samedi 26 mai 2012

L'enterrement

 
Hier, Jubon, Julien Pierre et Morgan m'ont demandé la permission de s'absenter. Ils devaient assister à un enterrement. Même le Merdeux, d'habitude si enjoué et plein de morgue, tirait la gueule et n'en menait pas large. Ils m'ont proposé de les accompagner. Voulant partager leur deuil, j'ai accepté.
Il y avait un monde fou : tout le rugby français se pressait dans la petite église, bientôt pleine à craquer. Il est toujours intéressant de voir que les enterrements attirent plus de monde que les baptêmes ou les communions... A l'extérieur, les badauds, la plupart autochtones venus témoigner leur tristesse, attendaient silencieusement la sortie du cortège. A l'intérieur, la cérémonie fut digne, à l'image du défunt : il avait toujours vécu dans la discrétion, et si parfois ses excès de caractère avaient pu défier la chronique, l'éloignement et le peu de conséquences de ses actes avaient bien rapidement étouffé le scandale. Le disparu laissait en tout cas derrière lui une ribambelle d'orphelins, dont mes trois joueurs qui avaient rejoint le reste de la famille aux premiers rangs. Le plus affecté semblait être Olivier Milloud, au tempérament si réservé, et dont la face renfrognée semblait encore plus crispée qu'à l'habitude par le chagrin. Sébastien Chabal se tenait droit comme un "i" coiffé de sa sombre crinière qui m'apparaissait comme le scalp symbolique d'une belle idée morte. A ses côtés, Pascal Papé et Lionel Nallet complétaient, immobiles et silencieux, le trident d'une mêlée qui faisait trembler l'Ovalie. Benjamin Boyet pleurait comme une madeleine : pour lui, c'était l'évènement de trop dans une année difficile. Julien Frier fut chargé de l'oraison funèbre : ses mots furent empreints de la plus grande émotion, quoique marqués, également, par la rancune et le dégoût. Une immense impression de gâchis et d'incompréhension habitait l'ensemble de l'assistance, qui se demandait encore comment un être qui affichait autant de vitalité et de force il y a peu avait pu sombrer aussi vite dans l'indifférence générale. Philippe Saint André, seul au fond dans une alcôve de l'église, devait former de noires réflexions sur la question...
Le cercueil sortit par la grande porte, sur les épaules de huit jeunes solides rugbymen du cru dans un silence stupéfait.
Au cimetière, la concession attendait depuis longtemps déjà celui que l'on savait rongé par la longue maladie. Des fossoyeurs s'affairaient un peu plus loin. Je m'approchais d'eux. "Une commande annulée", me dit le premier avec une indifférence qui me fit frémir et en continuant à pelleter. "Mais ce n'est que partie remise", ricana le second...
Sur la pierre tombale, je lus : "Ci-git le Grand Béziers, Requiescat in Pace".

2 commentaires:

  1. J'ignorais que Béziers se trouvait en Berjalie? ;-)
    En tout cas bel artcile, bien emmené et très divertissant; il est vrai que l'étiquette du pleureur semblait plus convenir à Boyet qu'à Chabal! Quoi que..

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  2. Milloud - Genevois - Cardinali (Beziers et Bourgoin)
    Pierre - Papé
    Bonnaire - Chabal - Nicolas
    Parra - Boyet
    Coetze - David - Fritz - Coux
    Germain

    Ca fait pas une équipe toute jeune mais je pense qu'avec les Nallet, Denos, Tchougong et autres encore à peu près en activité qui ont passé pas mal de temps à Bourgoin, il y a du monde qui l'alignerai quand même en Top 14 !!

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