lundi 16 avril 2012

AS Mes Excuses

Après le match samedi dernier, René s'est approché du président Savare, le front bas et la mine dépitée. Il était suivi de deux Sikh en costumes traditionnels qui portaient de volumineux paquets enveloppés de larges rubans et de voiles en soie. Autour d'eux, les meilleures pleureuses de la région déchiraient leurs amples vêtements en hurlant à la mort, leurs visages défigurés par une douleur qu'on aurait crue non feinte.

René mit un genou et une main à terre devant Thomas Savare, et se frappa le cœur avec son poing disponible :

- Au nom de l'association sportive montferrandaise Clermont-Auvergne et en vertu des valeurs qui animent le club et tous ses supporters, je tenais – il réprima un sanglot – je tenais à exprimer mes plus sincères excuses quant au comportement déplacé de la tribune Philiponeau...
Jean-Marc l'interrompit :
- Ph'liponneau, René, Ph'liponneau !
- Hein ? Quoi ?
- La tribune : « Ph'liponneau » !
- Ah ! Oui ! Où en étais-je ? Bref ! Sachez que tous les abonnements de cette tribune ont été suspendus à ce jour et qu'une enquête de la police judiciaire est en cours – je m'en suis assuré personnellement auprès d'un ancien ministre de l'intérieur qui assiste régulièrement aux rencontres du club...
René désigna alors les Sikh :
- En gage d'amitié et de bonne foi, je vous prie, cher Président, d'accepter ces modestes présents en espérant qu'ils apaisent votre douleur et votre colère. J'implore votre pardon pour ces exactions, d'autant plus insupportables et inacceptables que tout bon Bougnat qui se respecte est un jour amené à monter à la capitale pour tenir débit de boissons, embrasser la carrière de consultant ou devenir président de la République. Sachez en tout cas que cela ne se reproduira plus jamais, non plus jamais !
René s'effondra et se roula par terre dans un mouvement épileptique digne des meilleurs Alien. Les pleureuses redoublèrent de chagrin. Les Sikh s'avancèrent et dévoilèrent cérémonieusement deux lots de pneus Michelin Pilot Super Sports, "conçus pour assurer la sécurité, même dans les conditions les plus extrêmes".
René interrompit son cinéma un instant pour ajouter :
- Ce sont ceux qui équipent la voiture de M. Berdos...
Puis il repartit de plus belle, accompagné par les Sikh qui poussèrent de hauts cris, firent trois tours sur eux-mêmes avant de s'immoler avec les kirpan qu'ils portaient à la ceinture. Jean-Marc me dit alors à l'oreille :
- Heureusement que ça n'arrive pas souvent, parce que ça nous coûterait cher en pneus... Les Sikh, c'est moins grave, ils croient à la réincarnation...

* * *

Alors que les Parisiens s'en retournaient les valises pleines, j'entendis la conversation entre Thomas Savare et son staff :

T Savare :
- J'ai rien compris...
M Cheikha :
- Pendant le match, des mecs à nous ont gueulé : « Mais ils sont là les Parisiens ! » quand on les a enfoncés en mêlée. Forcément, à la fin du match, les Jaunards ont chanté : « Mais ils sont où les Parisiens ? », et à 18 000 contre 200, forcément, ça s'entend plus...
M Ledesma :
- Laisse tomber, patron. Moi-même, après six ans de boutique, j'avais toujours du mal à les comprendre...

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