mercredi 9 mai 2012

Fin de règne

 
Quelque part, un café du commerce, en France...

- Ça y est, il était temps ! Presque cinq ans, c'était long ! De toute façon, je pouvais plus voir sa tronche à la télé...
- Ouais, on entre dans une nouvelle ère ! Finis les écarts verbaux et le mépris, retour aux fondamentaux, aux vraies valeurs. On va enfin pouvoir travailler normalement et dans la cohérence.
- Attendez ! Regardez les conditions dans lesquelles il a œuvré ! Des contraintes extérieures énormes, une chasse à l'homme médiatique, des espoirs qui ne confirment pas..
- Mais tu rigoles ou quoi ? Toutes les réformes promises dans la boîte à gant, des idées qui partent dans tous les sens et qui n'aboutissent jamais, et, même, en phase finale, le refus d'aller au bout de ses convictions premières par le désaveu de sa propre politique !
- Ouais, et puis, s'il voulait être aimé des media, il avait qu'à être plus poli...
- Non mais on rêve ! Il ne porte pas la responsabilité de tout ! Il n'était pas tout seul dans cette histoire, il y a eu tout de même des gens pour le porter là où il était, une équipe derrière lui, qui a endossé le projet et qui a roulé pour lui ! Et on ne peut pas nier qu'il a tenté des trucs, même s'il l'a fait avec une certaine maladresse. On peut ne pas aimer le bonhomme, mais, s'il a eu des échecs, il faut au moins reconnaître ses réussites...
- Ouais, enfin, ni mieux ni moins bien que ses prédécesseurs...
- Et qui te dit que son successeur fera mieux ? Tu penses qu'en appliquant les mêmes vieilles recettes, on va trouver des solutions à des problèmes nouveaux ? Le défi stratégique, la vision à long terme, le chantier de la défense, l'insertion des jeunes, l'incertitude généralisée, la bulle financière, les rebonds de la crise, le calendrier international, les rapports avec les présidents ? Tout ça se télescope, on en parle depuis des années, tout le monde dit qu'il faut faire quelque chose, mais personne n'est encore parvenu à imposer des vues en accord avec l'intérêt collectif et national... Et jusqu'à présent, le changement, je ne l'ai pas encore vu...
- Tu pourras dire ce que tu voudras, ce n'était plus l'homme de la situation : trop voulaient sa perte, y compris dans son propre camp et l'opinion en avait marre...
- C'est bien pour ça qu'on n'a pris qu'une solution de rechange. Le premier choix n'était plus disponible, les évènements en ont décidé ainsi. C'est un second couteau qui arrive aux commandes, d'ailleurs avec des têtes qu'on a déjà vues avant... N'attendez pas la révolution...
- Nous, de toute façon, on ne veut pas la révolution. Ce qu'on veut, c'est de la constance, de la cohérence et de la crédibilité.
- De la prudence, aussi.
- Avec des résultats en conséquence.
- J'espère que vous serez exaucés. Je ne dis pas que c'était l'homme de la situation, et, effectivement, il ne l'était certainement pas. Et si ça se trouve, le nouveau s'en sortira très bien. Je dis juste que, dans les conditions actuelles, celui qui a été choisi ne fera pas forcément mieux. Vous verrez que les plus grands espoirs sont les plus rapidement déçus... Vous aviez Napoléon III, vous souhaitiez Mendès-France, mais j'ai peur, au final, qu'on n'ait que Guy Mollet...
- Oh la ! les gars ! J'avais dit "Pas de politique dans mon bistrot" !

Le patron, serviette sur l'épaule, avait interrompu la conversation qui commençait à s'échauffer.

- T'inquiète, patron ! On parle pas politique, on parle du sélectionneur du XV de France. Bon allez, remets nous plutôt une tournée. De toute manière, avec la théorie du bordel, on verra bien...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire