jeudi 7 juin 2012

So long too long

 
Je sors de la gare, descends l'avenue, tourne à gauche, traverse la place de la Liberté, à qui je fais un clin d’œil en passant, mais qui reste de pierre. Je traverse le boulevard de Strasbourg, je laisse la place d'armes sur la droite, j'aperçois la porte de l'arsenal et je m'engouffre dans Chicag'. Une entraîneuse, mollement adossée à l'entrée d'un bar, sa main gauche soutenant une cigarette fumante emmanchée d'un long avant-bras doit vertical, m'adresse un regard vide et me dit, sans conviction :
- Tu viens boire une verre, Vern ? Je te remonterai le moral...
Je souris poliment en guise d'excuse et poursuis mon chemin. Bientôt, l'affreuse mairie de type stalinien aux allures de Loubianka vintage apparaît entre deux immeubles. Il est temps de virer à droite : je vérifie à deux fois avant de m'engager sur le passage protégé. Ici, les piétons n'ont pas la priorité. Des voitures en double file gênent la circulation, mais personne ne semble s'en soucier. La barre d'immeubles d'inspiration corbuséenne m'empêche de voir la mer. Enfin, j'arrive au quai Cronstadt. Je laisse Gaetano et le Navigateur de côté, le Cuverville ne s'est pas retourné et continue de dénoncer la mer. Tiens ! Un restaurant a brûlé. C'est incroyable le nombre d'incendies dans les restaurants ici... A la terrasse d'un café, un Moko m'interpelle :
- Eh ! Verneuh Côtteure ! T'y es venu pleurer ta mère sur la rade ? T'y as creuvé un pneu ?
Ses acolytes partent d'un grand éclat de rire... Ils pastissent tranquillement au soleil. Il est vrai qu'il est déjà 10h45... Je les entends plaisanter à grands éclats de rires sonores dans mon dos. Je tourne mon regard au loin, là-bas, vers la Rode et le Mourillon et je continue. Je remonte le cours Lafayette, après m'être fait apostropher par des supporters, juchés sur des voitures, en traversant l'avenue de la République. Je passe devant l'église Saint François-de-Paule. Dieu ne me fait pas signe. Au loin, Mayol se dresse au-dessus de son centre commercial. C'est le marché. Je perçois les jacasseries d'une marchande des quatre saisons :
- Devânt, on craint dégun, derrière, on a Joni et Mate...
Bientôt, une bande de minots excités me suit bruyamment. Les plus téméraires me lancent des :
- Cotteure ! T'es un louzeure !
Je m'enfonce dans la vieille ville. L'un des gamins hurle de toutes ses forces :
- Clermontois 'N'culééééé ! Ici c'est Mayol !
D'une fenêtre, une matrone lance à son garçon :
- Pierre-Laurent, rentr'immédiatement à la maison ! Je t'apprendrai à direuh des grossièreutés devant des estranegés !
Le minot baisse la tête et abandonne piteusement le groupe, en lâchant à part lui :
- De touteuh manièreuh, je man n'bats les couillah...
Soudain, à mes côtés, un individu à la pilosité douteuse, en pantacourt, tongs et débardeur. Il a plus de barbe que de cheveux et porte une paire de fausses Ray Ban king size... Tout en mimant l'acte sexuel qui consiste à pousser frénétiquement sur des bâtons de ski imaginaires en balançant élégamment le bassin d'arrière en avant, il me dit :
- Alôôrs, on vous a bien n'niké les Auvergnats, hein ? Et les Auvergnates, heureusement qu'on était lâh pour les conesoler...
Je sens l'énervement monter en moi. Mais je me retiens. J'ai mérité cela. Je suis un moine Shaolin. Je suis un moine Shaolin. Finalement, l'homme se détourne après avoir jeté un dernier :
- Eye ! Couillon' n'vâh !
Je passe mon chemin. Toujours suivi de ma joyeuse bande de jeunes lurons qui m'asticotent sans interruption, je salue Jules Raimu condamné au mutisme et à la contemplation éternelle de l'opéra. Je ne m'attarde pas devant les Kiosques ni Le Royal. Je finis par m'extirper du vieux Toulon, seul, les minots ayant fini par se lasser ou trouver une occupation plus ludique.
Bientôt, j'embarque dans le TGV. Je m'installe, au calme, en première, n'omettant pas cependant de garder un œil sur mes affaires tant que le train n'est pas parti... La Seyne, Six-Fours, Sanary, Bandol... Je contemple distraitement le littoral mêlé à mon reflet impassible dans la vitre et je remercie en silence le peuple de Mayol : grâce à vous, j'ai retrouvé la rage de vaincre pour une nouvelle année.

PS : et merci de répondre à mon sondage :
http://www.facebook.com/questions/405907976114827/
ou
http://www.cybervulcans.net/forum/index.php?showtopic=51683&st=0

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