jeudi 5 janvier 2012

La liste

Elle était affichée, comme une pub de ciné, punaisée au tableau, wohohoho...
Elle rêvait qu'elle tournait, comme pour un bout d'essai, à la rugby world cup, wohohoho...

Elle n'en avait pas assez, la liste de Saint André, l'Eden Park est dans sa tête, toute seule elle s'répète...

Et Guytou n'en pouvait plus, car en plus des doublons, relégué dans son frigo, Fritz était de trop...


Edouard Michel 1 - La liste couleur gigot - haricot

La liste était punaisée sur la porte du vestiaire. Un attroupement de joueurs s'était formé autour. Vincent Debaty demandait à Jamie de le frapper pour vérifier qu'il ne rêvait pas. Benji, apprenant la non sélection de Florian Fritz et les antécédents familiaux du sélectionneur, partit initier une demande de changement de nom.
Un carrosse en livrée dorée, tiré par Wesley et Clément, s'arrêta devant le vestiaire. Roro, en marquis poudré, en descendit, accompagné du Merdeux, ou plutôt, de la Merdeuse, accoutré en demoiselle de compagnie, avec un éventail et une mouche sur la joue. Roro écarta les badauds de sa canne, jeta un œil suspicieux sur la liste en approchant un antique face-à-main de son nez, prit un air dégouté et soupira :
- Pfff... David...
Puis il remonta dans son carrosse, suivi de Morgane qui gloussait comme une jeune vierge, et lança, dédaigneux, à Wesley :
- A Marcoussis !
Julien Pierre et Jubon, découvrant leurs noms, se tapèrent dans la main en hurlant :
- Berjallia Power ! I will survive !
Puis ils sollicitèrent une minute de silence pour Nallet et Chabal.
Dans la foulée, le Zen me demanda de ne plus jouer jusqu'au tournoi pour ne pas se blesser.
Pour finir, Jean-Marc vint me trouver en me tendant son téléphone portable :
- C'est Bouscatel. Il veut que tu parles à Guy Novès qui est sur le toit du Stadium et qui menace de se suicider pour une vague histoire de doublons...

mercredi 4 janvier 2012

On nous en voeux...

La cérémonie des vœux a eu lieu aujourd'hui.
Je m'étais mis au fond, parce que je dois avouer que je ne suis pas un grand amateur de ce genre de joute et puis il fallait que je reste près du buffet pour surveiller ceux qui comptaient partir en terre promise avec quelques parts surnuméraires de galette des rois... J'apprécie en effet modérément ces scènes convenues ou tout le monde feint de s'intéresser aux autres en se souhaitant des choses (bonheur, félicité, prospérité...) dont on ignore jusqu'au sens même ou qu'on n'a jamais expérimentées parfois plus de quelques minutes. D'ailleurs, je n'envoie plus de cartes de vœux. J'en aurais bien écrit une à Steve Hansen, mais j'avais utilisé toute ma réserve d'anthrax pour John Kirwan...
La cérémonie des vœux, c'est un peu comme une fête des Inquiets. Il y a l'Inquiète de l'Organisation, en général l'attachée de presse, qui court partout parce qu'elle se rend compte que c'est mal organisé, justement, et que les journalistes ne sont pas à l'heure. Ensuite, il y a l'Inquiet en Chef, le président, qui est en train de se demander s'il va sortir ses notes pour son discours, écrit par l'Inquiète de l'Organisation, discours qu'il trouve nul de toute façon, mais bon, pas facile de faire original pour les vœux en 2012... Il regarde dans l'assistance, et s'aperçoit qu'il y a plein d'autres Inquiets en Second, ou en Troisième, qui lui tournent habituellement autour et dont un certain nombre a une tronche qui commence à ne plus lui revenir. Il s'inquiète de la présence des journalistes et s'aperçoit que le MIDOL n'est pas venu, ni la télé, et qu'il a encore fait Eygalières - Clermont en bagnole pour rien. Il s'inquiète aussi de voir qu'il y a tout ce monde au club alors qu'il cherche à réduire drastiquement la masse salariale, parce que Sivivatu et Byrne, c'est quand même pas donné...
Mais aujourd'hui, le club bruit d'une rumeur particulière.
On attend en effet le Grand Inquiet. Ils sont tous à en parler avec déférence et un soupçon de crainte dans la voix :
- Si, si, il va venir...
- Tu l'as déjà vu, toi ?
- Non, jamais...
- Moi je l'ai vu, une fois. Il m'a regardé...
- Non !?
Soudain, le silence se fait :
- Le voila !
Un aboyeur en livrée jaune et bleu, à l'entrée, annonce :
- Kim Jong Mich, Régent de la société en commandite par actions Michelin SA, Petit Père des Bibs et des Rugbymen !
Aussitôt, des enfants de l'école de rugby, en costumes traditionnels auvergnats, accourent avec des bouquets de fleurs. Le Puy de Dôme de la Pensée esquisse un sourire paternel, daigne se baisser, caresse quelques joues et accepte de bonne grâce un bouquet qu'il remet ensuite à l'un des nombreux membres de son aréopage (a priori, le directeur des Inquiets de la Performance Commerciale, si j'ai bien vu...). Il s'approche de l'assistance mi-inquiète, mi-admirative et serre quelques mains. L’Inquiet en Chef est à ses côtés, écrasant les pieds d'un Inquiet Co-Gérant et se poussant du coude pour être irradié de plus près par le Soleil de l'Auvergne. Légion d'honneur à poste, il présente les membres du club. Comme il ne les connaît pas, il donne des noms au hasard, mais comme les intéressés n'osent pas le détromper devant le Grand Inquiet et que, de toute façon, tout le monde s'en fout, ça passe...
On arrive vers les joueurs. L’Inquiet en Chef présente Roro. Le Grand Inquiet le coupe et dit :
- Ah ! Rougerie, le Cube !
Et il rit en se tournant vers ses Inquiets-Adjoints. Ceux-ci, dont la moitié n'a rien entendu parce qu'ils discutaient d'autres choses avec d'autres Inquiets, partent à leur tour d'un grand rire.
L'un deux, certainement parmi les plus anciens, se risque même à un :
- Monsieur le Régent, quel humour !
Le groupe poursuit sa tournée électorale, l'Inquiet en Chef confond Muri et Naï, mais sinon tout se passe bien. Devant Morgan Parra, le Grand Inquiet s'enquiert de la santé des enfants de l'Inquiet en Chef et, voyant Brock James, le félicite d'avoir sauvé l'Auvergne.
Enfin, ils s'approchent de moi. Le Grand Inquiet sourit :
- Vern Cotter, j'aime beaucoup votre blog... Avec vous, la communication du club ne peut que s'améliorer.
Un silence gêné s'ensuit. Certainement une information provenant d'une fiche d'un Inquiet Subalterne qui a du apprendre à rédiger pendant son stage à Rugbyrama...
L’Inquiet en Chef enchaîne et propose au Grand Inquiet de prendre la parole.
Le silence se fait à nouveau. Le Grand Inquiet monte sur l'estrade levée pour la circonstance. La légion d'honneur de l'Inquiet en Chef entre en incandescence. Le premier rang est trusté par l'aréopage des Inquiets du Conseil exécutif. L'inquiet Subalterne qui a rédigé la fiche sur Vern Cotter disparaît à jamais ou demande l'asile politique en Corée du Nord. Le Grand Inquiet regarde l'assistance et sourit, bienveillant, devant tous ces braves gens. Il va parler :
- Bon, eh bien, je crois qu'on s'est tout dit ? Nunc est Bibendum !
Les femmes s'évanouissent, les hommes tombent à genoux, les enfants chantent des cantiques. L’Inquiet en Chef hurle, le visage émacié par l'extase :
- Ite, Missa est !
Puis s'effondre, expirant...
Le Génie des Monts Dore, le Lac Pavin de la Connaissance, le Sancy du Pneumatique s'en va, laissant en suspend le souvenir diffus et improbable de sa présence céleste, et planer le doute sur une éventuelle prochaine apparition publique.
Je cherche un regard amical et compréhensif dans cette scène d'hystérie collective. Je vois Roro, très calme, qui s'approche de moi, son petit sourire en coin :
- Co-gérant de Michelin... Ça a l'air pas mal. Ou président... Je me demande si je ne vais pas me lancer dans la politique...

A suivre...

dimanche 1 janvier 2012

Mes bonnes solutions pour 2012

Je ne vais pas prendre de bonnes résolutions pour 2012. Évidemment, je pourrais m'en tenir à quelques unes, d'ailleurs assez simples :
- Gagner la HCUP,
- Gagner le Brennus,
- Ne pas me réjouir des faux pas de Steve Hansen.
Mais je ne vais pas le faire, cela pourrait me porter malheur.

Non, je vais plutôt vous livrer quelques propositions gratuites et qui n'engagent que moi sur le rugby que j'aimerais voir en 2012 :

S'agissant des règles, deux suggestions très simples pour augmenter le temps de jeu effectif :
  • Pénaliser TOUS les en-avants repris devant. Une fois que les joueurs qui auront commis un en-avant laisseront le ballon disponible pour le jeu, ou que leurs coéquipiers ne se jetteront pas dessus pour provoquer le coup de sifflet ou ne taperont plus dedans au pied, les contre attaques pourront se développer et, au passage, on économisera quelques mêlées effondrées...
  • Changer le barème des points : faire passer les pénalités à quatre points. Cela découragera les gestes d'antijeu ou les fautes dans les rucks. Dans le même temps, donner huit points pour un essai, mais ne récompenser la transformation que d'un seul point. De ce fait, deux pénalités vaudront toujours un point de plus qu'un essai non transformé.
S'agissant de l'organisation du championnat de France, une façon qui en vaut bien une autre de désengorger le calendrier :
  • Il ne faut pas se leurrer, ce n'est pas en jouant en été ou à cinquante-cinq joueurs qu'on allègera ce calendrier tendu comme un string. C'est en jouant moins de match. Dès lors, comment conserver la variété, la légitimité et l'intérêt de notre championnat, tout en diminuant la pression sur les clubs de l'élite (libérant ainsi un peu plus le jeu) ? Je propose de revenir à deux poules de dix équipes (dont les compositions seront déterminées selon les points gagnés pendant les quatre dernières saisons régulières). Les quatre premières de poules joueront de vraies phases finales jusqu'au Brennus. Chaque dernière de poule descendra en Pro D2. Si l'on y regarde de plus près, et d'après le spectacle moyen de chaque week-end, les six premiers de la Pro D2 auraient bien leur place en Top 14. On jouerait alors dix-huit journées de championnat au lieu de vingt-six : on retrouverait du temps pour l'équipe de France et le Tournoi des Six Nations et on s'épargnerait ces lamentables boxing days sous la pluie. On pourrait même imaginer un calendrier sans phase retour pour que toutes les équipes des deux poules se rencontrent pendant la saison régulière. Certes, il y aurait du manque à gagner pour les les clubs (moins de retransmissions, moins de matches à domicile), mais tant que l'année n'aura pas quatorze mois, on n'y arrivera jamais.

S'agissant de l'économie du rugby, quelques idées pour ne pas tomber dans les travers du football :
  • Maintenir les quotas pour les "JIFF" et obliger les clubs, à terme, à inclure, dans leur effectif professionnel, disons, un tiers de joueurs formés par le centre de formation. Le rugby est un sport de terroir : il en va de son identité, voire de son âme...
  • Limiter strictement les salaires par joueur, et non pas la masse salariale globale. On vit très bien (du moins je pense) avec dix-mille euros par mois en pratiquant son sport préféré et en profitant des avantages de la notoriété (sponsoring, publicité, réseau...).
  • Obliger la LNR, les clubs et Provale à financer un pôle de reconversion des joueurs de rugby, de manière à ne pas laisser sur le bord de la route ceux qui n'ont pas eu le talent ou la chance des plus courtisés, tout en inculquant aux "professionnels" qu'il y a une vie après le rugby. L'éducation (qui est bien plus que la formation) des rugbymen, la solidarité et l'assise économique du rugby ne pourraient qu'y gagner...

Bref, feindre de croire les Mayas, se préparer au pire dans un climat de crise économique majeure et se comporter selon les prescriptions de la raison : c'est le seul moyen de n'être pas déçu...

Le Blog de Vern en profite pour souhaiter à tous ses lecteurs une excellente année 2012, espérant vous retrouver nombreux sur ces pages.

vendredi 23 décembre 2011

Au bar des sports

J'aime bien me balader dans Clermont en prenant soin de n'être pas trop reconnaissable. Je mets mon bonnet, mes lunettes de soleil et je fréquente les bistrots, non pas pour entretenir ma dipsomanie, mais pour prendre le pouls de la ville. J'apprécie en particulier les bars de supporters. Cela me permet de n'être pas trop éloigné des préoccupations des tribunes. Après tout, c'est tout de même un peu pour vous qu'on fait tout cela...
J'entre donc dans le café. Un Pari Mutuel assez peu urbain, tout ce qu'il y a de plus classique. Il est trois heures de l'après midi. Le décor est infect : du vert fluorescent et du gris, un peu de bleu, le tout rehaussé par les nombreuses affiches pour les jeux de hasards et le turf. Dispersés dans l'établissement, des moniteurs diffusent une chaîne hippique qui fait croire que c'est l'amour du cheval qui motive ses téléspectateurs. Ceux qui ne connaissent pas la mixité sociale peuvent venir faire un tour ici. Une belle diversité ethnique peuple l'endroit. Ça me fait un peu penser au club, sauf que l'hygiène corporelle et dentaire rappelle plus les vestiaires de fins de matches que les publicités pour les sous-vêtements ou les cosmétiques avec lesquelles les joueurs arrondissent leurs fins de mois... Des piliers de bar déjà bien alcoolisés tiennent littéralement le comptoir. Le sol est jonché de tickets de paris. Ça discute assez ferme. Quelques chômeurs sirotent, pour le faire durer, un demi ou ce que vous appelez un "blanc-cass". Assis dans un coin, un prof alcoolique corrige ses copies avec un verre de blanc. Il semble regretter l'époque où l'on pouvait encore fumer car il porte fréquemment et nerveusement ses doigts à sa bouche. Un couple boit un café, chacun pianotant sur son téléphone sans vraiment faire attention à l'autre. Des lycéens boivent leurs premières bières en discutant bruyamment. Une bourgeoise égarée en manteau, attend un train, ou un homme, en rêvassant, le regard perdu à travers la vitrine. Ça entre et ça sort pour des cigarettes, un euro-millions ou des chewing-gum à la chlorophylle. La patronne tient la caisse et le patron essuie ses verres et son comptoir, impassible, en écoutant les délires éthyliques de ses meilleurs clients. Il doit avoir la tête farcie des lieux les plus communs de l'humanité et je frémis en imaginant son horizon intellectuel...
Je m'installe dans un coin et je commande un café.
J'attends le moment où, entre la quatrième et la cinquième, course ou tournée, on en vient à parler rugby. A Clermont, les sujets de conversation ne sont pas si variés. Une fois le tramway, le temps qu'il fait et qui passe, le parti socialiste, la crise et la politique épuisés, on finit toujours par le sport, d'abord le foot et ensuite le rugby. Quelques mots sur Antoine Koumbouaré qui vient de se faire virer, pour être remplacé par un entraîneur plus bankable. Tous les poncifs y passent : c'est injuste car il est premier à mi-saison, car c'est un historique du club, de toute façon, si le PSG est champion, il sera vite oublié, les supporters n'ont pas de mémoire, sauf quand on perd, le club est en train de perdre son âme, etc... Ce qui m'étonne le plus, finalement, c'est que pas un de ces mecs dont le salaire oscille entre le SMIC et le RSA n'a l'idée de s'indigner, non pas contre l'arbitraire de quelques rois du pétrole cyclothymiques, mais du fait que l'on s'émeuve de l'éviction en parachute doré d'un entraîneur, certes sympathique, d'un club qui rémunère exagérément des illettrés immatures et irresponsables. Ce doit être ça la France, ce pays où la liberté et la justice comptent plus que tout autre chose...
Finalement, on y arrive :
- Enfin bon, c'est pas ça qui arriverait à l'ASM... lance l'un deux après qu'un silence a signifié la nécessité d'orienter la logorrhée collective vers une nouveau caniveau.
- Ouais, c'est sûr, avec Vern qui reste, on tient le bon bout. Heureusement que les Kiwis nous l'ont laissé, embraye un autre, moins disert sur le foot et trop content de pouvoir donner un avis qualifié.
- Mais bon, j'y vois pas beau pour la Hache-Queupe, poursuit un troisième qui parle avec l'accent des paysans dans cette série appelée Kamelott qui passe sur une chaîne du câble.
- Faut dire, reprend le premier, qu'à 10 000 euros par mois, ils pourraient se donner un peu plus...
(...)
- Mais James, il a pas fait un mauvais match...
- Skrela par contre, on dirait qu'il a été livré par Ikéa ! J'ai jamais vu une armoire à glace aussi fragile !
- Tiens, d'ailleurs, ils parlent de faire un Ikéa à Aubière, quand y'z'y mettront le tramway...
Le moment est passé. Ils y reviendront peut être... Ou pas...
Je ne les écoute plus. Je regarde le mendiant qui fait la manche en tenant la porte à ceux qui entrent et sortent. Voila un homme qui est dans la merde, dont l'avenir est réduit à la portion congrue d'une espérance irrémédiablement déçue, et qui parcourt sans but et sans fin le cercle vicieux de sa vie. Je me demande s'il s'intéresse au rugby, s'il vibre lorsqu’il entend la rumeur du stade, s'il peut encore se réjouir à l'idée de ce spectacle innocent de trente gaziers qui luttent pendant quatre-vingts minutes pour un ballon devant vingt mille personnes hystériques, ignoblement hystériques, otages volontaires de l'oubli, temporairement inconscientes et diverties de leur sort inepte, de l'absurdité de leur existence et du fait de se passionner pour ce jeu inconséquent alors que leurs cellules sont en état de putréfaction suspendue et que la rumeur du monde continue à bruire de toute son horreur. Ils ont fait le pari, après tout pas si fou, de mettre une part de leur espérance entre les mains d'un club et ils objectivent leurs passions, leurs joies, leurs frustrations et leurs peines dans une équipe de types qu'ils ne connaissent même pas mais auxquels ils se sont ralliés à la faveur de la proximité géographique.
Pendant qu'ils supportent, ils doivent avoir l'impression de vivre plus intensément... De la même manière que je recherche une forme d'accomplissement en entraînant ces types, pour être le meilleur, pour jouir de la joie de la victoire, pour la gloire, pour la réussite. Sont-ils plus méprisables que moi, qui pense être maître de mon destin et de moi-même, en tentant d'infléchir le cours des choses, mais qui ne suis finalement que l'instrument anodin de leur obsession passagère, de leur plaisir remplaçable et dispensable ?
Je me lève. Je sors. Je remercie le mendiant de son obligeance. Il me regarde en souriant. Je crois qu'il m'a reconnu. Je lui donne mon bonnet, mes gants et mes lunettes de soleil. Il fait froid. J'ai froid. Je reste quelques instants face à lui. Il continue à me sourire en me tenant la porte. Un des poivrots hurle depuis le bar :
- La lourde !
Le mendiant ferme la porte en saluant rapidement l'ivrogne, pour s'excuser. Je me déplace. Je suis gêné. Il me dit, toujours souriant :
- Vous savez, quand l'ASM gagne le week end, je suis content. Ça me donne du courage pour la semaine...
C'est bientôt Noël. Je sens la frénésie de cette ville dont toute la volonté semble tournée vers la satisfaction d'un besoin consumériste. Je m'éloigne du mendiant en le remerciant d'un sourire. Je mets mes mains dans les poches de mon jean. Je lève les yeux vers le ciel. Je remercie je ne sais quel être suprême de m'avoir donné cette vie, ma vie, et je me dis, en serrant les poings :
- Bon maintenant, on va le gagner ce derby !

mercredi 21 décembre 2011

Noël, Joyeux Noël

Noël, c'est la fête du partage... Alors, on s'est tous offert des cadeaux :
Kevin a eu un ballon. Lorsqu'il l'a déballé, il a eu un mouvement de recul, et puis il a dit :
- Mais qu'est-ce que je vais faire de ça ?
Roro a eu une nouvelle carte vitale. L'ancienne avait fait fondre les lecteurs de la sécurité sociale. Pour nous remercier, il a offert des slips à tout le monde. Gonzalo a dit qu'il avait déjà des Dolce & Gabana et Aurélien lui a répondu que s'il préférait mettre des "slobards de gonzesses", ça le regardait...
Sitiveni a eu une pédale d'accélérateur. C'est moi qui la lui ai offerte, en espérant que cela lui donne des idées...
Jamie a reçu un camion citerne de bromure, en prévision des matches retours.
Morgan a eu une claque, il la méritait depuis longtemps, ainsi qu'un stage gratuit à l'Actors Studio pour parfaire son jeu.
David Skrela a eu une combinaison de démineur, pour bien amortir les chocs.
Jubon a reçu l'illumination de Matsumura Sokon et il est parti en retraite à Shaolin pour régénérer ses chakras.
Gerhard a eu une nouvelle plaque d'immatriculation (avec un 63 à la place du 19...).
Wesley et Jean-Marcelin ont été inscrits à "La France a un incroyable talent" pour représenter l'Auvergne.
J'ai viré Julien Malzieu qui voulait nous offrir des poulets alors qu'il n'avait pas enlevé la peau. J'en ai profité pour leur distribuer la brochure du Ministère de la santé "Comment ne pas grossir pendant les fêtes de fin d'année".
Brent a reçu quant à lui une carte postale de Bayonne, de la part de Sione, et Jean-Marc une promesse de contrat de la part de Jaque Fourie.
Clément Ric a été invité à devenir l'ami de Philippe Saint-André sur Facebook.
Morgan a offert à Nathan le Livre des Ruses et Trente-six Stratagèmes, en lui expliquant que c'était un hommage.
Elvis a reçu un déambulateur qui va beaucoup l'aider pour les départs au ras et Alexandre Audebert un bouquet de chèvrefeuille, de lierre, de violettes, d’œillets et de véroniques.

Et moi, me direz-vous, quel a été mon cadeau ? A vrai dire, rien n'aurait pu me faire plus plaisir. Ils l'ont vraiment bien choisie, cette poupée vaudoue à l'effigie de Steve Hansen...

lundi 19 décembre 2011

L'ASM en 26 lettres (5)

U comme Under Armour
Pas question ici de faire de la publicité gratuite pour l'équipementier actuel de l'ASM. Mais rappeler que nous sommes dans l'ère du merchandising et que les bénéfices issus de la vente de produits dérivés, même s'ils restent marginaux dans le budget d'un club (7% pour l'ASM si l'on y joint l'évènementiel - source ici), n'en sont pas pour autant négligeables, en particulier en temps de crise où les partenariats avec les acteurs publics et privés pourraient être revus à la baisse en cas de soubresauts de l'économie... A n'en pas douter, si l'on en juge par les tenues chamarrées des supporters au stade ou par les difficultés d'approvisionnement après les fêtes de fin d'année, la boutique du club se porte bien. En revanche, on peut être plus sceptique sur la qualité et l'esthétique de l'offre. A l'heure où de nombreux rugbymen lancent ou soutiennent des lignes de prêt à porter (dans la lignée de leurs glorieux anciens Serge Blanco et Eden Park, citons, par exemple, Sebastien Chabal, mais aussi les frères Domingo, on peut s'interroger, légitimement, sur l'impossibilité d'acquérir dans les boutiques de l'ASM un effet vestimentaire que l'on puisse porter en dehors d'une séance de sport ou sans faire insulte à la mode (j'exagère, mais pas tant que cela finalement)... Il semble que nous soyons cantonnés, si nous souhaitons arborer fièrement les couleurs de notre équipe favorite, à du "sous-Eden Park". Sans préjuger des goûts des clients habituels, il me paraîtrait envisageable, pour une SASP de la dimension de l'ASMCA et sans augmentation exponentielle des tarifs (ou en plus de l'offre déjà existante), de proposer au supporter fervent mais soucieux de son élégance et de l'image qu'il donne de son club, quelques produits mieux taillés, mieux dessinés, et surtout, plus jolis...

V comme Vern
Il est venu, Il a vu, il a perdu, il a perdu, il a perdu, il a vaincu : le bouclier a enfin été invité à faire un tour à Clermont-Ferrand. Être champion du monde avec la Nouvelle-Zélande ? Trop facile, déjà fait. Non, ici, on a un challenge à la mesure de l'homme. Pas question de repartir aux Antipodes sans avoir ramené la HCUP. S'il le faut, les Auvergnats feront péter l'un de leurs volcans pour bloquer le trafic aérien et empêcher le retour du sorcier sur ses terres avant que la besogne ne soit faite. A propos, M. Cotter, votre statue, vous la voulez dans quel coin de la place de Jaude ? Côté Vercingétorix ou côté Maréchal Desaix ?

W comme What a Wookie
May the Force be with Him...


Nota : J'espère que l'Ayatollah des Rock'n Rollers ne m'en voudra pas de l'avoir pillé...

X comme "eXcusez-moi M. l'arbitre"
Cette petite phrase, volée par les micros d'ambiance et prononcée par Elvis Vermeulen, après avoir commis une faute bénigne, au cours d'un match du Top 14 de la saison 2011-2012, est d'autant plus exemplaire qu'elle est devenue rare dans le sport professionnel, où l'enjeu a pris le pas sur l'élégance et la prise de recul. Il reste à espérer que cet état d'esprit, incarné par un joueur emblématique du club, perdure...

Y comme Yves du Manoir
Yves Frantz Loys Marie Le Pelley du Manoir était doué pour tout : polytechnicien, pilote militaire, il débuta une carrière de rugbyman international à 20 ans et, adulé du public, fut considéré comme le meilleur joueur français dès sa première sélection ! La brillante carrière de cet "arrière" polyvalent fut brisée par un crash aéronautique qui l'emporta à seulement 23 ans. Le challenge éponyme fut créé en 1931 par le Racing Club de France (où du Manoir jouait) pour remettre au goût du jour le beau jeu et le jeu tout court, à une époque où la recherche de la victoire à tout prix avait sonné le glas des grandes envolées (ce qui n'est pas sans rappeler notre actuel Top 14...). Des règles spécifiques veillaient à ce que le ballon vive et que les rencontres ne soient pas hachées par les arrêts de jeu. En particulier, les coups de pieds "placés" (pénalités et transformations) étaient interdits. Il est intéressant de noter que l'ASM fut, avec le CA Bègles, partie prenante dans la création de cette nouvelle compétition où le fair play avait une place prépondérante. Intéressant également de constater, en regard de son histoire en championnat et de sa culture, que l'ASM a remporté le trophée quatre fois (une de moins que Dax, autre maudit...), échouant en finale six fois, ce qui en fait le club le plus souvent finaliste après le RC Narbonne (douze finales, dont neuf victoires).

Z comme
Génération Z
La génération Z représente, en sociologie, les êtres humains nés après 1995. Si cette date fait sens dans le monde engendré par la fin de la Guerre Froide, elle correspond aux débuts du professionnalisme au rugby. Arrivent désormais sur les terrains des joueurs qui n'ont pas connu les heures plus ou moins glorieuses de l'amateurisme (y compris de couleur marron...) et qui considèrent ce sport comme un métier à part entière, voire comme une entreprise de spectacle. Si nous sommes dans une période charnière de l'histoire du noble jeu, nul doute que cette nouvelle génération aura une lourde responsabilité dans l'évolution du rugby, si fier de ses valeurs et souvent opposé, à tort ou à raison, au football et à ses excès. Le principal défi de l'ASMCA, en passe de devenir un club majeur et emblématique de ce deuxième siècle d'existence, ne sera, de ce fait, peut être pas purement sportif, mais pourrait bien être la préservation de son identité, de son âme et de ses traditions face au tsunami de l'argent et de la notoriété. Car, et il convient de ne jamais l'oublier, tout cela n'est que du rugby...

De A à E.
De F à J
.
De K à O.
De P à T.

samedi 17 décembre 2011

Déception amoureuse

Quand je suis rentré à la maison, après notre déplacement à Leicester, j'ai demandé à ma fille aînée de me raconter la fin de sa semaine. Elle n'avait pas l'air d'avoir le moral :
- C'est à cause d'un garçon, à l'école internationale...
- Ah bon ? Un garçon qui t'embête ?
J'étais déjà en train de m'imaginer aller la chercher un soir avec Julien Bardy et Gerhard pour impressionner ce petit imprudent.
- Oui... Enfin non. Il ne m'embête pas vraiment...
Je raccrochais mon téléphone et m'excusais auprès des joueurs de les avoir dérangés.
- Bon alors, qu'est-ce qu'il a ce garçon ?
- Ben... C'est le plus beau de l'école. Il est hollandais. Il a de grandes oreilles, mais toutes les filles sont amoureuses de lui...
- Toutes les filles... Y compris toi ?
Elle rougit en souriant, gênée. Je me disais que finalement, j'aurais peut être besoin de Julien et Gerhard... Je poursuivais :
- Bon, et lui, il t'aime bien ?
- Oui... Enfin non... Je sais pas trop...
- Comment ça ?
- Ben, y'a les sœurs jumelles irlandaises... Et puis l'élève dont le père est toulousain, qui est la première de la classe et qui se moque toujours de moi lorsqu'elle a une meilleure note... Elles n'arrêtent pas de lui tourner autour...
- Okay... Mais, il le sait que tu l'aimes bien ?
- Ben... Oui... Je lui ai envoyé des SMS... Je l'ai dit à ses copains... Mais bon... Les Irlandaises, elles ne font jamais leurs devoirs du soir, alors elles peuvent passer du temps avec lui. Et la Toulousaine, elle dit qu'elle ne peut pas être première de la classe et s'intéresser aux garçons, mais je sais qu'elle l'a déjà embrassé... Au moins quatre fois...
- Et toi, tu ne lui as jamais parlé ?
- J'aurais bien aimé, mais à chaque fois, les Irlandaises se débrouillent pour que je ne le croise jamais... Par exemple, hier, je lui avais donné rendez-vous pour aller au cinéma, voir Intouchables. Mais il a préféré aller au MacDo avec un Gallois et une Anglaise parce que les jumelles lui ont dit que j'étais une bolos...
- Une quoi ?
- Une bolos : une fille un peu coincée qui se fait facilement avoir...
- Ah...
- Et toi, Papa, comment c'était en Angleterre ?
- Eh bien... Comment te dire ? Un peu la même histoire finalement...