Saint Pierre-Villepreux (en chasuble d'entraînement argentée avec un ballon blanc immaculé sous le bras) : Vern, sois le bienvenu. Dans les circonstances actuelles, je n'oserais pas te dire que cela me fait plaisir de te voir, mais tout de même, cela me rappelle de bons souvenirs...
Moi : Bonjour Pierre. Je suis où là ?
Saint Pierre-Villepreux (d'une voix douce) : Au Paradis, Vern. Au Paradis Ovalie... L'endroit où c'est tous les jours dimanche de matches, le Nirvana de l'analyse situationnelle, le Walhalla de la chistera et du cadrage-débord, l'Acmé de la passe vissée double sautée au cordeau, le jardin des Hespérides de la troisième mi-temps...
Moi : Alors, je suis mort ?
Saint Pierre-Villepreux : Et oui, Vern, le ballon a cessé de rebondir capricieusement... Mais suis moi, quelqu'un t'attend.
Nous entrâmes dans un grand jardin arboré. J'entrapercevais, dans une belle campagne verdoyante et vallonnée, des terrains de rugby à perte de vue. Cela me rappelait la Nouvelle Zélande, comme si l'on avait juxtaposé des centaines de stades de Rotorua.
Saint Pierre-Villepreux (se retournant vers moi) : C'est beau, hein ?
Moi : Oui. C'est comme un rêve d'écolier de rugby...
Soudain, Maître Guy apparut, souriant comme le soir du Brennus 2011. Sacré Guy ! Il se débrouille toujours pour être en avance sur moi... On aurait dit Obi Wan Kenobi, mais avec une barbe blanche et une auréole ovale au-dessus de la tête. Il tenait une composition d'équipe à la main.
Maître Guy : Bonjour, Vern. Sois le bienvenu au Paradis Ovalie. Ici, plus de doublon, plus de calendrier. Du rugby pur, et total, sans contrainte... Pour l'éternité...
Moi : Guy, quel bonheur de te retrouver ! Mais cette barbe, cette ovaléole... C'est toi le patron ici ?
Maître Guy : Non non ! Mes aventures terrestres me valent bien quelques égards ici haut, mais le Boss, le vrai, c'est William Webb... Je te le présenterai... Tu viens ? Comme tous les jours, on joue. Je vais enfin pouvoir améliorer mon pourcentage de victoire contre toi ! Tu sais, j'ai l'éternité pour percer les secrets de ton système de jeu !
Et il m'entraîna sous le regard amusé de Saint Pierre-Villepreux. Nous jouâmes et entraînâmes pendant un temps indéfini. Je ne ressentais plus ni l'âge, ni la fatigue, aucune lassitude, aucune frustration, plus rien qu'une immense sérénité, un bonheur simple de jouer, d'entraîner et de regarder jouer. Pour fêter mon arrivée, Guy avait organisé un match entre les plus grands joueurs français et les Blacks les plus mythiques qui avaient définitivement rejoint le banc des remplaçants...
Le match fut titanesque. Il dura des siècles et des siècles. Un combat de géants, un empoignade héroïque, une geste magnifique. Le score final fut de 23657 à 23658, et je ne me souviens plus du vainqueur... Ce dont je me souviens, entre les fulgurances des uns et des autres, c'est qu'aucune pénalité ne fut tentée... Roger Couderc commentait le match et je l'ai vu pleurer de joie en chantant la Marseillaise...
Puis, lorsque nous fumes repus et rompus, et que nous décidâmes de nous retrouver, nous nous retirâmes sur une colline dominant les terrains et nous contemplâmes le paysage baigné de chaude lumière jaune, sirotant un Cigalou et degustant un thon que nous étions partis pêcher...
Maître Guy : Je t'emmènerai chasser. Tu verras, le gibier abonde. Alors, Vern, quelles sont les nouvelles d'en-bas ?
Moi : Oh, tu sais, je me suis retiré des voitures lorsque j'ai gagné la coupe du monde avec les Blacks... Le rugby a bien changé depuis... Les passages à vide sont autorisés, les écrans également, on ne pousse plus en mêlée, tous les joueurs se ressemblent...
Maître Guy : Et ouais... C'était le bon temps... Tu te souviens, quand on se tirait la bourre pour le Brennus ? On n'était pas mauvais tout de même, quand on voit ce qu'on arrivait à faire avec nos équipes "B"...
Moi : C'est sûr... C'était avant que tu ne réalises le doublé...
Maître Guy : Et avant que tu ne rapportes la HCUP place de Jaude...
Silence.
Moi : Toujours aussi bon ce... ce....
Maître Guy : Le Cigalou ! Et ici, on peut en boire sans modération, car il n'enivre pas...
Soudain, j'entendis des éclats de voix qui troublaient cette ambiance idyllique.
Maître Guy : Ce n'est rien, Vern. C'est Albert Ferrasse qui s'engueule avec Mourad Boudjellal sur l'avenir du rugby... Ils sont incorrigibles ces deux là... Et je te raconte pas quand Jacques Fouroux croise André Boniface...
Rappelons-le, le doublé est impossible.
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