s’apprêtait à continuer son petit manège lorsque je lui fis signe de me rejoindre :
- Que se passe-t-il ? Les mecs étaient en retard à l'entraînement ?
- Pas du tout ! Je m'inspire des techniques de management les plus éprouvées de l'armée américaine. Je ne veux surtout pas que les gars s'imaginent que c'est arrivé alors que le plus dur reste à faire. Je les traîne donc plus bas que terre pour leur éviter de prendre le melon. J'évite la décompression, quoi !
Et il repartit aussitôt en direction des Fidjiens qui, manifestement, ne mettaient pas l'ardeur souhaitée à pomper, là-bas au fond...
- Alors la compagnie créole, c'est mardi gras ? On a décidé de faire une petite pause ? En position ! Je vais vous faire regretter le jour où vous avez quitté les îles pour venir bouffer de la truffade au pays des pneus ! Un ! Deux ! Trois ! Quatre ! Cinq ! Sitiveni ! Compte à ma place et tu t'arrêteras quand je reviendrai, et encore, si je suis de meilleure humeur, ce qui ne risque pas d'arriver quand je vois vos gueules de premiers communiants qui frappent à la porte du bordel ! Regardez-moi ça ! Vous valez pas mieux qu'un Racingman ! On dirait un charter d'Irlandais un soir de gel au Stade de France ! Quand je vous vois, j'ai envie de prendre ma licence au curling...
Puis il s'approcha de Morgan :
- Alors le Merdeux ! Faudra te torcher la prochaine fois que tu m'adresseras la parole ! La merde au cul, ça fait mauvais effet et j'ai l'impression de parler à un balais de chiottes ! A propos de chiottes, toi qui es si fort pour commander, tu prendras un de tes potes avec toi et t'iras me nettoyer les toilettes du stade après l'entraînement ! Et y'a intérêt que ça brille ! Je veux pouvoir y manger mon quatre heures et faire mon thé avec l'eau de la cuvette ! Faut qu'ça sente le bloc opératoire et pas la pucelle qui s'néglige ! Qu'est-ce que t'en penses, le Merdeux ?
Tout en pompant, Morgan gueula :
- Chef oui Chef !
Après quelques instants, Franck mit fin à la séquence. Les joueurs s'écroulèrent en râlant. Le répit fut de courte durée :
- Allez ! Relevez-vous, les jaunes et bleues bites ! On va pas s'arrêter là ! Tout le monde debout et en petite foulée ! Han-Deï ! Han-Deï ! Han-Deï ! Han-Deï ! Soldat Presley, le ton !
Elvis se mit à chanter pendant que le groupe commençait un tour de terrain :
- De moi il faut se méfier !
Les autres reprirent en cœur :
- De nous il faut se méfier !
Elvis :
- Je ne vis que pour plaquer !
Le chœur :
- On ne vit que pour plaquer !
Elvis :
- Ce que j'aime c'est découper !
Le chœur :
- Ce qu'on aime c'est découper !
Elvis :
- Je suis un joyeux boucher !
Le chœur :
- On est des joyeux bouchers !
Puis Franck prit le relais :
- Ça c'est l'ballon, ça c'est mon dard !
On va tous lui rentrer dans l'lard !

Je les regardais s'éloigner en me remémorant l'heureux temps du service militaire et me félicitant de pouvoir annoncer à Jean-Marc que l'on préparait de la meilleure des façons la réception de l'USAP...

PS : Si vous survivez à mon instruction, vous deviendrez des prêtres de la mort implorant la guerre...

dimanche 18 mars 2012

Junior Bonnaire, la dernière du Bagarreur...

Unglücklich das Land, dem Helden nötig hat.
(Malheureux le pays qui a besoin de héros)
Bertolt Brecht, Das Leben des Galilei, Bild 13.

Une salle de presse, quelque part, dans le sud ouest de la France.

- Bon ! Senior Bonnaire le Bagarreur a mis fin à sa carrière internationale. Il faudrait peut être qu'on écrive quelque chose...
- Mmh... Pas facile de dire au revoir à tel joueur...
- On pourrait peut-être parler de ses plus grands exploits ?
- ...
- Tu te souviens d'un match exceptionnel de sa part ?
- ...
- En même temps, est-ce que tu te rappelles d'un mauvais match de sa part ?
- Non, c'est sûr... Ce mec là a eu une courbe de performances aussi plate que électroencéphalogramme d'un Samoan à une conférence de Pierre Villepreux et aussi élevée qu'une chandelle de François Steyn...
- Ça nous arrange pas...
- On pourrait peut être parler de son plaquage au poignet sur l'essai des Tonga en coupe du monde ?
- Bof... Au moins, lui, il y était, au plaquage, ce jour-là...
- Il a bien dû lui arriver un truc, tout de même, à ce mec !?
- Pas vraiment à vrai dire : né à Bourgoin-Jallieu, pas de blessure spectaculaire, pas de déclaration fracassante, pas de transfert à scandale, une calvitie précoce qui l'a prémuni de toute mode ou de tout désordre capillaire propre à engendrer des éjaculations journalistiques incontinentes...
- J'ajoute même : bon camarade, compétiteur invétéré, d'une longévité et d'une régularité remarquables. Il a joué les deux dernières coupes du monde, remporté quatre tournois dont deux grands chelems, un Brennus...
- Ses hobbies ?
- La pêche à la ligne dans les étangs de Marcoussis, le jardinage. Un mec normal, quoi...
- Enfin, normal, un rugbyman exceptionnel, tout de même...
- Calme, posé, fair play, humble, honnête. Le seul capable de partager sa chambre avec Morgan Parra...
- Ah ouais, quand même : une sorte de moine Shaolin... ou un maître Zen...
- Bon, en fait, votre gazier, il a rien d'exceptionnel...
- Ben si : il est tellement exemplaire qu'il en devient exceptionnel... M'enfin, c'est sûr que tu fais pas un journal people avec des mecs comme ça...
- D'un autre côté, on est le service des sports.
Silence.
- Non ?
- Officiellement, oui... Mais bon, ce n'est pas le problème du jour. Le problème, c'est de trouver une accroche sur un type qui a eu une carrière gérée comme une assurance vie.
- D'un autre côté, l'assurance vie, ça rapporte... Faut être patient, mais c'est plus sûr qu'un PEA, surtout par les temps qui courent...
- Mais qu'est-ce que tu racontes ? Ça n'a aucun rapport !
- Au contraire ! Julien Bonnaire, c'est la France des petits épargnants, ceux qui ont le devoir modeste et qui connaissent l'âpreté du gain. Pas des artistes extravagants, pas des flambeurs, c'est sûr, mais des artisans, des meilleurs ouvriers de France, je dirais même, des Compagnons. Comme ces anonymes qui ont construit des cathédrales, qui n'ont laissé comme signature que leurs initiales sur des piliers en pierre de Volvic et qui ont offert à des hommes aux costumes plus ostentatoires de célébrer leurs messes dans des lieux extraordinaires qui survivront à l'injure du temps...
- Un homme du long terme... L'anti-candidat à la présidentielle, quoi !
- Et pourtant, quel premier ministre il ferait... Si l'enfer des rucks pouvait être l'enfer de Matignon...
- Vous avez raison... Bonnaire, c'est l'anti-héroisme du quotidien. L'archétype de la classe pas moyenne, du modèle qui veut être payé pour ce qu'il produit exactement. Un mec tout en discrétion, en abnégation, en don de soi pour le collectif, capable de briller, mais qui n'est brillant que par nécessité.
- Le Pompidou du pack, en quelque sorte...
Silence.
- Pas très glamour tout cela...
- Ouais ! Ben ça nous dit toujours pas ce qu'on va pouvoir écrire sur lui...

mardi 13 mars 2012

Hommage à la Boucherie Ovalie

Vernon Sullivan Dublogue évoque les joyeux bouchers de l'Ovalie avec des trémolos dans la voix.

La critique est unanime :

...Un vibrant hommage à la culture de la mornifle, de la marmite, de la gifle, de la pigne, de la taloche, de la tourlousine, de la tête au carré, de la mandale, de la beigne, de la mêlée relevée, du steak de phalanges, de ma main dans ta gueule, de la générale, du refaisage de lacet à la sortie du tunnel, de la baffe, de la baston, et j'en passe, et des pires...
(Télérama)

...Un single autoproduit par un collectif amateur composé d'un seul artiste schizophrène, maudit et culte des quartiers Nord de Clermont-Ferrand, enregistré dans un vestiaire de rugby malodorant, dans le cadre du "Off" du festival alternatif Rock'n Truffade de danse contemporaine minimaliste de Nébouzat, qui dénonce sans concession les dérives d'un monde consumériste abandonné à la voracité sans borne des néo-libéraux et des traitres aux valeurs du rugby : un cri dans la nuit de l'indifférence humaine, un déchirement du voile de la violence, un coup au cœur de la sodomie arbitrale...
(Les Inrockuptibles)

...I am Jamie Cudmore and I do not approve this message...
(Site officiel de l'ASMCA)

...Si je suis élu, j'en ferai mon hymne...
(Pascal Papé 2012)

Avant de cliquer sur la vidéo ci-dessous, merci de prendre en considération les informations suivantes :
- Oui, j'imite très mal Boris Vian,
- Oui, le sample des ciseaux de la reprise des Joyeux Bouchers par Les Garçons de la Rue est tout de mon cru, et ça s'entend...
- Oui, j'ai bien fait de devenir entraîneur de rugby plutôt que chanteur à texte...



Et pour ceux qui souhaiteraient reprendre à tue-tête cette magnifique œuvre lyrique un soir de beuverie, en pensant à Marc Cécilion ou à l'occasion d'une première communion, voici les paroles :

C'est le tango des bouchers d'Ovalie
C'est le tango des tueurs du rugby
Venez cueillir la rose et le muguet
Et boire du sang avant le coup d'sifflet

Faut qu' ça saigne
Faut qu' les gens voient des raclées
Faut qu' les gros puissent se friter

Qu' les arrières puissent mornifler
Faut qu' ça saigne
Faut qu' les bavards de Canal
Puissent s'en fourer plein la dalle
D'la baston et d'la mandale
Faut qu' ça saigne
Faut qu' Rémi se fasse frapper
Faut qu' Jamie s'essuie les pieds
Que les mecs se fassent citer
Faut qu' ça saigne
Faut s'remuer la barbaque
Pour sortir la boîte à claques
Et finir en générale
Faut qu' ça saigne
Bien fort

C'est le tango des joyeux supporters
Des gais vainqueurs de partout et d'ailleurs
C'est le tango des fameux va-t-en guerre
C'est le tango de tous les bagarreurs

Faut qu' ça saigne
Appuie bien sur ta fourchette
Faut qu' ça rentre ou bien qu' ça pète
Tant pis si tu prends perpet'
Faut qu' ça saigne
Démolis en quelques-uns
Tant pis si c'est des voisins
Fais-leur sortir le raisin
Faut qu' ça saigne
Si c'est pas toi qui les crèves
Les copains prendront la r'lève
Tu joueras pas en première
Faut qu' ça saigne
Rejoins les joyeux bouchers
Rejoins les vicieux bouchers
Viens goûter à la viande fraîche
Tiens ! Voilà du boudin ! Voilà du boudin !
Voilà du boudin !


PS : un grand merci à l'Aviron Bayonnais, à l'Union Sportive Arlequins Perpignanais, à l'ASM Clermont Auvergne, au Munster Rugby, à l'Union Sportive Montauban, au Club Sportif Bourgoin-Jallieu section rugby, à l'Union Sportive Seynoise Rugby, aux Leicester Tigers, aux Harlequins, au Biarritz Olympique pour leur participation.

lundi 12 mars 2012

PSA s'empare de mon Buttin

Tout à l'heure, Jean-Marcellin est venu me voir. Il avait l'air tout chamboulé :
- Coach, pardon de vous déranger... Y'a un Monsieur qui m'a appelé. Il dit qu'il travaille à Marcoussis pour le XV de France.
J'ai fait semblant d'avoir l'air surpris :
- Ah bon ? Comment s'appelle-t-il ?
- Euh... Un truc comme Jo Sado...
- Maso !
- Oui, c'est ça ! Un nom pareil, j'ai cru que c'était une blague d'Elvis. Mais bon, je préfère venir vous en parler parce qu'il a insisté...
- Tu as bien fait : ce n'est pas une blague. Jo Maso existe vraiment, et il a été un grand joueur de rugby.
- Ah bon ?
- Oui. Il est même président du comité de sélection.
- Ah bon ?
- Oui. C'est une espèce de titre honorifique. Comme reine d'Angleterre. Ou président de la République fédérale d'Allemagne. Une sorte de garant de la Loi Fondamentale...
- Ah ! Comme Jean-Marc Doussain en Nouvelle Zélande !
Et on a ensuite regardé sur Internet pour vérifier mes dires. Jean-Marcellin n'en démordait pas et pensait qu'Elvis m'avait associé au canular...
- Tu vois, je ne mens pas. Il a même participé au premier grand chelem français. En 1968...
- 1968 ! Ouah ! C'est normal que je le situe pas, le mec. C'était avant Pierre Salviac ! J'avais... Moins vingt-trois ans ! Attends, je vais twitter ça à Naï... Ça va le faire marrer qu'on puisse être aussi vieux...
- Oui, bon, ça va...
Il marqua cependant une pause, méditatif. Il reprit avec conviction :
- Il faut que je le rappelle, alors. Il m'a laissé son 06... Il m'a dit qu'il fallait que vous me signiez une autorisation de sortie du territoire. Pour l'accompagnement dans l'avion, il a dit que Julien Pierre ferait l'affaire.

Je lui ai signé tous ses papiers. On a vérifié avec Jean-Marc qu'il n'avait rien oublié : son ipod, son doudou, sa tablette, son junk food, les dernières saisons de "How I met your mother" et de "Dexter", son smartphone... Pour l'occasion, on a fait débloquer son forfait, avec option "international". Il était tout fier.
On l'a briefé sur les coutumes du XV de France :
- Demande à Roro de te protéger. Ne parle pas à Fritz, il est tricard. Sois gentil avec les Biarrots, on ne sait jamais. Ne tutoie que les mecs que tu connais et attends que les autres t'adressent la parole. Ne dérange pas Jubon quand il pêche. Ne t'assieds pas dans le bus à la place du sélectionneur. Et apprends à reconnaître Jo Maso pour ne pas le confondre avec le gardien de Marcoussis.
On l'a briefé sur les coutumes du Pays de Galles :
- Tu verras, la plupart des gens là-bas n'ont pas de dents, ils ont les oreilles décollées, et ils s'appellent tous Jones... ou Williams. Ils aiment beaucoup la bière et on ne comprend pas ce qu'ils disent.
- C'est comme des Anglais, quoi...
- Oui, mais en plus sympa !

Lorsqu'il est monté dans le taxi avec Julien, Jean-Marc lui a glissé une boîte de préservatifs dans le sac en lui faisant un clin d'oeil :
- Et surtout, fais bien attention aux mecs qui s'appellent Gareth.
Le taxi a démarré. Jean-Marc a crié en faisant des grands signes de la main :
- Et refuse si on te propose un tour en voiture de golf !

samedi 10 mars 2012

L'analyse du Crunch par Master Guy... avec les sous-titres

Vous le savez, mon amitié avec Maître Guy fait de moi l'un des meilleurs spécialistes du gourou toulousain. Je vous ai déjà fait partager l'intimité de ce technicien éternel, de cet obsédé de la gagne, mais, également, de ce communiquant hors pair.
Aussi ai-je décidé de décoder pour vous sa dernière interview en date dans le MIDOL, consacrée au Crunch. La même, mais avec les sous-titres...

L'interview est intitulée L'Angleterre ne peut pas gagner.
Immédiatement, je reconnais tout le vice communicationnel de Master Guy. Que se cache-t-il en effet derrière cette déclaration en apparence arrogante ? Sous-titres :
"Depuis que j'ai refusé le poste de sélectionneur et que j'ai, implicitement, fait apparaître L'Usurpateur comme un choix par défaut, et malgré le fait que tout le monde savait que je ne quitterai jamais Toulouse, mon aura s'est encore accrue et l'on vient rechercher mes avis comme ceux du vieux sage qui a pris du recul, d'autant plus que mon refus alimente toute une série de fantasmes inconscients sur ce qu'aurait pu être le jeu de l'équipe de France avec Novès à sa tête. Double conséquence : non seulement mon avis devient autorisé sur le sujet, mais je bénéficie également d'une immunité totale sur mes jugements puisque je suis devenu le sélectionneur d'une équipe de France utopique. En déclarant que la France doit gagner, je mets une pression implicite sur L'Expédient en sous-entendant qu'il serait vraiment un gros nul s'il n'arrivait pas, après ce pénible match face à des Irlandais valeureux mais limités, à écraser ce pathétique XV de la Rose... Malin, non ?"

Master Guy débute l'ITW sur une analyse comparée des niveaux respectifs de l'Angleterre et des clubs anglais, je cite :
Après avoir affronté cette saison les Harlequins et Gloucester, j'ai le sentiment que ces équipes développent davantage de jeu que l'Angleterre. (...) Les racines de l'Angleterre sont là, sauf que cette génération n'est pas au niveau de ses devancières. (...) Mais je ne parle pas des clubs. Gloucester est capable de jouer un rugby total, ce qu'on ne retrouve pas chez l'Angleterre dans ce tournoi. Sous-titres :
"Moi, à Toulouse, je me fade de vraies équipes de rugby anglaises, pas la génération sacrifiée et laborieuse offerte en pâture à L'Imposteur. J'en profite pour me justifier d'avoir perdu contre les Quins à domicile et contre Gloucester, et pour suggérer que ce serait vraiment la honte de perdre contre les Rosbeefs... Machiavélique, non ?"

Le journaliste pose ensuite une question piège en rétorquant que seule une équipe anglaise est qualifiée pour les quarts de finale de la HCUP. Rassurez-vous, Master Guy a tout prévu :
Les clubs anglais sont confrontés, comme nous, au partage des joueurs avec la sélection et ils n'ont peut être pas les joueurs sous la main pour travailler au bon moment. Sous-titres :
"C'est encore la faute des doublons et je suis d'autant plus méritant d'avoir hissé mon équipe en quart de finale de HCUP avec des joueurs qui reviennent massacrés de leur équipe nationale. Notez que tout le monde aura compris que lorsque je dis : "nous sommes confrontés", c'est un nous qui veut dire "je"... Évidemment, ce qui vaut pour les clubs spoliés de leurs joueurs n'est pas valable, dans ma démonstration précédente, pour la sélection qui n'a pas le droit de pâtir, elle, des cadences infernales et des mises à dispositions restreintes par un calendrier surchargé... Et Le Remplaçant, qui aura eu pour lui tout seul les joueurs pendant quatre semaines avec des résultats qui parlent d'eux-mêmes..., serait bien gêné de me contredire sur ce point. Futé, non ?"

On se demande ensuite s'il peut y avoir du suspense dans le Crunch. Oui bien sûr, mais Master Guy en profite pour glisser une petite clavette supplémentaire, particulièrement vicieuse, je cite :
(...) [L'Angleterre] doit se résoudre à s'appuyer sur [du] jeu au pied et se retrouve obligée de rendre le ballon. Sous-titre :
"Si Le Pis-Aller ne veut pas être ravalé au niveau de médiocrité des Glaouches, il va falloir qu'il demande à ses joueurs d'envoyer du jeu et ce n'est pas en utilisant la même tactique que les Buveurs de Thé que l'on risque de voir un beau match de rugby dimanche prochain... Mais je vous aurai prévenus... Perfide, non ?"

Dernière question sur les individualités anglaises, et particulièrement Tuilagi. Là encore, la rhétorique de Master Guy prend des détours insoupçonnables, je cite :
(...) Tout seul, [Tuilagi] ne fera rien. Il est délicat de signer un exploit individuel au centre du terrain. Sous-titres :
"En parlant de Tuilagi, je fais apparaître dans votre esprit l'image de "Air Rougerie" et ses plaquages en mousse, car vous ne pouvez pas ne pas tiquer lorsque je déclare que c'est un exploit de percer "au centre du terrain" contre l'équipe de France. Et, incidemment, je vous rappelle que Le Supplétif a inexplicablement oublié de sélectionner mon petit protégé, le massif et capable de museler Tuilagi, je ne l'ai pas nommé mais vous l'avez tous en tête, Florian Fritz. Démoniaque, non ?"

Merci, Maître Guy, pour cette grande leçon de communication subliminale.

vendredi 9 mars 2012

Au-delà de l'Ovale du Tonnerre

Dans un futur proche, les grands clubs sont entrés en guerre pour la qualification pour les phases finales. Exaspérés par la crise, les doublons, les erreurs d'arbitrage et les matches pour le maintien, les supporters se sont révoltés. La LNR essaie de maintenir un semblant d'ordre tandis que des bandes de rugbymen professionnels sillonnent les routes...

Agen (ou ce qu'il en reste...) - Département du Loot & Grey Zone - samedi 10 mars

Tout paraît calme en ce doux matin d'hiver qui présage du printemps à venir. La population s'active à cultiver ses pruneaux à l'extérieur des murailles de fortune élevées pour protéger la ville des bandes de pillards. Le spectre de la relégation semble s'être éloigné depuis quelques mois, et la cité jouit d'un calme relatif grâce à une moisson estivale productive et un automne serein. Les temps sont durs, mais le danger n'est pas aux portes. Du moins, pas pour l'instant...

Un nuage de poussière s'élève et grossit en effet à l'horizon de la ville. Sont-ce de nouveau les Chiens de Guerre Toulousains et leur chef implacable Humunguy, qui avaient profité il y a quelques mois d'une brèche ouverte par traitrise dans les défenses pour s'emparer d'un butin inespéré ? Sont-ce ces maudits Basques et leur maître l'Outremangeur, une bande de motards livrés à eux-mêmes, désespérés et prêts à tout, qui sont venus il y a quelques jours s'emparer de réserves importantes pour la survie de la communauté ?

Immédiatement, le rappel est battu. Les femmes ramassent rapidement leurs paniers et se précipitent à l'abri des remparts. Les enfants sont emmenés et cachés dans des caves. Vite, les portes se ferment et sont renforcées par de lourds madriers. Les snipers, dont les deux héros de la cité, Barnard le Long Fusil et Sylvère L'Eclair, ne tardent pas à gagner le chemin de ronde pour tenter d'identifier cette nouvelle menace.

Le nuage se rapproche lentement mais sûrement et un brouhaha mécanique s'amplifie peu à peu dans la campagne. Quelques minutes après, la bande de maraudeurs est en vue. Une rumeur d'effroi parcourt les fortifications :
- Les Arvernes Sales et Méchants ! On les reconnaît à leurs ridicules armures en caoutchouc et à leurs couleurs criardes...
C'est la stupéfaction dans la ville. Même les Avants semblent frappés de peur. Sur l'un des véhicules des Arvernes, deux rugbymen sont attachés, tels des figures de proue, et hurlent des supplications.
- C'est Donguy Porte Flingues !... et Bézy La Gachette Grippée !... crie une voix anonyme chez les Agenais.

- Hormis ces Chiens de Toulousains, ce ne pouvait être pire...
Le Doyen Lanta, vieux sage et conseiller de la ville, a lâché cette petite phrase à part lui, mais tout son entourage l'a entendue. Il poursuit :
- Je savais qu'ils étaient dans le coin... Apparemment, un gang composé de sous-fifres toulousains s'est attaqué à eux la semaine dernière. Mal leur en a pris... Ils en ont épargné un, le plus jeune, pour qu'il témoigne... Et maintenant, il viennent dans la région pour se venger...
Il saisit la longue vue qu'il a toujours à sa ceinture. Il soupire :
- Hum ! Je vois les deux Bikers Guerriers, Le Scud et Strong Yo, juchés sur leurs montures infernales... Il y a aussi leurs deux snipers, Skinny la Skrèle et Magic Foot Brockie... Ah ! Vern Le Sorcier est là... Ils ne sont pas ici pour manger des pruneaux... Ils sont même venus avec Mad Jim Buttin et Crazy Naïkat', le déséquilibré imprévisible des îles...
Il continue à scruter l'horizon en translatant sa longue vue d'un côté à l'autre.
- C'est bizarre, je ne vois pas Gerhard Le Bélier, ni Le Barde psychopathe... On dirait qu'ils ne sont pas là... Ni Rahan, ni Le Merdeux, ni Averell Dalton, ni Le Boucher de Bruges, ni Junior Bonner Le Bagarreur...

Soudain, une silhouette s'extirpe du rodéo de motos et d'automobiles trafiquées qui avait fini par arrêter sa progression chaotique sur un terrain de rugby vague. L'homme porte un heaume ajouré qui lui masque le visage, surmonté d'une crête rousse. Le reste de son corps musclé est nu, à l'exception de la ceinture pelvienne, protégé par une culotte rapiécée de pneus. Il a un combiné de téléphone à la main, relié par un fil tortillé à une improbable sono antique bricolée et raccordée à deux hauts-parleurs volés à un groupe de Hard Rock clermontois des années 90, les Real Cool Killers.

Un nervi, Alex Le Tube, revêtu d'une ridicule tunique en peau de Racingman, hurle de toutes ses tripes :
- Place à Elvis, le Saigneur de la Mêlée... Le... Le... Prince de la Guerre et de la Paix... Le... Le... Grand Ayatollah des Hauts Plateaux de Fromage vous parle !
L'homme casqué s'exprime d'une voix lente et répercutée dans toute la vallée par l'écho de la sono :
- Je suis Elvis, le King du Catch et des Corps à Corps. Je suis profondément déçu. Vous m'avez à nouveau forcé à lâcher mes Prêtres de la Mort ! Regardez ce qu'il reste des vaillants Chiens de Guerre de vos voisins toulousains - il montre d'un bras accusateur les deux hommes ligotés qui continuent de s'époumoner en promettant l'intelligence situationnelle à ceux qui viendraient à leur secours.
Le Heaume en colère froide poursuit sans se soucier de ses victimes :
- Les gens de votre espèce ne sont pas raisonnables ! Vous continuez à vous accaparer les points de ravitaillement. Mais nous savons tous que nul dans ce conflit n'est tout à fait pur et je suis venu vous proposer un compromis.
Là-dessus, un jeune rookie, Oléon Le Front d'Acier, se précipite aux côtés du Heaume et l'invective en gesticulant :
- Non, pas de compromis ! Tuons les tous !
Le Heaume applique une prise de soumission au jeune guerrier. Il lui murmure à l'oreille :
- Du calme, brave Prêtre de la Mort. Je comprends ta douleur. Nous avons tous perdu des points précieux dans ce combat infini. Mais l'heure de la vengeance n'a pas encore sonné. Nous reprendrons ce qui nous appartient le printemps revenu...
Repoussant le rookie avec une infinie délicatesse, contrastant avec l'impression de puissance qu'il dégage, le Heaume reprend :
- Il y a déjà eu trop de violence, trop de souffrance ! Je suis encore en mesure de maîtriser mes jeunes Guerriers de l'Apocalypse. Mais ce sont de vaillants soldats sevrés et assoiffés de combat, qui feront leur miel de toutes les razzias... Ne les provoquez donc pas ! Si vous vous soumettez, nous serons magnanimes et nous vous laisserons de quoi survivre, un bonus, si l'on peut dire... Mais si vous résistez, alors nous déchaînerons les feux de l'enfer sur votre pauvre cité et vous ne pourrez vous en prendre qu'à vous-mêmes d'être entrés dans la vallée de la mort !
Il fit une pause et inclina légèrement du chef, comme écrasé par le poids des responsabilités et de la fatigue. Puis il reprit :
- Je vous laisse étudier cette proposition raisonnable : vous avez quatre-vingt minutes pour donner votre réponse.

Le Heaume reposa son microphone improvisé et rejoignit la meute qui fourbissait ses armes, laissant les Agenais dans la plus angoissante des expectatives...

PS : Petit flash back kitsch et sympathique ici.

Cours, Sireli, Cours !

D'après vous, que peut bien hurler Pierre Berbizier à son joueur, lors de l'action victorieuse du Racing contre Bayonne :

a - Arrête, Sireli, arrête ! Il y a une faute sur le ruck précédent et un en-avant de passe non signalés ! Je ne veux pas que ce soit la dernière fois que M. Gaüzère arbitre Bayonne...

b - Attends, Sireli, attends ! Cet essai de raccroc ne correspond pas à notre nouvelle philosophie de jeu. Un de tes coéquipiers va venir à hauteur et tu lui feras une chistéra pour que l'action soit plus esthétique. C'est comme ça, le rugby, au Racing !

c - A deux mains, le ballon, Sireli, à deux mains ! Et pas de plongeon dans l'en-but ou de pas de l'oie ! Ne va pas ruiner cinq années de travail. C'est le Racing Metro ici, pas le cirque Pinder ! De toute façon, il n'y a pas de spectateurs, donc pas besoin de faire du spectacle !

mercredi 7 mars 2012

Le Rugby est éternel

Une fois n'est pas coutume, je laisse le clavier à Hugo qui a posté voila quelques jours cette parabole céleste sur l'excellent forum Haka Kiri. Comme j'ai bien aimé (appréciant moi-même les histoires qui se déroulent au paradis du rugby), je voulais vous la faire partager. Bonne lecture...


Marc Lièvremont arrive au paradis accueilli par le grand sélectionneur à la barbe blanche.

Saint Pierre l'accueille chaleureusement et lui fait visiter les quartiers réservés aux bonnes âmes du royaume d'Ovalie.

La visite commence par un parc rouge et bleu luxueux où des soupirs de tristesse s'échappent.
- Ce sont des Biterrois lui dit Saint Pierre, ils pleurent sur leur passé à jamais perdu. Saint Raoul est inconsolable.

Plus loin surgit une lande déserte entourée de vieilles tribunes en bois où des joueurs se font des passes étincelantes, sous les acclamations des spectateurs en joie.
- Où sommes nous demande Marco ?
- Tu ne les reconnais donc pas s'esclaffe le vieux barbu malicieux, mais se sont des Dacquois !
- Je ne comprends pas. Ils devraient être éplorés de n'être jamais entrés dans le Saint des Saints interroge Marco.
- Tu ne comprends donc pas ? Regarde mieux, ils s'amusent comme des enfants en jouant souvent avec d'autres Landais, des frères de jeu... Passer la balle pour la faire vivre c'est leur crédo. On dit même que parfois, il leur pousse des ailes et qu'ils tutoient les anges tellement leur amour du beau jeu les élèvent vers les sommets. Pour les siècles des siècles, ils sont les Bienheureux de ce royaume !

L'âme en joie, Marco quitte à regrets ce havre de paix et aperçoit au loin une forme indéfinie.
- Le bonhomme en mousse ! Nous allons chez les Corréziens je présume, les pauvres...
- Tu n'y es pas du tout, les Zèbres sont parqués bien plus loin près du cabaret réservé aux amuseurs, regarde mieux...
- Mais bien sûr, c'est un Bibendum !
- C'est ça, nous arrivons chez les ex-zonards du royaume d'Ovalie. D'anciennes âmes errantes, sans cesse moquées par Saint Glinglin. Aujourd'hui ils sont sur leurs nuages.
- Mais que font-ils, on dirait un temple et un Bouddha ...?
- C'est cela. Ils sont devenus zen et bleu. En l'attendant, j'ai bien du les autoriser à construire un temple à la gloire de Saint Vern. Ils se morfondaient depuis si longtemps.
- C'est jaune, c'est bleu, c'est beau, sourit béatement Marco en repensant ému au grand blond en bleu qui animait si merveilleusement le centre de son attaque. Aurélien sera aux anges ici.
- Mais que fait ici le portrait de ce personnage crucifié ?
- Un cadeau des Hauts de Seine et d'un certain Paul qui se morfondent en enfer, il représente un arbitre, Saint Christophe, je crois... murmura le vénérable en souriant.

- Des rugbymen vont donc en enfer ?
- Et comment ! s'emporte Saint Pierre. Le dernier en date voulait forcer la porte du paradis d'Ovalie, sous prétexte de ses relations avec un dieu tout puissant du monde d'en bas. Je l'ai laissé en rade.
- En rade ?
- C'est un lieu à l'écart réservé aux excités qui éructent des borborygmes à longueur de temps. "Filou! Filou"! est leur cri de guerre. Ce Bernard ne sera décidément jamais en odeur de sainteté. Aussitôt arrivé, il a organisé un tripot clandestin. On m'annonce d'ailleurs l'arrivée imminente d'un de leurs chefs de guerre, un dur de la rade bien introduit, parait-il...

- Mais quel est ce brouhaha incompréhensible ?
- Tu ne reconnais donc pas ces cris ? C'est le quartier basque ! il se disputent perpétuellement dans leur langue. Une vieille coutume pour choisir l'élu des Pires Ainés. Il y a bien longtemps qu'ils ont oublié les joies du jeu et d'honorer la mémoire de leurs glorieux ancêtres. Ils finiront bien par y perdre leurs âmes....

- Et là, qui est cet homme si tourmenté au sommet de ce mat de cocagne surplombant un champ de ruine ?
- Un Pierre ! Un usurpateur qui s'est fait passé pour un martyr alors qu'il a lui même bafoué les tables de la loi de l'esprit du jeu. Pour avoir voulu s'emparer des clés du paradis d'Ovalie par tous les moyens, il est condamné à perpétuité à surveiller tous ceux qui ont voulu creuser la tombe de Saint William Webb Ellis, l'archange de cette partie du royaume des cieux.

- Chacun a donc son quartier ?
- Oui, c'est ça. Ainsi, la douce mélopée que tu entends au loin, c'est la chorale à Max. Ils égrènent tout le répertoire de Dalida à longueur de temps. Ils sont vraiment très gais...

- J'aimerais bien visiter le quartier catalan, j'y ai de bons amis...
- Le quartier catalan ? Mais il n'y a pas de Catalan ici. Les Catalans jouent avec un ballon rond si je ne m'abuse et tous les footballeurs sont au purgatoire ou en enfer...
- Tous ?
- Tous, sauf Saint Aimé bien entendu. D'ailleurs tu aurais très bien pu être, toi aussi, sanctifié tellement ton chemin de croix fut exemplaire...
- Donc pas de Catalan ?
- Non aucun. Il y a bien des Roussillonnais mais malgré l'intercession pressante d'un saint inconnu, Saint Matheu je crois, ils sont toujours au purgatoire, ça leur apprendra à se prendre pour des Catalans...

- Tant pis pour les Roussillonnais, mais là, devant nous, qui demeure derrière ces murs recouverts de tant d'étoiles, si hauts qu'on en voit pas le bout ?
- Chuttttttttt malheureux! Surtout pas un bruit ! Ce sont les toulousains et ils croient qu'il n'y a qu'eux dans le ciel d'Ovalie. Je ne veux surtout pas les détromper, ils pourraient nous faire la danse de saint Guy...

Les photos du week end dernier

Au Stade de France :

Consternation :
Les sales gosses surpayés du rugby viennent d'apprendre le programme fiscal du candidat socialiste.

Consternation (2) :
Le staff du XV de France visionne les images du match Castres Olympique - LOU.

Justement, pendant ce temps là, à Vera Cruz...

AliEnervé vs Prédateur :
Le casting était prometteur mais le Top 14 n'a produit qu'un mauvais remake du film de science fiction réunissant deux extra-terrestres venus chasser sur la planète Rugby.

- Pitié Monsieur Botha, pas sur la tête !
- Attends Petit, Bakkies va t'enlever une poussière dans l’œil...

Nota : ces photos ont été pillées sans vergogne dans le dernier MIDOL.

lundi 5 mars 2012

Le maillot du centenaire : décryptage...

Faut pas croire, mais le maillot du centenaire a fait l'objet des études les plus poussées dans les laboratoires secrets des centres de recherche Michelin.
Les plus grands ingénieurs auvergnats ont déployé tout leur talent pour dessiner cet objet de haute technologie qui est également emblématique de l'élégance à la Clermontoise.
De mon côté, j'ai une fois de plus déployé mes talents d'infographiste pour décoder la symbolique mystique de cette tunique de combat que même les US Marines et l'armée russe nous envient (N'oubliez pas de cliquer sur la photo pour mieux profiter des explications).


samedi 3 mars 2012

Double peine

Tout d'abord, je souhaitais remercier mon ami Guy, qui m'a fait un joli cadeau en envoyant visiter Vulcania une équipe comment dire... bricolée comme un 103 SP... charcutée comme une prostituée brésilienne... bidouillée comme une élection sénégalaise... bref, un truc étrange, pas forcément laid mais bizarre, comme une journée de doublons, comme un lancement de jeu du XV de France. D'ailleurs, ce n'est pas Maître Guy que je devrais remercier, c'est la LNR et la FFR... Un Charlot est mort ce week end, mais la relève est assurée...
On aurait pu prendre cinq points si on avait été moins maladroit, mais, mine de rien, on en a tout de même passés trente-cinq... Et en définitive, ce match entre "équipes B" valait bien les autres confrontations "au complet" de la journée. En particulier, le CO - LOU avait un gros air de Pro-D2, et encore, je suis méchant pour la Pro-D2...
Pour finir ce billet aussi pauvre que le spectacle sur les terrains de rugby ces derniers jours, je vous confirme que le seul Aurélien Impérial qui a joué ce week end était à Clermont...

jeudi 1 mars 2012

Le rendez-vous des amis

Portes du Paradis Ovalie - Dans le plus long temps possible...

Saint Pierre-Villepreux (en chasuble d'entraînement argentée avec un ballon blanc immaculé sous le bras) : Vern, sois le bienvenu. Dans les circonstances actuelles, je n'oserais pas te dire que cela me fait plaisir de te voir, mais tout de même, cela me rappelle de bons souvenirs...
Moi : Bonjour Pierre. Je suis où là ?
Saint Pierre-Villepreux (d'une voix douce) : Au Paradis, Vern. Au Paradis Ovalie... L'endroit où c'est tous les jours dimanche de matches, le Nirvana de l'analyse situationnelle, le Walhalla de la chistera et du cadrage-débord, l'Acmé de la passe vissée double sautée au cordeau, le jardin des Hespérides de la troisième mi-temps...
Moi : Alors, je suis mort ?
Saint Pierre-Villepreux : Et oui, Vern, le ballon a cessé de rebondir capricieusement... Mais suis moi, quelqu'un t'attend.

Nous entrâmes dans un grand jardin arboré. J'entrapercevais, dans une belle campagne verdoyante et vallonnée, des terrains de rugby à perte de vue. Cela me rappelait la Nouvelle Zélande, comme si l'on avait juxtaposé des centaines de stades de Rotorua.

Saint Pierre-Villepreux (se retournant vers moi) : C'est beau, hein ?
Moi : Oui. C'est comme un rêve d'écolier de rugby...

Soudain, Maître Guy apparut, souriant comme le soir du Brennus 2011. Sacré Guy ! Il se débrouille toujours pour être en avance sur moi... On aurait dit Obi Wan Kenobi, mais avec une barbe blanche et une auréole ovale au-dessus de la tête. Il tenait une composition d'équipe à la main.

Maître Guy : Bonjour, Vern. Sois le bienvenu au Paradis Ovalie. Ici, plus de doublon, plus de calendrier. Du rugby pur, et total, sans contrainte... Pour l'éternité...
Moi : Guy, quel bonheur de te retrouver ! Mais cette barbe, cette ovaléole... C'est toi le patron ici ?
Maître Guy : Non non ! Mes aventures terrestres me valent bien quelques égards ici haut, mais le Boss, le vrai, c'est William Webb... Je te le présenterai... Tu viens ? Comme tous les jours, on joue. Je vais enfin pouvoir améliorer mon pourcentage de victoire contre toi ! Tu sais, j'ai l'éternité pour percer les secrets de ton système de jeu !

Et il m'entraîna sous le regard amusé de Saint Pierre-Villepreux. Nous jouâmes et entraînâmes pendant un temps indéfini. Je ne ressentais plus ni l'âge, ni la fatigue, aucune lassitude, aucune frustration, plus rien qu'une immense sérénité, un bonheur simple de jouer, d'entraîner et de regarder jouer. Pour fêter mon arrivée, Guy avait organisé un match entre les plus grands joueurs français et les Blacks les plus mythiques qui avaient définitivement rejoint le banc des remplaçants...

Le match fut titanesque. Il dura des siècles et des siècles. Un combat de géants, un empoignade héroïque, une geste magnifique. Le score final fut de 23657 à 23658, et je ne me souviens plus du vainqueur... Ce dont je me souviens, entre les fulgurances des uns et des autres, c'est qu'aucune pénalité ne fut tentée... Roger Couderc commentait le match et je l'ai vu pleurer de joie en chantant la Marseillaise...

Puis, lorsque nous fumes repus et rompus, et que nous décidâmes de nous retrouver, nous nous retirâmes sur une colline dominant les terrains et nous contemplâmes le paysage baigné de chaude lumière jaune, sirotant un Cigalou et degustant un thon que nous étions partis pêcher...

Maître Guy : Je t'emmènerai chasser. Tu verras, le gibier abonde. Alors, Vern, quelles sont les nouvelles d'en-bas ?
Moi : Oh, tu sais, je me suis retiré des voitures lorsque j'ai gagné la coupe du monde avec les Blacks... Le rugby a bien changé depuis... Les passages à vide sont autorisés, les écrans également, on ne pousse plus en mêlée, tous les joueurs se ressemblent...
Maître Guy : Et ouais... C'était le bon temps... Tu te souviens, quand on se tirait la bourre pour le Brennus ? On n'était pas mauvais tout de même, quand on voit ce qu'on arrivait à faire avec nos équipes "B"...
Moi : C'est sûr... C'était avant que tu ne réalises le doublé...
Maître Guy : Et avant que tu ne rapportes la HCUP place de Jaude...

Silence.

Moi : Toujours aussi bon ce... ce....
Maître Guy : Le Cigalou ! Et ici, on peut en boire sans modération, car il n'enivre pas...

Soudain, j'entendis des éclats de voix qui troublaient cette ambiance idyllique.

Maître Guy : Ce n'est rien, Vern. C'est Albert Ferrasse qui s'engueule avec Mourad Boudjellal sur l'avenir du rugby... Ils sont incorrigibles ces deux là... Et je te raconte pas quand Jacques Fouroux croise André Boniface...