mercredi 14 décembre 2011

La Bûche

Hier après midi, je faisais mon habituel tour des installations pour rechercher les caches des joueurs. Oui, j'ai pris l'habitude de débusquer les cachettes dans lesquelles certains tentent de dissimuler des barres chocolatées, des bonbons, des sucreries en tout genre, de la charcuterie, du fromage non maigre et des peaux de poulet. Ils sont devenus de plus en plus inventifs et je dois bien avouer qu'ils mettent ma vigilance à rude épreuve... Il faut dire que j'ai moi-même choisi l'équipe de diététiciens du club : un ascète de la secte des Naga Baba est en charge de l'approvisionnement en vivres, un coureur de fond éthiopien rédige les menus et la Règle de Saint Benoît est le seul livre de cuisine autorisé.
En passant dans les vestiaires, j'ai entendu à l'extérieur une rumeur joyeuse et des cris d'amusement. J'étais surpris car je n'avais pas programmé de séance de musculation à cette heure. C'était en fait la bûche de Noël de l'école de rugby. Comment avais-je pu manquer cela ? A cinq jours du match retour contre Leicester, je fus soudain tenaillé par l'angoisse...
Je me précipitais sur les lieux et, malheureusement, mes inquiétudes étaient fondées : j'assistais, impuissant, à un carnage...
Les enfants contemplaient, médusés, une scène d'orgie de Noël : une mêlée informe masquait le buffet. Mais je parvenais à distinguer Gerhard qui se gavait goulûment de bûche à la crème avec des grognements sonore de contentement, pendant que Julien Bardy, une barbe à papa à la main, empêchait quiconque d'approcher en montrant ses dents roses après chaque bouchée. Les premières lignes, au complet, se vautraient dans la chantilly pendant que Morgan, David et Brock, ayant remplacé les ballons par des sucreries, adressaient des passes au pied millimétrées aux trois-quarts.
Les Fidjiens, quant à eux, emplissaient de grands sacs postaux de tout ce qu'ils pouvaient trouver en mignardises, junk food et autres insultes à la diététique... Muri faisait des photos qu'il envoyait dans la foulée à Caucaunibuca.
Seul Jubon, en lévitation et en extase mystique, approchait des morceaux de gâteau au chocolat de sa bouche puis les repoussait au dernier moment en criant :
- Mal ! Mal ! Pas bien !
Sorti de ma stupeur, je décidais enfin d'agir. M'emparant de mon fouet de dompteur (oui, j'en ai toujours un à proximité...), je chassais les marchands du temple (et les enfants aussi, malheureusement, mais bon, un quart de finale de HCUP, "ça ne se galvaude pas") en hurlant.
Quelques heures plus tard, après avoir administré plusieurs vomitifs et effectué les lavages d'estomac qui s'imposaient, tout était revenu dans l'ordre. Avec Jean-Marc, je contemplais l'équipe terminer ses soixante tours de terrain, en me disant que j'allais afficher des photographies de Philippe Saint-André et de Serge Blanco à la cafétéria.
- L'année prochaine, on organisera une crèche vivante, me dit Jean-Marc. Je verrais bien Jubon en Vierge Marie, Roro en Saint Joseph, Le Belge en bœuf et le Merdeux en Petit Jesus...
Et il ajouta, un petit sourire au coin des lèvres :
- Et ça ne te dirait pas de faire le père Noël ?

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