Aujourd'hui, j'ai reçu un coup de fil de la capitale. Comme c'est pas si souvent, j'ai décroché. C'était Eric Bayle, le mec de Canal + qui est persuadé que le Top 14 est le meilleur championnat du monde. Je me marre : c'est pas en faisant venir quelques joueurs surcotés sur-médiatisés et sur le déclin et en les faisant jouer dans des équipes moyennes qu'on fabrique le meilleur championnat du monde... Enfin bon, je vais pas me plaindre, je pourrais être le sélectionneur des All Blacks, ces pauvres types qui jouent le super 15 et les Tri-nations...
Bref, pourquoi Eric Bayle ? Une interview de Cudmore pour Halloween, un sujet sur la sensibilité digitale de Roro, des réductions à Royatonic ? Rien de tout cela :
- Bonjour Verne Cotteur, c'est Eric Baïlle de Canal + (J'ai souligné les syllabes à accentuer pour que vous l'ayez bien en tête).
- Bonjour Eric, que puis-je pour vous ?
- Pour être franc avec vous, Vern, ça ne va pas du tout.
- Ah ?
- Oui. En fait, le problème, c'est votre club. Il n'est pas du tout télégénique.
- Euh, pourtant je ne mets plus de bonnet ?
- Non c'est pas ça, encore, vous, vous êtes très bien : pas un sourire, vous faites peur aux enfants, on arrive toujours à gloser là-dessus. Un mec qui tire la tronche, c'est spectaculaire.
- C'est à cause de Jamie alors : il ne donne pas une bonne image du rugby...
- Au contraire, il est super : un mec comme lui justifie à lui seul les 43 caméras autour du terrain, les 87 ralentis par matches, les stats à la con sur le nombre de cartons jaunes reçus en carrière, sans parler des dix minutes par retransmission qu'on passe sur le cas du bad boy canadien, du canuck en colère, du bucheron de Toronto, du frère de "La Chose" et j'en passe et des meilleures, bref, un vrai régal ! Non, le problème c'est tout le reste...
- C'est à dire ?
- Ben... Des supporters toujours impeccables et sympas qui soutiennent leur équipe envers et contre tout, qui ne sifflent pas sur les pénalités, qui se déplacent en nombre à l'étranger... Un président discret mais efficace, un manager maniaque de l'intimisme et de la modération, des joueurs remarquables de proximité et très corrects sur le terrain qui ne trébuchent jamais sur une table de nuit ou qui ne harcèlent pas les femmes de chambre...
- Tout de même, ils ont mangé de la peau de poulet l'autre jour !
- Oui, c'est exactement ce que je veux dire : la terreur de l'équipe fait une psychothérapie et écrit des lettres d'excuses, après avoir été suspendu à titre provisoire par le club. On est dans du grand n'importe quoi ! Vous êtes en train de tuer le business !
- Je ne comprends pas : on a une stratégie de développement, on se structure remarquablement, l'assise du club ne cesse de croitre : le business marche à donf. On a même réussi à ouvrir un restaurant pour gogos dans les tribunes !
- Mais justement ! Votre business, pas le nôtre ! Comment voulez-vous qu'on fasse du bon journalisme si vous avez des infrastructures exceptionnelles, si le centre de formation sort des Fofana et des Buttin tous les ans, si vous êtes réguliers au plus haut niveau sur le long terme, sans pression du résultat et avec une communication neutre et responsable ! Vous allez nous foutre sur la paille, oui !
- Mais enfin, c'est ça le professionnalisme !
- Pas du tout ! Le professionnalisme, ce sont des clubs qui changent de manager en cours d'année et qui recrutent, pour le remplacer, leur ennemi juré, des clubs qui font appel à des repreneurs douteux, qui mettent en minorité leurs présidents historiques, des clubs glamour de la grande banlieue parisienne à fort potentiel de développement sur les 15 - 34 ans, ce sont des transferts de stars, des déclarations fracassantes à l'emporte pièce, des analyses dont la validité ne dépasse pas l'intervalle entre deux matches, des interviews limitées à 200 mots de français de Djôni Ouilekinnesonne, des voiturettes de golf à contre sens sur l'autoroute et des coming out !
- Ouais d'accord, mais bon, ici c'est Clermont-Ferrand : l'Auvergnat est d'un naturel discret et travailleur qui déteste faire étalage de sa réussite.
- C'est bien ce qu'on vous reproche. Si je viens à Clermont, sur quoi je vais faire mon pitch ? L'eau pure des volcans d'Auvergne, le bon air des montagnes, la partie de pêche de Julien Bonnaire, un club stable qui progresse dans la durée et l'humilité ? On ne pourrait même pas faire un blog sur vous... Non, ce que veulent les gens, c'est du Byron Kelleher qui fait le haka bourré après avoir falsifié quelques contrats de joueurs, c'est de la starlette sud-américaine ou tatouée blessée un match sur deux au talent sur-exploité mais qui passe bien à la télé, c'est du poilu vindicatif et du teigneux paranoïaque, c'est des seins qui pointent et qui ballotent au Stade de France. Vous, vous avez le charisme d'un deuxième ligne georgien et l'impact marketing de la sélection du Tonga.
- Ok, mais à Toulouse, il font un peu pareil, non ?
- Mais mon cher Vern, vous ne jouez pas encore dans la même catégorie ! Avec le Stade, on peut en faire des caisses sur le jeu à la toulousaine, sur l'immensité et la classe de Jauzion ou Dusautoir, sur les stars qu'ils recrutent, sur cette incroyable permanence au plus haut niveau, et puis, et puis, Guy Novès, quel client tout de même !
- Bon et alors ?
- Alors vous allez me mettre un peu de people et un peu de vaseline dans tout ça ! J'ai fait appel à la rédaction chargée du football pour vous trouver quelques prostituées mineures pour votre prochaine troisième mi-temps et j'ai donné votre numéro de téléphone à Christophe Dugarry pour qu'il mette un peu la pression sur votre président. Éventuellement, si vous pouviez perdre quatre ou cinq matches consécutifs qu'on puisse faire un sujet sur la crise à Clermont, ce serait parfait ! Allez, je vous laisse, j'ai un sujet à terminer sur le coiffeur de Sébastien Chabal.
Et il a raccroché...
A ce moment là, Julien Bonnaire a frappé à ma porte.
- Coach, je pourrai quitter l'entraînement plus tôt aujourd'hui ? J'emmène mes enfants à la vallée de Chaudefour et la nuit tombe vite...
Alors j'ai pensé à Mickaël, Pierre, Christian et les autres, et je me suis dit que j'avais de la chance...
Bref, pourquoi Eric Bayle ? Une interview de Cudmore pour Halloween, un sujet sur la sensibilité digitale de Roro, des réductions à Royatonic ? Rien de tout cela :
- Bonjour Verne Cotteur, c'est Eric Baïlle de Canal + (J'ai souligné les syllabes à accentuer pour que vous l'ayez bien en tête).
- Bonjour Eric, que puis-je pour vous ?
- Pour être franc avec vous, Vern, ça ne va pas du tout.
- Ah ?
- Oui. En fait, le problème, c'est votre club. Il n'est pas du tout télégénique.
- Euh, pourtant je ne mets plus de bonnet ?
- Non c'est pas ça, encore, vous, vous êtes très bien : pas un sourire, vous faites peur aux enfants, on arrive toujours à gloser là-dessus. Un mec qui tire la tronche, c'est spectaculaire.
- C'est à cause de Jamie alors : il ne donne pas une bonne image du rugby...
- Au contraire, il est super : un mec comme lui justifie à lui seul les 43 caméras autour du terrain, les 87 ralentis par matches, les stats à la con sur le nombre de cartons jaunes reçus en carrière, sans parler des dix minutes par retransmission qu'on passe sur le cas du bad boy canadien, du canuck en colère, du bucheron de Toronto, du frère de "La Chose" et j'en passe et des meilleures, bref, un vrai régal ! Non, le problème c'est tout le reste...
- C'est à dire ?
- Ben... Des supporters toujours impeccables et sympas qui soutiennent leur équipe envers et contre tout, qui ne sifflent pas sur les pénalités, qui se déplacent en nombre à l'étranger... Un président discret mais efficace, un manager maniaque de l'intimisme et de la modération, des joueurs remarquables de proximité et très corrects sur le terrain qui ne trébuchent jamais sur une table de nuit ou qui ne harcèlent pas les femmes de chambre...
- Tout de même, ils ont mangé de la peau de poulet l'autre jour !
- Oui, c'est exactement ce que je veux dire : la terreur de l'équipe fait une psychothérapie et écrit des lettres d'excuses, après avoir été suspendu à titre provisoire par le club. On est dans du grand n'importe quoi ! Vous êtes en train de tuer le business !
- Je ne comprends pas : on a une stratégie de développement, on se structure remarquablement, l'assise du club ne cesse de croitre : le business marche à donf. On a même réussi à ouvrir un restaurant pour gogos dans les tribunes !
- Mais justement ! Votre business, pas le nôtre ! Comment voulez-vous qu'on fasse du bon journalisme si vous avez des infrastructures exceptionnelles, si le centre de formation sort des Fofana et des Buttin tous les ans, si vous êtes réguliers au plus haut niveau sur le long terme, sans pression du résultat et avec une communication neutre et responsable ! Vous allez nous foutre sur la paille, oui !
- Mais enfin, c'est ça le professionnalisme !
- Pas du tout ! Le professionnalisme, ce sont des clubs qui changent de manager en cours d'année et qui recrutent, pour le remplacer, leur ennemi juré, des clubs qui font appel à des repreneurs douteux, qui mettent en minorité leurs présidents historiques, des clubs glamour de la grande banlieue parisienne à fort potentiel de développement sur les 15 - 34 ans, ce sont des transferts de stars, des déclarations fracassantes à l'emporte pièce, des analyses dont la validité ne dépasse pas l'intervalle entre deux matches, des interviews limitées à 200 mots de français de Djôni Ouilekinnesonne, des voiturettes de golf à contre sens sur l'autoroute et des coming out !
- Ouais d'accord, mais bon, ici c'est Clermont-Ferrand : l'Auvergnat est d'un naturel discret et travailleur qui déteste faire étalage de sa réussite.
- C'est bien ce qu'on vous reproche. Si je viens à Clermont, sur quoi je vais faire mon pitch ? L'eau pure des volcans d'Auvergne, le bon air des montagnes, la partie de pêche de Julien Bonnaire, un club stable qui progresse dans la durée et l'humilité ? On ne pourrait même pas faire un blog sur vous... Non, ce que veulent les gens, c'est du Byron Kelleher qui fait le haka bourré après avoir falsifié quelques contrats de joueurs, c'est de la starlette sud-américaine ou tatouée blessée un match sur deux au talent sur-exploité mais qui passe bien à la télé, c'est du poilu vindicatif et du teigneux paranoïaque, c'est des seins qui pointent et qui ballotent au Stade de France. Vous, vous avez le charisme d'un deuxième ligne georgien et l'impact marketing de la sélection du Tonga.
- Ok, mais à Toulouse, il font un peu pareil, non ?
- Mais mon cher Vern, vous ne jouez pas encore dans la même catégorie ! Avec le Stade, on peut en faire des caisses sur le jeu à la toulousaine, sur l'immensité et la classe de Jauzion ou Dusautoir, sur les stars qu'ils recrutent, sur cette incroyable permanence au plus haut niveau, et puis, et puis, Guy Novès, quel client tout de même !
- Bon et alors ?
- Alors vous allez me mettre un peu de people et un peu de vaseline dans tout ça ! J'ai fait appel à la rédaction chargée du football pour vous trouver quelques prostituées mineures pour votre prochaine troisième mi-temps et j'ai donné votre numéro de téléphone à Christophe Dugarry pour qu'il mette un peu la pression sur votre président. Éventuellement, si vous pouviez perdre quatre ou cinq matches consécutifs qu'on puisse faire un sujet sur la crise à Clermont, ce serait parfait ! Allez, je vous laisse, j'ai un sujet à terminer sur le coiffeur de Sébastien Chabal.
Et il a raccroché...
A ce moment là, Julien Bonnaire a frappé à ma porte.
- Coach, je pourrai quitter l'entraînement plus tôt aujourd'hui ? J'emmène mes enfants à la vallée de Chaudefour et la nuit tombe vite...
Alors j'ai pensé à Mickaël, Pierre, Christian et les autres, et je me suis dit que j'avais de la chance...
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