How I Got High

Tout à l'heure, à la cafétéria, pendant la pause méridienne, je déjeunais seul, tentant de ne pas céder à l'engouement général, le dos tourné à la cloison amovible qui isole le coin des joueurs de celui du staff. J'entendis s'installer derrière cette séparation plus symbolique que physique Jean-Marcellin, Noa et Le Tube, trois parmi mes espoirs élevés au grain. J'écoutais distraitement leur conversation, à peu près sûr qu'ils ne savaient pas que j'étais caché d'eux, quelques centimètres plus loin.

Le Tube : Putain, je me suis fait un de ces trips, ce week end, à Londres... Une balle !

Noa : Ah ouais ?

Le Tube : Hoo ouais... De la sud-africaine des hauts plateaux du Transvaal. Je te raconte pas l'hallu... J'avais l'impression de planer aussi haut qu'une chandelle de Beauxis... Et après, une drôle d'impression : à la fois mâché mais super bien, toujours high...

Jim : Ch'suis vert... Vern a pas voulu que j'y touche...

Le Tube : En plus, une qualité extra pour un atterrissage en douceur... Pas comme ce mauvais retour d'acide que j'avais eu après le grand chelem en 2010...

Jim : C'est vrai que, vu de l'extérieur, t'avais l'air hyper bien, tu vois, à la fois cool mais concentré...

Noa : Le bon trip, quoi... Ça me rappelle celui que je me suis fait avec les mecs du Racing.

Le Tube : Ah non mais là, c'est incomparable ! Tu peux pas mettre sur le même plan le truc qu'on a pris dimanche à Watford et celui qu'on nous donne tous les samedis à domicile... On s'est fait un espèce de délire collectif, on s'est mis à plaquer comme des fous, comme ça, pour rien, et on y prenait un plaisir dingue ! C'était complètement kaléidoscopique : je voyais du jaune, du bleu, un peu de rouge et de noir, aussi. A un moment, j'ai même entendu la Marseillaise...

Noa : Ah ouais, quand même...

Jim : Rado s'en est fait un p'tit fixe, rapide, une micro dose, il m'a dit que ça s'approchait de son meilleur kif...

Le Tube : Mais je crois que celui qui est le plus parti, c'est Brock...

Jim : Ah ouais, oh la la ! Un truc de ouf ! Il est parti en vrille totale, au contraire de David, qui a été few du début à la fin, le pauvre.

Noa : Il paraît qu'il y a des mecs qui font des réactions à la schnouf, comme ça...

Jim : Pourtant, lui, c'est un gros consommateur...

Le Tube : Bof, il repartira le prochain coup...

Jim : Et Roro aussi, il a fait un trip de malade. Il se jetait partout en gueulant : « Je suis Vercingétorix ! Gergovie ! Gergovie ! ». Ça me rappelait la finale 2010...

Tous ensemble : Ouaf ouaf ouaf ! Complètement psyché le mec !

Le Tube : C'est comme Morgan : il faisait exprès de se casser la gueule pour ajouter de l'effet de vertige.

Jim : Par contre, je me méfie de Davit. J'ai l'impression qu'il l'a un peu mauvaise...

Le Tube : Bof... Faut le laisser tout seul dans son trip. Si on ne l'embête pas, il te laisse tranquille...

Noa : En tout cas, il y en a eu pour tout le monde...

Jim : Oh ouais ! Autour de nous, y'en avait pas un qui était pas stone ! Les mecs chantaient, hurlaient : « On est chez nous ! ». J'te jure, les Anglais nous ont raconté qu'ils n'avaient pas vu ça depuis le concert de Hendrix à l'île de Wight...

Noa : Mais il paraît qu'il va y avoir un gros arrivage à la fin du mois.

Jim (sérieux) : Ouaip ! De l'Irlandaise. Il faut être costaud pour s'envoyer ça...

Le Tube : J'en ai déjà pris. Mais celle-là, elle est spécialement raffinée selon une méthode élaborée en Nouvelle Zélande...

Noa : Dans le triangle d'or ?

Le Tube : Exactement. C'est Nathan qui me l'a dit. Il en prenait régulièrement. Il n'a même pas voulu me raconter tellement c'était chan-mé.

Jim : Pfiou ! Quand les Ashram de Taranaki rencontrent les lutins des landes celtiques, ça peut t'emmener très loin...

Noa : Certains disent que c'est la meilleure d'Europe. Encore meilleure que la Toulousaine...

Le Tube : Ouais, mais Vern et Franck sont en train de t'en concocter une à base de gentiane et de caoutchouc dans les laboratoires secrets du club. A côté de ça, Jonah Lomu, c'est un nain de jardin dans le cratère du Pariou...

Jim : Ouais, mais moi, ce qui m'inquiète, c'est c'te camelote qu'on va nous redonner le week end prochain...

Le Tube : Qu'est-ce que tu veux... On peut pas s'envoyer en l'air comme ça toutes les semaines, ce serait trop dangereux... Ça déclencherait des émeutes, les maternités de la région seraient en surchauffe et on serait en pénurie permanente de bière...

Noa : En tout cas, moi j'veux continuer à consommer de la bonne.

Jim et Le Tube : T'as raison ! Le mauvais trip, il ne passera pas par nous ! ¡ No pasaran !