Vous l'avez tous remarqué, aucun conte de fées ne s'est produit ce week end : Biarritz ne s'est pas qualifié à la faveur d'un concours de circonstances somme toute assez probable, Clermont ne recevra pas en quart de finale, en dépit d'une excellente partie de Trévise qui méritait certainement mieux que le BD, et notamment un essai refusé qui me semblait bien valable... Je ne considère pas l'heureux dénouement pour Toulouse comme un conte de fées, car, dans un conte de fées, c'est le petit poucet, et non l'ogre, qui s'en sort à la fin...
En fait, tout cela, et depuis le début, était écrit. Je vais vous révéler comment cela s'est passé.
Nous (tous les entraîneurs des équipes engagées) avons été convoqués pour un entretien à l'ERC. J'avais pris l'habitude de ne plus aller à ce genre de choses, mais, ni Steve Hansen ni Nick Mallet ne faisant partie des potentiels impétrants, je me suis dis que j'avais une chance...
On nous a réunis dans une grande salle, et demandé d'attendre. En fait, on n'était pas tous dans la même salle. Dans le salon VIP, étaient confortablement installés Joe Schmidt, Tony Mc Gahan, Gareth Baber et Richard Cockerill, sirotant du champagne en plaisantant. Patrice Lagisquet a fini par les rejoindre, après avoir longuement parlementé avec les physionomistes. Finalement, Jean-Pierre Lux est intervenu et il a pu rentrer. Enfin, Maître Guy est arrivé tout essouflé et l'air encore plus hirsute que d'habitude. Il s'est arrêté à côté de moi pour reprendre son souffle et m'a expliqué :
- Putaing, une histoire de fou. La porte de l'avion s'est ouverte en plein vol à la suite d'une maladresse de Clément Poitrenaud ! Les pilotes, d'anciens bérets verts slovaques, se sont éjectés en parachutes. Les mecs se sont mis à paniquer : on se serait cru contre les WASPS en 1996... Jean-Marc Doussain hurlait : "Je ne veux pas être le nouveau Duncan Edwards !". Heureusement, Titi Dusautoir a repris les commandes et nous a posés, en douceur, sur l'aérodrome de Galway. Là, Vincent Clerc a fait un truc sur twitter, et un airbus A580 est venu nous chercher spécialement de Toulouse, et me voila...
A ce moment-là, une ravissante hôtesse dans un tailleur verdâtre aussi nauséeux qu'un supporter après quelques pintes de bière hollandaise s'est approchée de mon ami et, d'une voix douce :
- Monsieur Novès, vous êtes attendus au carré VIP.
Je me disais, en le voyant s'éloigner, que c'était certainement ça, les grands clubs. Car si une histoire pareille nous était arrivée, certes, Jubon aurait posé l'avion, ou Brock l'aurait empêché de s'écraser par télépathie, mais, certainement, Jean-Marc serait revenu me voir tout content en me disant qu'il avait reçu une proposition de Costa Croisières pour terminer le voyage...
Pour en revenir à mon histoire, je me trouvais dans une salle d'attente à moitié confortable, un endroit indéfinissable, entre deux mondes, où l'on se réjouit de ce que l'on a eu égard à ceux qui sont moins bien lotis, tout en enviant ceux qui sont plus avantagés, et qui sentait la sueur et l'inquiétude. Bref, une allégorie de la classe moyenne. Martin Haag et Dorian West transpiraient à grosses gouttes, se passant régulièrement un mouchoir sur leurs nuques rougeâtres et poilues de premières lignes. Conor O'Shea n'était visiblement pas dans son assiette. Jon Humphries avait décidé de ne pas venir. D'ailleurs, son équipe n'est pas venue jouer le week end dernier... Quant à Mike Catt et Justin Bishop, ils faisaient semblant de rien, espérant qu'on ne les remarque pas...
Ensuite, un bus est arrivé : visiblement, la clim ne fonctionnait pas et on aurait dit qu'il venait de terminer le Paris - Dakar. Brian McLaughlin en déscendit pourtant tout sourire : il était un peu amoché, mais visiblement, il avait les clés du camion et avait conduit tout son monde à bon port. Tout le monde ou presque... Si Michael Bradley et Andy Farrel descendirent à leur tour, frais comme des Bayonnais après un match contre Rovigo, Sean Lineen (who ?), Bryan Redpath et Nigel Davies, le remplaçant de Phil, qui suivaient en courant le bus en faisant de grands gestes parvinrent à destination un peu moins alertes...
Pour couronner le tout, une bétaillère se gara devant le siège l'ERC. Le chauffeur, air négligé-clope au bec-j'en-ai-rien-à foutre-de-vos-conneries-moi-j'travaille, vint trouver le concierge de l'ERC qui était de toute façon sorti pour lui demander de garer sa poubelle ailleurs, qu'ici c'était une maison respectable, etc... C'était cependant la bonne adresse : les portes s'ouvrirent et un spectacle peu appétissant vit se déverser sur le bitume dublinois une masse informe d'entraîneurs barbouillés de fange, parmi lesquels je reconnus avec peine les deux Lolo, Pierre Berbizier et Fabien Galthié. Ce dernier s'indigna en se relevant, menaçant l'ERC du poing, et déclarant :
- J'ai failli être entraîneur du XV de France, moi ! Et j'ai failli battre Toulouse et le Leinster, moi ! Si j'avais su, je serais venu en scooter...
Pierre Berbizier s'épousseta et se remit sur pied, impassible. L'habitude, certainement... Il grommelait, regardant ses pieds, insensible à ce qui l'entourait :
- Je ferme le jeu, ça marche pas... J'envoie du jeu, ça marche pas...
Les coaches italiens aidèrent les autres et ôtèrent, avant de nous rejoindre, la combinaison intégrale made in Fukushima qu'ils avaient eu la bonne idée de revêtir. Ils nous regardèrent comme Marcello Mastroiani lorsqu'il s'excuse :
- Ma, c'est normal... Come al solito...
Billy Millard, quant à lui, leva la tête pour admirer l'édifice :
- Ouah ! C'est la première fois, crénom, que j'viens à la capitale ! C't'encore pu grrrrand qu'j'aurais pu l'dire...
Lorsque il fut établi que tout le monde était arrivé, les entretiens commencèrent. Joe et Tony passèrent en premier. Cela ne dura pas très longtemps, une formalité... Quant il sortit, Joe vint nous demander, à Andy et moi, des adresses de bons hôtels. Tony avait l'air un peu plus contrarié lorsqu'il fut obligé de serrer la main de Brian...
Lorsque Maître Guy sortit, il avait l'air soulagé :
- Pfff... Quel week end... J'avais déjà commencé à visionner les matches du Munster, puis des Sarries, puis ceux de Cardiff. Honnêtement, j'étais pas rassuré... Finalement, comme je suis un employé méritant, il m'ont proposé Édimbourg contre l'ensemble de la campagne à l'extérieur. Ça me paraît fair-play, alors j'ai accepté...
Mon tour est enfin venu. On m'a fait signe de m'asseoir en face de plusieurs personnes réunies en U autour d'une table. Jean-Pierre Lux présidait le jury, mais il était très entouré et ne semblait pas très à l'aise. Comme personne, à part lui, ne parlait français, l'entretien s'est déroulé en anglais, ce qui fait qu'il n'a pipé mot. J'ai eu "Encouragements, peu mieux faire - n'exploite pas encore tout son potentiel". Ils m'ont dit :
- Recevoir en quart, c'est encore un peu tôt pour vous. Mais, si vous faites un exploit à Londres, alors vous aurez mérité une demi à la maison...
La personne qui m'a dit ça, à droite de Jean-Pierre Lux, a refermé mon dossier et a ajouté, avant que je ne quitte la salle :
- Vous avez encore deux ans à l'ASM... Et puis, une HCUP, c'est toujours mieux avant de prendre les All Blacks...
Lorsque je suis sorti, je suis repassé devant le carré VIP et je me suis demandé quand mon tour viendrait...
Nous (tous les entraîneurs des équipes engagées) avons été convoqués pour un entretien à l'ERC. J'avais pris l'habitude de ne plus aller à ce genre de choses, mais, ni Steve Hansen ni Nick Mallet ne faisant partie des potentiels impétrants, je me suis dis que j'avais une chance...
On nous a réunis dans une grande salle, et demandé d'attendre. En fait, on n'était pas tous dans la même salle. Dans le salon VIP, étaient confortablement installés Joe Schmidt, Tony Mc Gahan, Gareth Baber et Richard Cockerill, sirotant du champagne en plaisantant. Patrice Lagisquet a fini par les rejoindre, après avoir longuement parlementé avec les physionomistes. Finalement, Jean-Pierre Lux est intervenu et il a pu rentrer. Enfin, Maître Guy est arrivé tout essouflé et l'air encore plus hirsute que d'habitude. Il s'est arrêté à côté de moi pour reprendre son souffle et m'a expliqué :
- Putaing, une histoire de fou. La porte de l'avion s'est ouverte en plein vol à la suite d'une maladresse de Clément Poitrenaud ! Les pilotes, d'anciens bérets verts slovaques, se sont éjectés en parachutes. Les mecs se sont mis à paniquer : on se serait cru contre les WASPS en 1996... Jean-Marc Doussain hurlait : "Je ne veux pas être le nouveau Duncan Edwards !". Heureusement, Titi Dusautoir a repris les commandes et nous a posés, en douceur, sur l'aérodrome de Galway. Là, Vincent Clerc a fait un truc sur twitter, et un airbus A580 est venu nous chercher spécialement de Toulouse, et me voila...
A ce moment-là, une ravissante hôtesse dans un tailleur verdâtre aussi nauséeux qu'un supporter après quelques pintes de bière hollandaise s'est approchée de mon ami et, d'une voix douce :
- Monsieur Novès, vous êtes attendus au carré VIP.
Je me disais, en le voyant s'éloigner, que c'était certainement ça, les grands clubs. Car si une histoire pareille nous était arrivée, certes, Jubon aurait posé l'avion, ou Brock l'aurait empêché de s'écraser par télépathie, mais, certainement, Jean-Marc serait revenu me voir tout content en me disant qu'il avait reçu une proposition de Costa Croisières pour terminer le voyage...
Pour en revenir à mon histoire, je me trouvais dans une salle d'attente à moitié confortable, un endroit indéfinissable, entre deux mondes, où l'on se réjouit de ce que l'on a eu égard à ceux qui sont moins bien lotis, tout en enviant ceux qui sont plus avantagés, et qui sentait la sueur et l'inquiétude. Bref, une allégorie de la classe moyenne. Martin Haag et Dorian West transpiraient à grosses gouttes, se passant régulièrement un mouchoir sur leurs nuques rougeâtres et poilues de premières lignes. Conor O'Shea n'était visiblement pas dans son assiette. Jon Humphries avait décidé de ne pas venir. D'ailleurs, son équipe n'est pas venue jouer le week end dernier... Quant à Mike Catt et Justin Bishop, ils faisaient semblant de rien, espérant qu'on ne les remarque pas...
Ensuite, un bus est arrivé : visiblement, la clim ne fonctionnait pas et on aurait dit qu'il venait de terminer le Paris - Dakar. Brian McLaughlin en déscendit pourtant tout sourire : il était un peu amoché, mais visiblement, il avait les clés du camion et avait conduit tout son monde à bon port. Tout le monde ou presque... Si Michael Bradley et Andy Farrel descendirent à leur tour, frais comme des Bayonnais après un match contre Rovigo, Sean Lineen (who ?), Bryan Redpath et Nigel Davies, le remplaçant de Phil, qui suivaient en courant le bus en faisant de grands gestes parvinrent à destination un peu moins alertes...
Pour couronner le tout, une bétaillère se gara devant le siège l'ERC. Le chauffeur, air négligé-clope au bec-j'en-ai-rien-à foutre-de-vos-conneries-moi-j'travaille, vint trouver le concierge de l'ERC qui était de toute façon sorti pour lui demander de garer sa poubelle ailleurs, qu'ici c'était une maison respectable, etc... C'était cependant la bonne adresse : les portes s'ouvrirent et un spectacle peu appétissant vit se déverser sur le bitume dublinois une masse informe d'entraîneurs barbouillés de fange, parmi lesquels je reconnus avec peine les deux Lolo, Pierre Berbizier et Fabien Galthié. Ce dernier s'indigna en se relevant, menaçant l'ERC du poing, et déclarant :
- J'ai failli être entraîneur du XV de France, moi ! Et j'ai failli battre Toulouse et le Leinster, moi ! Si j'avais su, je serais venu en scooter...
Pierre Berbizier s'épousseta et se remit sur pied, impassible. L'habitude, certainement... Il grommelait, regardant ses pieds, insensible à ce qui l'entourait :
- Je ferme le jeu, ça marche pas... J'envoie du jeu, ça marche pas...
Les coaches italiens aidèrent les autres et ôtèrent, avant de nous rejoindre, la combinaison intégrale made in Fukushima qu'ils avaient eu la bonne idée de revêtir. Ils nous regardèrent comme Marcello Mastroiani lorsqu'il s'excuse :
- Ma, c'est normal... Come al solito...
Billy Millard, quant à lui, leva la tête pour admirer l'édifice :
- Ouah ! C'est la première fois, crénom, que j'viens à la capitale ! C't'encore pu grrrrand qu'j'aurais pu l'dire...
Lorsque il fut établi que tout le monde était arrivé, les entretiens commencèrent. Joe et Tony passèrent en premier. Cela ne dura pas très longtemps, une formalité... Quant il sortit, Joe vint nous demander, à Andy et moi, des adresses de bons hôtels. Tony avait l'air un peu plus contrarié lorsqu'il fut obligé de serrer la main de Brian...
Lorsque Maître Guy sortit, il avait l'air soulagé :
- Pfff... Quel week end... J'avais déjà commencé à visionner les matches du Munster, puis des Sarries, puis ceux de Cardiff. Honnêtement, j'étais pas rassuré... Finalement, comme je suis un employé méritant, il m'ont proposé Édimbourg contre l'ensemble de la campagne à l'extérieur. Ça me paraît fair-play, alors j'ai accepté...
Mon tour est enfin venu. On m'a fait signe de m'asseoir en face de plusieurs personnes réunies en U autour d'une table. Jean-Pierre Lux présidait le jury, mais il était très entouré et ne semblait pas très à l'aise. Comme personne, à part lui, ne parlait français, l'entretien s'est déroulé en anglais, ce qui fait qu'il n'a pipé mot. J'ai eu "Encouragements, peu mieux faire - n'exploite pas encore tout son potentiel". Ils m'ont dit :
- Recevoir en quart, c'est encore un peu tôt pour vous. Mais, si vous faites un exploit à Londres, alors vous aurez mérité une demi à la maison...
La personne qui m'a dit ça, à droite de Jean-Pierre Lux, a refermé mon dossier et a ajouté, avant que je ne quitte la salle :
- Vous avez encore deux ans à l'ASM... Et puis, une HCUP, c'est toujours mieux avant de prendre les All Blacks...
Lorsque je suis sorti, je suis repassé devant le carré VIP et je me suis demandé quand mon tour viendrait...
Vern... Ca sent la (grosse) Commission de Discipline ... Ils vont vous accuser de salir délibérément l'image du Rugby. Retirez ce post, il est encore temps. Vous allez être accusé, comme Marie Antoinette, de trahison, d'avoir dilapidé le budget de la France en banquets et toilettes, d'être une mauvaise mère et une femme immorale et vous allez finir, avec Mourad, sur la place de la Révolution à Paris.
RépondreSupprimerEn fait, ce n'est pas une charge contre l'ERC. Plutôt une manière, certes un peu outrée (mais pas de plaisir sans transgression...), de rendre compte de la difficulté de cette compétition.
RépondreSupprimerc'est vrai que poitrenaud a encore fait une petite boulette (franchement faudrait qu'il arrête de flipper quoi, il a du talent, mais il se pourri tout seul avec ses poitrenades) Mais la palme revient à matanavou cette fois, chapeau, respect l'artiste et tutti quanti.
RépondreSupprimerSinon c'est bien tournée, comme à l'image du dernier recit mettant en parallèle les souci d'une fille avec un garçon et "vos" soucis avec la hcup :)
En tout cas, j'ai appris plein de noms de managers... Sinon, Toulouse a le cul bordé de nouilles (la chance des champions ?). Mais c'est sympa de recroiser J. Smit...
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